LEAN MANAGEMENT A L’HOPITAL

Le Lean Management est un procédé né au Japon, chez Toyota plus précisément dans les années 90, avec à la base une réflexion  visant à créer plus de valeur ajoutée dans la production des produits par l’élimination du gaspillage.

Il s’agit de « dégraisser », d’enlever le surplus inutile, le temps perdu, d’où le terme de Lean Management, lean signifiant « dégraissé » en anglais.

La réflexion a ensuite été conceptualisée au sein du MIT, Massachussets Institute of Technology,  la célèbre université américaine.

La méthode implique que tous les employés participent à l’amélioration et que soit recherchée la production du produit la plus proche possible de ce qu’attend le client.

L’idée est de partir de la base à travers la consultation des salariés  pour parvenir, et ce de façon continue, à une recherche perpétuelle d’une meilleure qualité et d’une meilleure performance : gestes inutiles, mouvements trop longs, outils mal adaptés… doivent être diagnostiqués puis écartés.

Il s’agit d’obtenir des conditions de travail meilleures avec un client plus satisfait.

La méthode a séduit bien des entreprises qui l’appliquent à l’industrie depuis longtemps mais aussi aux banques ou aux assurances.

Elle tend à séduire également les centres hospitaliers et les établissements de soins dans leur ensemble.

Chercher les meilleures pratiques et les dupliquer en mettant le patient au centre du soin est l’objectif souhaité : il s’agit de quitter les « hautes sphères » pour étudier les pratiques réelles des soignants, les écouter, tester les innovations puis les étendre.

Le Lean Management présente a priori tous les atouts pour séduire les soignants comme les soignés, et donc in fine la collectivité dans son ensemble.

Spoiler

Faire en sorte que le chirurgien ne perde pas de temps inutile à chercher des lits de libres, qu’il se consacre exclusivement au travail opératoire en arrivant dans une salle où tout est prêt pour l’intervention à venir, des professionnels qui communiquent davantage entre eux, des patients qui ne perdent pas de temps dans les couloirs et repartent chez eux dès l’intervention ambulatoire finie sans attendre plusieurs heures au risque de devoir finalement passer une huit d’hospitalisation inutile, on ne peut nier que cela va dans le bon sens et s’inscrit dans un cercle vertueux de progrès.

Pour autant la méthode provoque des oppositions.

En effet, il lui est reproché, ou plus exactement il est reproché aux dirigeants qui souhaitent son application, de dévoyer la méthode en n’y voyant qu’un taylorisme amélioré, ayant pour seul but affiché le gain de productivité et en laissant de côté l’autre axe du Lean Management, à savoir le bien-être des salariés, voire pour les établissements de soins la satisfaction des patients.

Dans la mesure où la mise en œuvre du concept est concomitante avec les problèmes financiers des établissements de soins, les déficits, les restrictions budgétaires, les soucis de faire autant ou plus mais avec moins, on peut légitimement se poser des questions sur l’objectif vertueux affiché pour faire avaler la pilule « Lean Management » aux équipes de soins.

Quelles sont les principales critiques opposées au Lean Management par les salariés ?

Une division du travail plus importante qui dévalorise leur poste, une intensification des gestes qui génèrent des troubles musculo-squelettiques, une robotisation en éliminant les « temps perdus ».

Faire quelques pas de plus que nécessaire en traversant un couloir peut, au contraire d’une perte de temps, être un gain car il permet de se « dérouiller », de rencontrer quelques collègues et d’échanger avec eux et finalement d’ être mieux au travail et plus productif.

Cerise sur la gâteau pour certains : le Lean Management, par son aspect participatif, inclut le salarié dans une démarche qui le rend de fait acteur de son propre déclin.

« On ne soigne plus, on produit du soin, on industrialise le patient » disaient certains sur France Inter récemment (émission du 8 juin 2014 à écouter en podscast), « on ne fait pas du Lean pour améliorer les soins mais à cause du budget ».

Quand une prise de sang est minutée pour durer x minutes, que la toilette doit être exécutée en 7 mais que le patient se met à pleurer, l’infirmière doit-elle laisser tomber son patient qui ne rentre plus dans les cases du planning ?

Doit-on jeter le bébé avec l’eau du bain ?

En tant qu’usager nous avons tous été un jour témoin d’incohérences, de contradictions au sein de l’hôpital, avec le sentiment que le patient était la derrière roue du carrosse. Il ne faut pas négliger la résistance à tout changement de certains salariés ou la défense de son pré-carré par certains chefs de clinique surtout soucieux de défendre leur pouvoir avant leur service.

Mais dont-on oublier qu’un établissement de soins n’est pas une entreprise? 

La part d’aléa, qui peut être en général circonscrite dans l’industrie, ne peut l’être à l’hôpital.

Ne pas être obnubilé par la réduction des coûts semble être pour beaucoup d’avocats du Lean Management la meilleure façon de… réduire les coûts justement, en limitant les arrêts de travail et les maladies professionnelles.

Peut-être aussi en faisant du patient le cœur du système : pas sur le papier mais dans la réalité. Ne pas le faire sortir trop tôt après une intervention afin d’éviter de le faire revenir plus longtemps quelques jours après est aussi une façon de réduire les coûts.

[collapse]
0 réponses

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *