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Fin de vie et obligations légales du praticien : le Conseil d’Etat prend position

Le Président de la République Française a annoncé un débat imminent à l’Assemblée Nationale portant sur la révision de la loi Leonetti concernant la fin de vie des malades.

Deux parlementaires ont en effet formulé des propositions dont la mesure principale consiste en l’instauration d’un droit à une sédation profonde et continue.

Seraient concernés par cette sédation jusqu’à la mort, les malades qui en font la demande dès lors qu’ils sont incurables et conscients.

A cette sédation, serait associé l’arrêt des traitements maintenant en vie.

C’est dans ce contexte où les discussions parlementaires sur la fin de vie sont relancées qu’est intervenue une décision du Conseil d’Etat du 30 décembre 2014.

Un médecin d’Aquitaine a fait appel devant le conseil national de l’ordre des médecins suite à sa radiation du tableau de l’ordre des médecins par la chambre disciplinaire de première instance.

La chambre disciplinaire ayant rejeté l’appel formé, le médecin s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler la décision.

En l’espèce, il était reproché à ce praticien d’avoir délibérément provoqué la mort de plusieurs patients en leur ayant administré diverses substances à base de curare.

La haute juridiction a motivé sa décision en précisant que « si le législateur a, par ces dispositions, entendu que ne saurait être imputé à une faute du médecin le décès d’un patient survenu sous l’effet d’un traitement administré parce qu’il était le seul moyen de soulager ses souffrances, il n’a pas entendu autoriser un médecin à provoquer délibérément le décès d’un patient en fin de vie par l’administration d’une substance létale. »

La circonstance selon laquelle le médecin mis en cause avait agi dans le but de soulager la souffrance physique des patients, n’est pas, selon le Conseil d’Etat, de nature à enlever le caractère fautif aux actes commis.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle fermement les dispositions de l’article R.4127-38 du Code de la santé publique selon lequel « le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort » et rejette par conséquent le pourvoi du praticien.

Il est intéressant d’observer que dans le cadre de sa défense ce dernier a fait valoir que règles de droit interne ne suffisent pas à assurer le respect du principe de dignité humaine et du droit fondamental de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable.

De quoi alimenter le débat de cette rentrée 2015.

Marion HASSAIN

(Références arrêt: CE, 30 décembre 2014, n°381245)

Source : Conseil d’Etat

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Scolarisation des enfants handicapés

Dans un arrêt du 29 décembre 2014, Le Conseil d’Etat rappelle que le service public de l’Education garantit à tout enfant le droit à une éducation scolaire. Il incombe donc à l’Etat de prendre les mesures nécessaires lorsqu’il s’agit d’enfant handicapé.

La circonstance qu’aucune décision n’ait été prise par la commission des droits et de l’autonomie (MDPH) en raison d’un manque de place ne désengage pas l’Etat de sa responsabilité.
 

Conseil d’État

N° 371707   
ECLI:FR:CESJS:2014:371707.20141229
Inédit au recueil Lebon
4ème sous-section jugeant seule
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
M. Rémi Keller, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

lecture du lundi 29 décembre 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. E…A…demeurant … et Mme D…C…demeurant … ; M. A…et Mme C…demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12VE01049 du 14 mai 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles, à la demande du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, en premier lieu, a annulé le jugement n° 0813919 du 26 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. A…et Mme C…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur fils mineur, B…, condamné l’Etat à leur verser, d’une part, une somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du défaut de scolarisation de leur fils, d’autre part, une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé de ce fait à ce dernier, en second lieu, a rejeté la requête de M. A…et Mme C… ;

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2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. A…et de Mme C…;

1. Considérant qu’en vertu des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l’éducation, le service public de l’éducation garantit le droit de tout enfant a une éducation scolaire ; qu’aux termes de l’article L. 112-1 du même code : ” Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. Dans le cadre de son projet personnalisé, si ses besoins nécessitent qu’il reçoive sa formation au sein de dispositifs adaptés, il peut être inscrit dans une autre école ou un autre établissement mentionné à l’article L. 351-1 par l’autorité administrative compétente, sur proposition de son établissement de référence et avec l’accord de ses parents ou de son représentant légal. (…) ” ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L. 351-1 et L. 351-2 du code de l’éducation, les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans l’un des établissements scolaires publics ou sous contrat, le cas échéant dans l’un des établissements spécialisés désigné par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; qu’aux termes des dispositions de l’article L. 146-9 du code de l’action sociales et des familles : ” Une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11.” ;

2. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions, d’une part, que, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu’il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que la carence de l’Etat est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés, celles-ci n’ayant pas un tel objet ; que la seule circonstance que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’a pas prononcé de décision d’orientation de l’enfant handicapé ne saurait décharger l’Etat de sa responsabilité, sans préjudice de la responsabilité d’autres organismes publics, dès lors que cette absence de décision résulte, non du manque de diligence des parents ou responsables légaux de l’enfant, mais de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ;

3. Considérant qu’il ressort du dossier soumis aux juge du fond que B…A…, né le 27 janvier 2000 et atteint d’un handicap mental, a été pris en charge au sein d’un jardin d’éveil puis, à raison de deux matinées par semaine, au sein d’une école maternelle communale, du mois de septembre 2005 à la rentrée scolaire de septembre 2007 ; que M. A…et MmeC…, ses parents, ont saisi la maison départementale des personnes handicapées du Val d’Oise afin d’obtenir une décision d’orientation de la commission des droits des personnes handicapées vers les établissements ou les services en mesure de l’accueillir, eu égard à ses besoins ; que, par courrier du 27 mars 2007, l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées du Val d’Oise a indiqué transmettre le dossier de B…A…à deux instituts médico-éducatifs du département ” pour étude et admission éventuelle ” ; que ces deux établissements ont informé M. A…et Mme C…que leur effectif était complet et qu’ils ne pouvaient scolariser leur enfant ; que, suite au refus de ces deux établissements, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ne s’est pas prononcée sur l’orientation de B…A…, qui n’a pas été scolarisé à la rentrée scolaire 2007 ;

4. Considérant que, dès lors, en jugeant que la seule circonstance que la commission n’avait pas prononcé de décision d’orientation suffisait à établir que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée du fait de l’absence de scolarisation de B…A…à compter du mois de mars 2007, alors que l’absence de décision de la commission résultait de l’insuffisance des structures d’accueil et non du manque de diligence de ses parents, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’analyser les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A…et Mme C…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 14 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A…et Mme C…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E…A…, à Mme D…C…et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.