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Compétence de la CIVI pour un accident du travail

Les victimes (ou leurs ayants droit) de certaines infractions n’ayant pas pu obtenir réparation de leurs préjudices, peuvent saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), qui siège au sein de chacun de Tribunaux de Grande Instance de France.

L’article 706-3 du Code de procédure pénale détermine les règles de compétence de la CIVI.

Toute victime de faits volontaires ou non, et présentant le caractère matériel d’une infraction pénale, peut être intégralement indemnisée du préjudice résultant des atteintes à la personne qu’elle a subi si ces faits :

  • ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail au moins égale à un mois,

ou

  • sont constitutifs de viol, d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle sur mineur ou de traîte des êtres humains, sans condition d’incapacité minimum.

Ces infractions ne doivent pas relever de procédures spécifiques d’indemnisation, ce qui concerne les victimes de l’amiante, d’actes de terrorisme, d’accident de la circulation ou d’accident de chasse.

L’indemnisation peut être réduite, voire refusée, en cas de faute de la victime.

Selon l’article 706-14 du code de procédure pénale, une indemnité partielle peut être accordée à la victime, si elle a subi :

  • un dommage corporel entraînant un arrêt de travail ou d’activité de moins d’un mois,
  • un vol, une escroquerie, un abus de confiance, une extorsion de fonds ou la détérioration d’un bien lui appartenant.

Pour cela, elle doit remplir les conditions suivantes :

  • ses ressources mensuelles doivent être inférieures au montant du plafond de l’aide juridictionnelle partielle augmenté en fonction du nombre de personnes à charges
  • l’indemnisation de son préjudice par ses assurances personnelles, sa mutuelle, sa sécurité sociale ou tout autre débiteur se révèle insuffisante ou impossible
  • les faits doivent avoir entraîné dans sa vie des troubles graves.

L’indemnisation, dans ce cas, est plafonnée à trois fois le plafond de ressources fixé pour l’attribution de l’aide juridictionnelle partielle.

Dans son arrêt du 5 février 2015, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la demande d’un salarié intérimaire victime d’un accident de travail (chute dans les escaliers) alors qu’il livrait un client.

Le salarié a saisi la CIVI en invoquant une infraction résultant du manquement du client aux règles de sécurité.

Il a sollicité de ladite commission une provision ainsi que la nomination d’un expert judiciaire.

La CIVI, puis la Cour d’appel rejettent sa demande au motif que l’accident en cause est un accident du travail.

La Cour d’appel retient que la demande d’indemnisation de la victime doit être fondée sur les  dispositions d’ordre public régissant les accidents du travail, et non sur les des dispositions régissant la CIVI.

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au motif que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers.

Il faut retenir que la victime peut prétendre à une indemnisation de ses préjudices  servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions dans le cadre des règles de la CIVI, en raison du fait que l’accident est survenu dans les locaux d’une société tierce qui a enfreint les règles de sécurité et de santé au travail.

La notion de faute imputable à un tiers apparaît prédominante dans ce cas précis d’accident du travail.

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COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, 5 février 2015, n° 13-11945

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 451-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le 4 juin 2008, M. X…, employé par la société Manpower et mis à la disposition de la société Euromil Nord, a effectué une chute dans les escaliers en procédant à une livraison chez un client de la société utilisatrice ; qu’invoquant une infraction résultant d’un manquement de ce client aux règles de sécurité, il a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle et la désignation d’un expert ;

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Attendu que pour rejeter ces demandes, l’arrêt retient qu’à supposer établi que les faits reprochés par M. X… à la boulangerie cliente de l’entreprise utilisatrice présentent le caractère matériel d’une infraction, la cour d’appel ne peut que constater que l’accident en litige répond à la définition de l’accident du travail, en ce sens qu’il s’est produit dans l’un des lieux où s’est exercée la mission d’intérim ; qu’il s’ensuit que M. X… ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 706-3 du code de procédure pénale pour prétendre à une indemnisation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 décembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. X…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé l’ordonnance rendue le 24 octobre 2011 par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions du tribunal de grande instance de Reims en ce qu’elle avait débouté M. Cédric X… de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE certes, l’article 706-3 du code de procédure pénale dispose que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présente le caractère matériel d’une infraction peut obtenir, sous certaines conditions, la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes à la personne ; que cependant, il ressort de l’article L. 412-4 du code de la sécurité sociale que la victime d’un accident du travail doit en informer ou en faire informer l’utilisateur ; que ce dernier doit déclarer à l’entreprise de travail temporaire tout accident dont il a eu connaissance et dont a été victime un salarié mis à sa disposition par cette entreprise ; qu’est considéré comme lieu de travail tant le(s) lieu(x) où s’exerce la mission que le siège de l’entreprise temporaire ; qu’à supposer établi que les faits reprochés à la boulangerie cliente de la société utilisatrice présentent le caractère matériel d’une infraction, la cour ne peut que constater que l’accident litigieux est un accident du travail, au sens du texte précité, car il s’est produit dans l’un des lieux où s’est exercée la mission d’intérim ; que M. X… ne peut dès lors pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 706-3 susvisées pour prétendre à une indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions, cette indemnisation, légitime, devant ainsi résulter de l’application des dispositions d’ordre public régissant les accidents du travail ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’il est d’interprétation constante du droit que les dispositions légales d’ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction ; que la circonstance que l’accident subi soit survenu lors d’une mission d’intérim quand M. X… n’était pas salarié directement par la société EUROMIL, est sans incidence sur la qualification de l’accident du travail subi ;

1°/ ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir, sous certaines conditions, la réparation intégrale résultant des atteintes à la personne ; qu’aux termes de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles de droit commun dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ; que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction sont applicables, selon l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, aux victimes d’un accident du travail imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés ; que pour justifier le rejet de la demande présentée par M. X… devant la CIVI de Reims, la cour a retenu que dès lors que l’accident qu’il avait subi était un accident du travail, cette qualification excluait qu’il pût prétendre à une indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions ; qu’en se déterminant ainsi, la cour a violé les articles L. 412-4 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale ;

2°/ ALORS QUE les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction sont applicables, selon l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, aux victimes d’un accident du travail imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés ; que tel était le cas pour M. X…, dès lors que l’accident dont il a été victime est intervenu dans les locaux d’une société tierce, la société de la société EUROMIL, dont il n’était pas salarié, et à la charge de laquelle a été retenue une infraction aux règles de sécurité et de santé au travail ; que, pour exclure le droit de M. X…, victime d’un accident du travail, à présenter une demande d’indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions, la cour a retenu que, dans le cadre d’un travail temporaire, la victime d’un accident du travail doit en informer l’utilisateur, lequel doit déclarer cet accident à l’entreprise de travail temporaire, le lieu du travail étant le lieu où s’exerce la mission ; qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à justifier l’exclusion du droit de M. X…, la cour a violé derechef les articles L. 412-4 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale.

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