L’arrêt maladie d’une salariée qui succède immédiatement à son congé maternité n’a pas pour effet de lui octroyer un report de la période de protection
Le Code du travail prévoit un mécanisme de protection pour la salariée durant sa grossesse mais également durant l’intégralité des périodes de suspension de son contrat de travail auxquelles elle a droit au titre de son congé maternité (Code du travail, art. L. 1225-4).
Cette protection contre le licenciement s’étend aux quatre semaines qui suivent le congé maternité, excepté en cas de faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (art. L. 1225-4 C. travail).
El l’espèce, la Cour de cassation (Cass. soc., 8 juill. 2015, n° 14-15.979) s’est penchée sur la situation suivante : suite à son congé maternité, une salariée a été immédiatement placée en arrêt de travail simple.
Cet arrêt de travail a-t-il pour effet de prolonger la période de protection de 4 semaines ?
Quid du point de départ de cette période de protection ?
L’article L.1225-21 du Code du travail prévoit que le congé maternité peut être augmenté jusqu’à 4 semaines si l’arrêt de travail atteste que l’état pathologique de la salariée est lié à sa grossesse ou à son accouchement.
Dans ce cas, le point de départ du délai de protection de 4 semaines, sera reporté à la fin du congé maternité prolongé.
Idem si la salariée prend des congés payés dans les suites immédiates de son congé maternité.
Or, dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a décidé que l’arrêt maladie « simple » (c’est-à-dire non pathologique), n’a pas pour effet de retarder le point de départ de la période de protection.
Dans ces conditions, la période de protection prend fin 4 semaines après la fin du congé maternité et non pas 4 semaines après la fin de l’arrêt maladie « simple » quand bien même celui-ci est directement accolé au congé maternité.
Il est à noter que dans cette espèce, la salariée a fait valoir une période de protection étendue du fait de son arrêt maladie en produisant aux débats un certificat médical de son médecin qui indiquait a posteriori que l’arrêt maladie en question était bien pathologique.
Or la Cour de Cassation a relevé que la Cour d’appel avait « souverainement apprécié la valeur probante de ce document », constatant que l’état pathologique ne figurait pas initialement dans l’arrêt de travail.
On ne peut que conseiller aux salariées et aux médecins de s’assurer de la rigueur de la rédaction de l’arrêt de travail.
Source: Legifrance
Références
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 8 juillet 2015
N° de pourvoi: 14-15979
Publié au bulletin Rejet
M. Frouin (président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 26 février 2014), que Mme X…, engagée le 2 novembre 2004 par la société Cache Cache, en qualité de gestionnaire réseau junior, a exercé ses fonctions entre mars et octobre 2006 au sein d’une autre société du groupe, la société Pauline, avant de réintégrer le 1er octobre 2006 la société Cache Cache en qualité de contrôleur de gestion-ressources humaines ; qu’elle a été en congé de maternité du 12 mars au 21 juillet 2008, puis en arrêt pour maladie du 22 juillet au 22 août 2008 et enfin en congés payés jusqu’à la première semaine de septembre au cours de laquelle elle a repris le travail ; qu’elle a été licenciée le 11 septembre 2008 au motif de divergences persistantes d’opinion sur la politique de ressources humaines de l’entreprise ; qu’une transaction a été régularisée entre les parties le 26 septembre 2008 ; qu’ayant dénoncé à l’employeur cet accord, la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que le congé de maternité est augmenté de la durée de l’état pathologique présenté par la salariée, dans la limite de 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement et de 4 semaines après la date de celui-ci, dès lors que cet état pathologique est attesté par un certificat médical ; qu’aucune disposition n’exige toutefois que l’arrêt de travail et l’état pathologique résultent du même certificat ; qu’en considérant comme inopposable à l’employeur l’état pathologique lié à la maternité présenté par Mme X… au cours de la période du 22 juillet au 22 août 2008 du seul fait qu’il n’était pas mentionné dans l’arrêt de travail initial mais dans un certificat postérieur, la cour d’appel a ajouté aux exigences légales et violé l’article L. 1225-21 du code du travail ;
2°/ que le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée ne peut être rompu pendant la période du congé de maternité ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration de cette période ; que le point de départ de cette période est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ; qu’en faisant courir les 4 semaines sur le congé de maladie, en réalité lié à l’état pathologique consécutif à la maternité, et sur les congés payés pris par la salariée, de sorte que le délai de protection était expiré au moment de la reprise du travail par Mme X…, la cour d’appel a violé l’article L. 1225-4 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant constaté que l’arrêt de travail pour maladie de la salariée du 22 juillet au 22 août 2008 ne mentionnait pas un état pathologique lié à la maternité, la cour d’appel, qui a relevé que l’attestation du médecin traitant indiquant cet état pathologique avait été établie un an et demi après la prise du congé, a souverainement apprécié l’absence de valeur probante de ce document ;
Et attendu que si la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n’en va pas de même en cas d’arrêt de travail pour maladie ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le troisième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Cache Cache et Pauline ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme X….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir refusé de prononcer la nullité du licenciement de Mademoiselle X…,
AUX MOTIFS QU’ en application de l’article L.1225-4 du code du travail la rupture du contrat de travail est interdite pendant la grossesse et le congé maternité, que la salariée use ou non de ce droit, ainsi que pendant les 4 semaines suivant l’expiration de ces périodes, sauf faute grave non liée à l’état de grossesse ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement, la rupture dans ce cas ne pouvant prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat mentionnées au premier alinéa ; que comme l’a jugé justement le conseil de prud’hommes, si aux termes de l’article L.1225-21 du code du travail lorsqu’un congé pathologique est attesté par un certificat médical le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci, mais la période de 4 semaines n’est pas reportée lorsque le contrat de travail est suspendu à la suite du congé maternité par un arrêt de travail sans lien avec un état pathologique lié à la maternité ; qu’en effet en l’espèce l’arrêt produit pour la période du 22 juillet 2008 au 22 août 2008 ne mentionne aucunement un tel état pathologique et le fait que son médecin traitant ait établi une attestation d’état pathologique un an et demi après ne peut être opposé à l’employeur comme l’a justement considéré le premier juge ;
1) ALORS QUE le congé de maternité est augmenté de la durée de l’état pathologique présenté par la salariée, dans la limite de 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement et de 4 semaines après la date de celui-ci, dès lors que cet état pathologique est attesté par un certificat médical ; qu’aucune disposition n’exige toutefois que l’arrêt de travail et l’état pathologique résultent du même certificat ; qu’en considérant comme inopposable à l’employeur l’état pathologique lié à la maternité présenté par Mademoiselle X… au cours de la période du 22 juillet au 22 août 2008 du seul fait qu’il n’était pas mentionné dans l’arrêt de travail initial mais dans un certificat postérieur, la Cour d’appel a ajouté aux exigences légales et violé l’article L.1225-21 du Code du travail ;
2) ALORS QUE le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée ne peut être rompu pendant la période du congé de maternité ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration de cette période ; que le point de départ de cette période est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ; qu’en faisant courir les 4 semaines sur le congé de maladie, en réalité lié à l’état pathologique consécutif à la maternité, et sur les congés payés pris par la salariée, de sorte que le délai de protection était expiré au moment de la reprise du travail par Mademoiselle X…, la Cour d’appel a violé l’article L.1225-4 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Mademoiselle X… de sa demande de rappels de salaires dirigée à l’encontre de la société PAULINE,
AUX MOTIFS QUE cette demande ne peut prospérer car, comme le soulève cette société, les salariés auxquels elle se compare n’appartenaient pas au personnel de PAULINE mais étaient salariés de CACHE CACHE,
ALORS QUE les juges doivent répondre à tous les moyens pertinents dont ils sont saisis ; que, dans ses écritures, Mademoiselle X… faisait valoir, en s’appuyant sur l’une des pièces de son adversaire, que les sociétés PAULINE et CACHE CACHE appliquaient une même grille de salaires pour leur personnel ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen péremptoire, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme X… de sa demande de nullité de la transaction conclue le 26 septembre 2008,
AUX MOTIFS QUE la transaction suppose, selon l’article 2044 du code civil, l’existence d’une contestation née ou à naître, à laquelle elle pour objet de mettre un terme. Elle doit être postérieure au licenciement. Comme l’a rappelé le conseil de prud’hommes, l’existence d’un litige n’est pas contesté par les parties, la transaction est postérieure de 15 jours à la notification du licenciement, ce qui constitue un délai suffisant. Mme X… évoque dans ses écritures, sans pour autant soutenir une absence de capacité à consentir à l’époque de la transaction, un état de faiblesse qu’en tout état de cause aucune des pièces visées ne permet de retenir, d’autant qu’elle avait été déclarée parfaitement apte par le médecin du travail. Elle ne se prévaut pas non plus des causes de vices de consentement prévues par l’article 1109 du code civil, il y a lieu en conséquence de retenir l’existence d’un consentement libre et éclairé comme l’a retenu le conseil de prud’hommes. Elle soutient ensuite une absence de concessions de l’employeur ou du moins le caractère dérisoire de ces concessions dans le cadre d’un licenciement non fondé au regard des motifs invoqués. Cependant, alors qu’il résulte d’un courrier du 16 septembre 2008 de Mme X… que c’est elle qui a sollicité, postérieurement à la notification du licenciement, une dispense de préavis, payée néanmoins par l’employeur constitue de la part de ce dernier une concession non dérisoire, étant précisé que la salariée, qui aurait, selon l’employeur, indiqué à son supérieur hiérarchique qu’elle souhaitait quitter la société et effectuer une formation pour reprendre la gestion de l’entreprise de son mari, ce qu’elle conteste, avait, comme le souligne l’intimée, exercé pendant 4 ans ses fonctions au service RH, ce qui implique qu’elle était parfaitement informée en matière de droit du travail et en mesure d’apprécier les conséquences juridiques de la transaction, laquelle a pu manifestement la satisfaire, après qu’elle ait pu évaluer, par rapport aux griefs avancés par l’employeur, qui les avait formulés de manière neutre dans la lettre, l’opportunité d’une confrontation judiciaire. Il n’appartient pas au juge de trancher le litige sur un licenciement qui a fait l’objet même de la transaction, dans le cas d’espèce si l’employeur n’a pas détaillé les faits dans la lettre de licenciement, ils étaient néanmoins vérifiables, ainsi qu’il apparaît de la lettre pièce n° 21 (intimée) et du mail pièce 30 (intimée) et parfaitement connus de la salariée. La transaction est donc valide et c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté Mme X… de sa demande d’annulation de cet acte. En conséquence de cette transaction, qui inclut la renonciation à toute action en justice relative aux rapports ayant existé entre les parties, notamment au titre de l’exécution comme de la résiliation du contrat, Mme X… est irrecevable à contester le licenciement et à solliciter des rappels de salaires à l’encontre de la société CACHE CACHE ;
ALORS QUE tout arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en concluant à la validité de la transaction sans répondre au moyen pertinent des conclusions d’appel de Mme X… faisant valoir que l’employeur ne pouvait valablement transiger sur les dispositions d’ordre public de l’article L. 1225-4 du code du travail protégeant la salariée en congé maternité contre le licenciement sans faire encourir la nullité à la transaction litigieuse, la cour a violé l’article 455 du code de procédure civile.