dopage

Juge d’instruction et dossier médical : pouvoirs du juge

doping-271623_1280Le juge d’instruction est autorisé à faire examiner un dossier médical sans l’accord de l’intéressé par voie d’expertise.

A l’origine des faits la mise en examen d’un entraîneur et compagne d’une athlète de haut niveau, mis en examen pour importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementation sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, important de produits dopants sans raison médicale.

Le juge d’instruction a fait analyser par un expert le dossier médical de l’athlète aux fins de recherche d’anomalies susceptibles d’e^tre en lien avec les produits dopants.

Le requérant estimait que la consultation d’un dossier médical est une ingérence dans le vie privée, que l’autorisation du patient était nécessaire et que l’expertise, soumise à un pharmacien, non soumis au secret professionnel des médecins, était une violation dudit secret et avait saisit la chambre d’instruction puis la Cour de cassation.

Celle-ci considère (Cass, Crim, 24 novembre 2015, pourvoi n° 15-83349) que le magistrat n’a pas excédé ses pouvoirs car aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mis en examen ou de témoin assisté, ni qu’elle consente à l’examen de son dossier, que l’expertise était soumise au principe du contradictoire et proportionné au but poursuivi et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux.

La Cour rejette ainsi le pourvoi.

Source : Legifrance

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Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 novembre 2015
N° de pourvoi: 15-83349
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Patrice X…,


contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de GRENOBLE, en date du 8 avril 2015, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 novembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juillet 2015, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 et 226-14 du code pénal, 80, 156 et suivants, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité présentée par M. X… portant sur l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme Jeannie C…, ainsi que de toutes les pièces dont elle est le support ;

” aux motifs qu’en application de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ; qu’en l’espèce, saisi des faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique, d’infractions aux règlements sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses et d’importation de substance ou procédé interdit aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale (dopage), le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, compagne du mis en examen et athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; qu’aucun texte du code de procédure pénale n’impose le placement d’une personne sous le statut de témoin assisté ou de mis en examen préalablement à la réalisation d’une telle expertise ; qu’aucun texte n’impose davantage que soit recueilli, préalablement à la réalisation d’une expertise médicale ou biologique ordonnée par le magistrat instructeur dans le cadre des faits dont il est saisi, l’avis ou l’autorisation de la personne concernée par les éléments soumis à ladite expertise ; qu’une telle expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni l’article 8 de ladite convention sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

” 1°) alors que la consultation d’un dossier médical constitue une ingérence dans la vie privée qui n’est compatible avec les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition d’être prévue par une loi suffisamment claire et précise pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à une telle mesure ; que l’article 81 du code de procédure pénale, qui permet au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ne peut conférer une base légale suffisante à cette mesure litigieuse ; que, dès lors, en rejetant la demande de nullité de l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme C…, en relevant qu’elle était suffisamment justifiée par l’article 81 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

” 2°) alors que le juge pénal ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique l’y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l’expert une mission qui porte atteinte au secret médical sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable du patient concerné, qui n’est pas partie à la procédure ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a ordonné la saisie du dossier médical de Mme C… et sa remise à un expert aux fins qu’il indique si des anomalies ressortant de l’étude dudit dossier étaient susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO, sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable de Mme C… laquelle, faute d’être partie à la procédure, n’a pas accès à l’expertise faite sur son propre dossier et n’a aucune possibilité de faire des observations ; que ce faisant, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés, particulièrement la protection de la vie privée et l’exercice des droits de la défense ;

3°) alors que lorsque le juge d’instruction décide de recourir à une expertise pour consulter un dossier médical, l’expert doit être soumis au même secret professionnel que la personne ayant établi ledit dossier ; qu’en refusant d’annuler l’ordonnance ayant désigné, pour procéder à l’expertise du dossier médical de Mme C…, un expert, pharmacien, qui n’était pas soumis au secret professionnel des médecins, la chambre de l’instruction a de nouveau violé les textes et principes susvisés ” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d’une information ouverte le 10 février 2012, M. Patrice X…, mari et entraîneur de Mme Jeannie C…, a été mis en examen des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants ; que, par ordonnance du 26 mai 2014, le juge d’instruction a ordonné une expertise aux fins d’analyser le dossier médical de Mme C… saisi dans les locaux de la Fédération française de cyclisme ; que, le 31 décembre 2014, M. X… a déposé une demande aux fins d’annulation de pièces de la procédure ;

Attendu que, pour rejeter la requête, l’arrêt retient que le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; que les juges ajoutent qu’aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mise en examen ou de témoin assisté ni qu’elle formule un avis ou donne son autorisation à la réalisation de l’acte ; qu’ils concluent que l’expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni son article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors qu’en vertu des articles 81, 156 et suivants du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut ordonner une expertise ayant pour objet des constatations d’ordre technique nécessitant la communication et l’examen de pièces utiles à la manifestation de la vérité, et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux et détenu par une fédération sportive investie de prérogatives de puissance publique en matière de lutte contre le dopage ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre novembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:CR05805

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble , du 8 avril 2015

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médecin

Secret médical : il pèse en quasi toute circonstance !!

cardiac-217140_1280Le Conseil d’Etat a été amené, dans une décision du 17 juin 2015 (requête n° 385924), à rappeler que le secret médical père sur le médecin en toute circonstance 

Le Conseil d’Etat avait été saisi  par un médecin afin d’annulation d’une décision rendue par la Chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins sur appel du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Loire.

Quels étaient les faits?

Mme D. s’était rendue chez son médecin, Mme B qui avait un cabinet commun avec son mari, M. B. En attendant sa consultation avec Mme B, Mme D avait confié à M. B, au niveau du secrétariat commun aux deux médecins, les résultats d’un examen gynécologique pour lequel elle venait consulter son épouse.

Mme D. et le couple de médecins étaient par ailleurs amis de longue date.

Quelques temps après cet échange dans le secrétariat, M. B a informé un proche de Mme D. afin de l’inviter à se faire soigner lui aussi.

La chambre disciplinaire a considéré que Mme D. s’était adressée à M. B en tant que médecin, même s’ils avaient des relations amicales anciennes et qu’il n’était pas son médecin habituel. Par conséquent, leur échange, même en dehors du cabinet à proprement parler, était couvert par le secret médical qui couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin, c’est à dire ce qui lui est confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu, compris.

La Chambre a retenu une violation du secret médical et a condamné M. B à l’interdiction d’exercer pendant 3 mois.

M. B a donc saisi le Conseil d’Etat en vue de voir annuler la décision.

Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi, considérant que la qualification des faits était exact et la sanction non hors de proportion avec les faits retenus.

Source : Légifrance

Pour lire l’arrêt :

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Conseil d’État

N° 385924   
ECLI:FR:CESJS:2015:385924.20150617
Inédit au recueil Lebon
4ème SSJS
M. David Moreau, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

lecture du mercredi 17 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire a transmis à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins de Rhône Alpes, en s’y associant, la plainte déposée par Mme A…D…à l’encontre de M. C… B…. Par une décision du 23 janvier 2013, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté ces plaintes.

Par une décision n° 11888 du 24 septembre 2014, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a, sur appel du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins, d’une part, de MmeD…, d’autre part, annulé cette décision et infligé à M. B…la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois à compter du 1er janvier 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 24 novembre 2014, 22 décembre 2014 et 18 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge solidaire du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.B…, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Mme D… ;

1. Considérant qu’il ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée que Mme D…s’est rendue le 23 décembre 2011 au cabinet médical commun à M. et Mme B…pour consulter cette dernière ; qu’en attendant la consultation elle s’est trouvée, dans le secrétariat commun du cabinet, en présence de M. B…à qui elle a confié les résultats d’un examen gynécologique qu’elle venait de subir et qui motivait sa visite ; qu’il ressort des mêmes énonciations que, quelques jours après cet échange, M. B…a informé un proche de Mme D…des résultats de l’examen dont celle-ci lui avait fait part, en vue de l’inviter à se faire soigner lui aussi ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : ” Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (…) ” ; qu’aux termes de l’article R. 4127-4 du même code : ” Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ” ; que le secret institué par ces dispositions s’étend à toute information de caractère personnel confiée à un praticien par son patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice ;

3. Considérant que la chambre disciplinaire nationale n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que Mme D… s’était adressée à M. B… en sa qualité de médecin, alors même qu’il avait des relations amicales anciennes avec Mme D…, que leur échange avait eu lieu en dehors de son cabinet et que celle-ci n’était pas venue le consulter ;

4. Considérant qu’il résulte, dès lors, de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu’en jugeant que le secret médical couvrait ces informations confiées à M. B… en tant que médecin, même s’il n’était pas le médecin habituel de Mme D…, et que ce dernier avait par suite, en les révélant à un tiers, méconnu l’obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale n’a pas commis d’erreur de droit ;

5. Considérant enfin que, alors même que M. B… aurait eu une intention prophylactique en communiquant ces informations et que Mme D… les aurait elle-même révélées à d’autres tiers, la sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois prononcée à son encontre n’est pas hors de proportion avec les faits retenus ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B… doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de M. B…la somme que demande Mme D…au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de M. B…est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C…B…, à Mme A…D…, au conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et au Conseil national de l’ordre des médecins.

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palais de justice

L’expert de la sécurité sociale et responsabilité personnelle

L’expert engage sa responsabilité personnelle à raisons des fautes commises dans l’exercice de sa mission.

Une personne, victime d’un accident de trajet, avait été expertisée dans le cadre du contentieux de la sécurité sociale pour des troubles qui persistaient au delà de la date de prise en charge. Son médecin traitant avait rédigé un certificat en ce sens. Un expert avait été désigné sur le fondement de l’article R.141-1 du Code de la sécurité sociale. Suite à ses conclusions, la CPAM avait refusé de prendre en charge les troubles persistants.

La requérante a alors assigné l’expert devant le juge judiciaire mettant en cause sa responsabilité. La Cour d’appel, considérant que le praticien avait oeuvré au titre de collaborateur du service public, rejetant la demande au titre de l’incompétence de la juridiction au profit du juge administratif.

La Cour de cassation (arrêt du 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-23896) stethoscope-29243_1280casse l’arrêt considérant que l’expert désigné en matière de contentieux de la sécurité sociale engage sa responsabilité personnelle pour les fautes commises pendant l’accomplissement de sa mission.

Source : Légifrance

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Cour de cassation

chambre civile 1
Audience publique du jeudi 10 septembre 2015
N° de pourvoi: 14-23896
Publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Richard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l’article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été victime d’un accident de trajet pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail jusqu’au 1er septembre 2001 ; qu’à la suite d’un avis de son médecin traitant faisant état de la persistance de troubles au-delà de cette date, M. Y… a été désigné en qualité d’expert psychiatre dans les conditions prévues par les articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, afin de déterminer si ces troubles étaient en lien de causalité avec l’accident ; que, se fondant sur les conclusions de cet expert, la caisse primaire d’assurance maladie en a refusé la prise en charge ; que Mme X… a recherché la responsabilité de M. Y… en invoquant l’existence d’une faute dans l’accomplissement de sa mission lui ayant fait perdre une chance de bénéficier du régime de réparation des accidents du travail ;

Attendu que, pour accueillir l’exception d’incompétence du juge judiciaire invoquée par M. Y…, l’arrêt relève que ce praticien est intervenu en qualité de collaborateur occasionnel du service public et qu’en l’absence de faute personnelle détachable du service, l’action en responsabilité dirigée à son encontre ressortit au juge administratif ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’expert désigné en matière de contentieux de la sécurité sociale engage sa responsabilité personnelle à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er février 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le docteur Gilbert Y…, désigné en qualité d’expert par la CPAM de la Seine-Saint-Denis, est intervenu en qualité de collaborateur occasionnel du service public et d’AVOIR dit que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la demande de Mme X… et renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE le docteur Y…, psychiatre des hôpitaux, désigné par la commission des recours amiable de la CPAM de Seine Saint-Denis dans le cadre de la procédure d’expertise prévue par les articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est bien intervenu en qualité de collaborateur occasionnel du service public, ainsi que le confirme une lettre du président du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val d’Oise du 29 août 2011 ; que, dès lors, l’action en responsabilité dirigée à son encontre ressortit au juge administratif, sauf en cas de faute personnelle alléguée à l’origine du dommage invoqué ; que, pour caractériser une telle faute, Mme X… invoque la rédaction par l’expert de deux rapports successifs contradictoires, circonstance qui, selon sa thèse, ne peut avoir d’autre explication que de répondre aux sollicitations de la CPAM ; qu’elle ne démontre pas que l’irrégularité alléguée dans l’accomplissement de la mission ait poursuivi une intention de nuire ou revêtu une gravité telle qu’elle soit révélatrice d’un manquement volontaire et inexcusable aux obligations professionnelles et déontologiques de l’expert ; que le premier juge a exactement relevé que les conclusions de l’expert n’étaient pas en contradiction manifeste, le second rapport étant seulement plus abouti ; que la modification dénoncée s’analyse davantage comme un complément apporté aux premières conclusions de l’expert, alors exprimées sur un mode dubitatif, se prononçant « dans l’état actuel » et « pour l’instant », pour formuler dans le second rapport une opinion plus précise, fondée sur une description plus exhaustive des antécédents pathologiques de la patiente lors d’un séjour à l’hôpital Jean Verdier en mai 1994 et août 1996 ; que dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’aucune faute personnelle détachable du service n’était démontrée ; qu’en conséquence, l’ordonnance qui a écarté la compétence du juge judicaire sera confirmée ;

1) ALORS QUE les médecins experts intervenant dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale ne sont pas des collaborateurs occasionnels du service public ; qu’en affirmant que le docteur Y…, qui était intervenu dans le cadre d’un contentieux général de la sécurité sociale, avait la qualité de « collaborateur occasionnel du service public », la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l’article L. 311-1 21° et les articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître le sens clair et précis des écrits soumis à son examen ; que dans son courrier du 29 août 2011, le Président de l’Ordre du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val d’Oise indiquait : « Après avoir interrogé le Conseil National de l’Ordre, nous vous confirmons que les médecins experts, les rapporteurs et les médecins qualifiés aux articles R. 143-4, R. 143-27 et R. 143-28 du code de la sécurité sociale, sont considérés comme des collaborateurs occasionnels du service public et affiliés à ce titre, au régime général de la sécurité social » ; qu’en affirmant que la qualité de collaborateur occasionnel du service public des médecins experts intervenant dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, en application des articles R 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, était confirmée par ce courrier, la cour d’appel qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l’article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la demande de Mme X… et renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE le docteur Y…, psychiatre des hôpitaux, désigné par la commission des recours amiable de la CPAM de Seine Saint-Denis dans le cadre de la procédure d’expertise prévue par les articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est bien intervenu en qualité de collaborateur occasionnel du service public, ainsi que le confirme une lettre du président du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val d’Oise du 29 août 2011 ; que, dès lors, l’action en responsabilité dirigée à son encontre ressortit au juge administratif, sauf en cas de faute personnelle alléguée à l’origine du dommage invoqué ; que, pour caractériser une telle faute, Mme X… invoque la rédaction par l’expert de deux rapports successifs contradictoires, circonstance qui, selon sa thèse, ne peut avoir d’autre explication que de répondre aux sollicitations de la CPAM ; qu’elle ne démontre pas que l’irrégularité alléguée dans l’accomplissement de la mission ait poursuivi une intention de nuire ou revêtu une gravité telle qu’elle soit révélatrice d’un manquement volontaire et inexcusable aux obligations professionnelles et déontologiques de l’expert ; que le premier juge a exactement relevé que les conclusions de l’expert n’étaient pas en contradiction manifeste, le second rapport étant seulement plus abouti ; que la modification dénoncée s’analyse davantage comme un complément apporté aux premières conclusions de l’expert, alors exprimées sur un mode dubitatif, se prononçant « dans l’état actuel » et « pour l’instant », pour formuler dans le second rapport une opinion plus précise, fondée sur une description plus exhaustive des antécédents pathologiques de la patiente lors d’un séjour à l’hôpital Jean Verdier en mai 1994 et août 1996 ; que dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’aucune faute personnelle détachable du service n’était démontrée ; qu’en conséquence, l’ordonnance qui a écarté la compétence du juge judicaire sera confirmée ;

ALORS QUE l’action tendant à réparer le dommage qu’un collaborateur occasionnel du service public a personnellement causé à un tiers, en l’absence de toute participation de celui-ci à l’exécution même du service public, relève de la compétence exclusive du juge judiciaire ; que l’expert médical commis par les parties dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale qui a pour mission d’arbitrer un contentieux relatif à une difficulté médicale existant entre l’assuré et la caisse d’assurance maladie, ne participe pas à l’exécution même du service public de la sécurité sociale qui est exclusivement assumée par les Caisses primaires d’assurance maladie ; que dès lors, en subordonnant sa compétence pour connaître de l’action en responsabilité engagée par Mme X… contre le Dr Y… à la démonstration d’une faute détachable imputable à ce dernier, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la demande de Mme X… et renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE le docteur Y…, psychiatre des hôpitaux, désigné par la commission des recours amiable de la CPAM de Seine Saint-Denis dans le cadre de la procédure d’expertise prévue par les articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est bien intervenu en qualité de collaborateur occasionnel du service public, ainsi que le confirme une lettre du président du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val d’Oise du 29 août 2011 ; que, dès lors, l’action en responsabilité dirigée à son encontre ressortit au juge administratif, sauf en cas de faute personnelle alléguée à l’origine du dommage invoqué ; que, pour caractériser une telle faute, Mme X… invoque la rédaction par l’expert de deux rapports successifs contradictoires, circonstance qui, selon sa thèse, ne peut avoir d’autre explication que de répondre aux sollicitations de la CPAM ; qu’elle ne démontre pas que l’irrégularité alléguée dans l’accomplissement de la mission ait poursuivi une intention de nuire ou revêtu une gravité telle qu’elle soit révélatrice d’un manquement volontaire et inexcusable aux obligations professionnelles et déontologiques de l’expert ; que le premier juge a exactement relevé que les conclusions de l’expert n’étaient pas en contradiction manifeste, le second rapport étant seulement plus abouti ; que la modification dénoncée s’analyse davantage comme un complément apporté aux premières conclusions de l’expert, alors exprimées sur un mode dubitatif, se prononçant « dans l’état actuel » et « pour l’instant », pour formuler dans le second rapport une opinion plus précise, fondée sur une description plus exhaustive des antécédents pathologiques de la patiente lors d’un séjour à l’hôpital Jean Verdier en mai 1994 et août 1996 ; que dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’aucune faute personnelle détachable du service n’était démontrée ; qu’en conséquence, l’ordonnance qui a écarté la compétence du juge judicaire sera confirmée ;

1) ALORS QUE la faute détachable du service relevant de la compétence du juge judiciaire est caractérisée lorsque, commise dans ou à l’occasion du service, elle est d’une extrême gravité ou présente un caractère inexcusable ; qu’en retenant que l’irrégularité commise par le docteur Y…, qui avait établi deux rapports distincts les 20 août et 27 septembre 2002 au lieu d’un ainsi que l’exigeait l’article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, ne constituait pas une « faute détachable du service » en l’absence de « contradiction manifeste », sans examiner, même de façon sommaire, les « Conclusions motivées », figurant dans chacun des deux rapports et dans lesquelles le médecin expert, après avoir d’abord déclaré, le 20 août 2002, qu’il existait un « lien de causalité direct et certain entre l’accident dont l’assurée a été victime le 25.11.2000 et les lésions », a affirmé exactement le contraire dans ses secondes conclusions motivées du 27 septembre 2002, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;

2) ALORS QUE relève de la compétence du juge judiciaire l’action en responsabilité formée par un tiers à l’encontre d’un collaborateur occasionnel du service public à raison d’une faute détachable de service ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était expressément invitée (conclusions, p. 6), si le fait pour le docteur Y… d’avoir repris le dossier pour établir un second rapport à l’origine du dommage, en violation flagrante des règles de procédure imposées par l’article R. 141-4 du code de la sécurité sociale aux fins de garantir les droits de la défense, caractérisait une faute d’une extrême gravité constitutive d’une faute détachable du service, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.

ECLI:FR:CCASS:2015:C100920
Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 1 février 2013

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argent

Réparation intégrale et contrôle de l’utilisation des fonds

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La Cour de cassation, dans un arrêt de la Chambre criminelle du 2 juin 2015, est venue rappeler que le principe de la réparation intégrale du préjudice n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime au titre des préjudices futurs.

Celle-ci reste libre de leur utilisation.

La Cour casse un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 16 avril 2014 qui avait subordonné l’indemnisation de la victime de frais futurs à la production de justificatifs.

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation se trouvait avoir besoin de frais d’appareillage et fauteuil roulant. Il demandait la capitalisation de ses frais futurs.

L’arrêt attaqué avait condamné au remboursement des dépenses de santé futures au fur et à mesure des besoins sur présentation des factures acquittées en l’absence d’éléments suffisants quant à leur prise en charge par les organismes de sécurité sociale.

La Haute juridiction casse en considérant qu’il appartenait à la Cour d’appel de procéder à la capitalisation en déterminant le coût des appareillages, la périodicité de leur renouvellement et en exigeant la communication des décomptes des prestations que organismes sociaux envisageaient de servir.

Cassation sur l’article 1382 du code civil.

Source : Légifrance

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 juin 2015, 14-83.967, Publié au bulletin | Legifrance

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 juin 2015, 14-83.967, Publié au bulletin | Legifrance

Références

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 2 juin 2015
N° de pourvoi: 14-83967
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :



– M. Gilles X…,
– La société Axa France, partie intervenante,
– M. Elie Y…,
– Mme Marie-Christine Z…, épouse Y…, parties civiles,


contre l’arrêt de la cour d’appel d’AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 2014, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 avril 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I – Sur les pourvois formés par M. X… et la société Axa France :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

II – Sur le pourvoi formé par M. Elie Y… et Mme Marie-Christine Z… :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2 et 591 du code de procédure pénale ;

“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X… à rembourser à M. Y… ses principales dépenses de santé futures au fur et à mesure de ses besoins et sur présentation des factures acquittées ;

“aux motifs que le premier juge a évalué à 13 178,92 euros la créance de RSI à l’exclusion des frais de prothèse et de déplacement pour appareillage qui restent à la charge de M. Y… ; que (¿) le premier juge a alloué à la partie civile l’intégralité des sommes réclamées se composant de frais pharmaceutiques à hauteur de 1 168,18 euros, de frais d’appareillage pour 328 517,52 euros et de frais de fauteuil roulant à concurrence de 8 171,35 euros, lesdites sommes étant le résultat d’une capitalisation viagère sur la base du barème de la Gazette du Palais de 2011 ; que dans ses conclusions déposées devant la cour, M. Y… sollicite désormais une capitalisation sur la base du barème publié par la Gazette du Palais dans son édition des 27 et 28 mars 2013 et, tenant compte des conclusions de la nouvelle expertise du professeur A…, il demande, au titre des frais pharmaceutiques, une somme globale de 1 486,01 euros (¿) ; qu’au titre des frais d’appareillage, M. Y… sollicite la somme globale de 247 783,05 euros (¿) ; que RSI ayant refusé de procéder à la capitalisation des frais futurs, M. Y… y a procédé lui-même sur la base d’un euro de rente viagère de 7,938 (barème applicable aux organismes sociaux) et a déduit une somme totale de 49 927,79 euros au titre de la prise en charge par cet organisme des frais de prothèse principale (27 679,57 euros), prothèse de secours (20 759,69 euros), manchons, en réalité bonnets de calage (917 euros), cannes anglaises (48,42 euros) et fauteuil roulant manuel (523,11 euros), à l’exclusion des autres appareillages ou prestations qui ne sont pas pris en charge ; que la MAAF n’ayant pas intégré dans sa créance définitive de frais futurs, ce dont il se déduit qu’elle n’en prend pas en charge, M. Y… demande en conséquence de lui allouer, au titre des dépenses de santé futures, une somme de 199 341,27 euros (249 269,06 – 49 927,79) ; que M. X… et Axa France contestent le mode d’indemnisation sous forme d’un capital, le considérant comme peu en adéquation avec la réparation de ce type de préjudice et également plus incertain pour la victime qui risque de le dilapider, et surtout le choix du barème au regard tant du taux de capitalisation que de la prise en compte de l’inflation, étant observé que la victime, pour capitaliser la créance de RSI, ne manque pas de faire le choix d’un barème bien plus avantageux pour elle, créant ainsi un écart artificiel contraire au principe de réparation intégrale ; qu’en conséquence, ils offrent d’indemniser ce poste au fur et à mesure des besoins de la victime, sur présentation des factures acquittées après prise en charge des organismes sociaux et, subsidiairement, de régler une rente annuelle viagère qui, selon les textes applicables, ne devrait pas être soumises à l’impôt sur le revenu, contrairement à ce que soutient la partie civile ; que la cour ne peut que constater que, pour calculer le montant de l’indemnité due en réparation des postes de préjudice mentionnés ci-dessus, M. Y…, après avoir capitalisé le montant de la dépense annuelle sur la base d’un euro de rente viagère généralement de 15,455, sauf dans les cas où le point de départ de la capitalisation est avancé ou retardé, ne manque pas, pour calculer la créance à déduire de RSI qui n’a pas lui-même offert de capitaliser les dépenses de santé futures qu’il a seulement listées et évaluées pour un premier engagement, d’utiliser un prix d’euro de rente de 7,938, créant ainsi un écart tout à fait artificiel qui repose sur l’emploi de deux barèmes de capitalisation fort différents, sans aucune justification puisqu’il s’agit de capitaliser le même préjudice subi par la même victime pour une période de vie statistiquement équivalente ; que ce procédé, qui n’a d’autre objet que de dégager un important différentiel d’indemnisation ne correspondant à aucun préjudice, n’est pas tolérable et, compte tenu des évolutions envisageables à la fois quant aux prix des appareillages et à leur niveau de prise en charge par les organismes de sécurité sociale, l’offre principale de l’assureur, qui a par ailleurs pour mérite d’éviter toute discussion sur l’éventuelle imposition de la rente et de garantir l’indemnisation la plus proche possible du préjudice réellement subi, doit être retenue ;

“alors que le principe de la réparation intégrale du préjudice n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation ; qu’en condamnant le responsable à rembourser à la victime ses dépenses de santé futures au fur et à mesure des besoins de celle-ci et sur présentation de factures acquittées, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés” ;

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que le principe de la réparation intégrale n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation ;

Attendu que M. Elie Y… a été victime, le 20 juin 2009, d’un accident de la circulation, dont M. X…, assuré auprès de la société Axa France, reconnu coupable de blessures involontaires, a été définitivement déclaré tenu à réparation intégrale ; que M. Y… et Mme Z…, son épouse, ont demandé réparation des préjudices subis du fait de cet accident et, notamment, des dépenses de santé futures que M. Y… devra exposer ;

Attendu que l’arrêt attaqué a condamné M. X… au remboursement des dépenses de santé futures relatives aux appareillages de M. Y… à la suite de l’accident, au fur et à mesure de ses besoins et sur présentation des factures acquittées, en l’absence d’éléments suffisants quant à leur prise en charge par les organismes de sécurité sociale et aux prix de ces appareillages ;

Mais attendu qu’en subordonnant ainsi l’indemnisation de M. Y… à la production de justificatifs, alors qu’il lui appartenait, pour liquider son préjudice, de procéder à la capitalisation des frais futurs, en déterminant le coût de ces appareillages et la périodicité de leur renouvellement, en exigeant la communication des décomptes des prestations que ces organismes de sécurité sociale envisageaient de servir à la victime et en recourant, en tant que de besoin à une nouvelle expertise et à un sursis à statuer, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I – Sur les pourvois formés par M. X… et la société Axa France :

Les REJETTE ;

II – Sur le pourvoi formé par M. Elie Y… et Mme Marie-Christine Z… :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Amiens, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 2014, mais en ses seules dispositions relatives aux dépenses de santé futures, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Amiens autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux juin deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


ECLI:FR:CCASS:2015:CR02172

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Amiens , du 16 avril 2014

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maternité

L’arrêt maladie d’une salariée qui succède immédiatement à son congé maternité n’a pas pour effet de lui octroyer un report de la période de protection

Le Code du travail prévoit un mécanisme de protection pour la salariée durant sa grossesse mais également durant  l’intégralité des périodes de suspension de son contrat de travail auxquelles elle a droit au titre de son congé maternité (Code du travail, art. L. 1225-4).

Cette protection contre le licenciement s’étend aux quatre semaines qui suivent le congé maternité, excepté en cas de faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (art. L. 1225-4 C. travail).

El l’espèce, la Cour de cassation (Cass. soc., 8 juill. 2015, n°  14-15.979) s’est penchée sur la situation suivante : suite à son congé maternité, une salariée a été immédiatement placée en arrêt de travail simple.

Cet arrêt de travail a-t-il pour effet de prolonger la période de protection de 4 semaines ?

Quid du point de départ de cette période de protection ?

L’article L.1225-21 du Code du travail prévoit que le congé maternité peut être augmenté jusqu’à 4 semaines si l’arrêt de travail atteste que l’état pathologique de la salariée est lié à sa grossesse ou à son accouchement.

Dans ce cas, le point de départ du délai de protection de 4 semaines, sera reporté à la fin du congé maternité prolongé.

Idem si la salariée prend des congés payés dans les suites immédiates de son congé maternité.

Or, dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a décidé que l’arrêt maladie « simple » (c’est-à-dire non pathologique), n’a pas pour effet de retarder le point de départ de la période de protection.

Dans ces conditions, la période de protection prend fin 4 semaines après la fin du congé maternité et non pas 4 semaines après la fin de l’arrêt maladie « simple » quand bien même celui-ci est directement accolé au congé maternité.

Il est à noter que dans cette espèce, la salariée a fait valoir une période de protection étendue du fait de son arrêt maladie en produisant aux débats un certificat médical de son médecin qui indiquait a posteriori que l’arrêt maladie en question était bien pathologique.

Or la Cour de Cassation a relevé que la Cour d’appel avait « souverainement apprécié la valeur probante de ce document », constatant que l’état pathologique ne figurait pas initialement dans l’arrêt de travail.

On ne peut que conseiller aux salariées et aux médecins de s’assurer de la rigueur de la rédaction de l’arrêt de travail.

Source: Legifrance

Références

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 8 juillet 2015
N° de pourvoi: 14-15979
Publié au bulletin Rejet 

M. Frouin (président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 26 février 2014), que Mme X…, engagée le 2 novembre 2004 par la société Cache Cache, en qualité de gestionnaire réseau junior, a exercé ses fonctions entre mars et octobre 2006 au sein d’une autre société du groupe, la société Pauline, avant de réintégrer le 1er octobre 2006 la société Cache Cache en qualité de contrôleur de gestion-ressources humaines ; qu’elle a été en congé de maternité du 12 mars au 21 juillet 2008, puis en arrêt pour maladie du 22 juillet au 22 août 2008 et enfin en congés payés jusqu’à la première semaine de septembre au cours de laquelle elle a repris le travail ; qu’elle a été licenciée le 11 septembre 2008 au motif de divergences persistantes d’opinion sur la politique de ressources humaines de l’entreprise ; qu’une transaction a été régularisée entre les parties le 26 septembre 2008 ; qu’ayant dénoncé à l’employeur cet accord, la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que le congé de maternité est augmenté de la durée de l’état pathologique présenté par la salariée, dans la limite de 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement et de 4 semaines après la date de celui-ci, dès lors que cet état pathologique est attesté par un certificat médical ; qu’aucune disposition n’exige toutefois que l’arrêt de travail et l’état pathologique résultent du même certificat ; qu’en considérant comme inopposable à l’employeur l’état pathologique lié à la maternité présenté par Mme X… au cours de la période du 22 juillet au 22 août 2008 du seul fait qu’il n’était pas mentionné dans l’arrêt de travail initial mais dans un certificat postérieur, la cour d’appel a ajouté aux exigences légales et violé l’article L. 1225-21 du code du travail ;

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2°/ que le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée ne peut être rompu pendant la période du congé de maternité ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration de cette période ; que le point de départ de cette période est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ; qu’en faisant courir les 4 semaines sur le congé de maladie, en réalité lié à l’état pathologique consécutif à la maternité, et sur les congés payés pris par la salariée, de sorte que le délai de protection était expiré au moment de la reprise du travail par Mme X…, la cour d’appel a violé l’article L. 1225-4 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’arrêt de travail pour maladie de la salariée du 22 juillet au 22 août 2008 ne mentionnait pas un état pathologique lié à la maternité, la cour d’appel, qui a relevé que l’attestation du médecin traitant indiquant cet état pathologique avait été établie un an et demi après la prise du congé, a souverainement apprécié l’absence de valeur probante de ce document ;

Et attendu que si la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n’en va pas de même en cas d’arrêt de travail pour maladie ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Cache Cache et Pauline ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir refusé de prononcer la nullité du licenciement de Mademoiselle X…,

AUX MOTIFS QU’ en application de l’article L.1225-4 du code du travail la rupture du contrat de travail est interdite pendant la grossesse et le congé maternité, que la salariée use ou non de ce droit, ainsi que pendant les 4 semaines suivant l’expiration de ces périodes, sauf faute grave non liée à l’état de grossesse ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement, la rupture dans ce cas ne pouvant prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat mentionnées au premier alinéa ; que comme l’a jugé justement le conseil de prud’hommes, si aux termes de l’article L.1225-21 du code du travail lorsqu’un congé pathologique est attesté par un certificat médical le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci, mais la période de 4 semaines n’est pas reportée lorsque le contrat de travail est suspendu à la suite du congé maternité par un arrêt de travail sans lien avec un état pathologique lié à la maternité ; qu’en effet en l’espèce l’arrêt produit pour la période du 22 juillet 2008 au 22 août 2008 ne mentionne aucunement un tel état pathologique et le fait que son médecin traitant ait établi une attestation d’état pathologique un an et demi après ne peut être opposé à l’employeur comme l’a justement considéré le premier juge ;

1) ALORS QUE le congé de maternité est augmenté de la durée de l’état pathologique présenté par la salariée, dans la limite de 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement et de 4 semaines après la date de celui-ci, dès lors que cet état pathologique est attesté par un certificat médical ; qu’aucune disposition n’exige toutefois que l’arrêt de travail et l’état pathologique résultent du même certificat ; qu’en considérant comme inopposable à l’employeur l’état pathologique lié à la maternité présenté par Mademoiselle X… au cours de la période du 22 juillet au 22 août 2008 du seul fait qu’il n’était pas mentionné dans l’arrêt de travail initial mais dans un certificat postérieur, la Cour d’appel a ajouté aux exigences légales et violé l’article L.1225-21 du Code du travail ;

2) ALORS QUE le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée ne peut être rompu pendant la période du congé de maternité ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration de cette période ; que le point de départ de cette période est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ; qu’en faisant courir les 4 semaines sur le congé de maladie, en réalité lié à l’état pathologique consécutif à la maternité, et sur les congés payés pris par la salariée, de sorte que le délai de protection était expiré au moment de la reprise du travail par Mademoiselle X…, la Cour d’appel a violé l’article L.1225-4 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Mademoiselle X… de sa demande de rappels de salaires dirigée à l’encontre de la société PAULINE,

AUX MOTIFS QUE cette demande ne peut prospérer car, comme le soulève cette société, les salariés auxquels elle se compare n’appartenaient pas au personnel de PAULINE mais étaient salariés de CACHE CACHE,

ALORS QUE les juges doivent répondre à tous les moyens pertinents dont ils sont saisis ; que, dans ses écritures, Mademoiselle X… faisait valoir, en s’appuyant sur l’une des pièces de son adversaire, que les sociétés PAULINE et CACHE CACHE appliquaient une même grille de salaires pour leur personnel ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen péremptoire, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme X… de sa demande de nullité de la transaction conclue le 26 septembre 2008,

AUX MOTIFS QUE la transaction suppose, selon l’article 2044 du code civil, l’existence d’une contestation née ou à naître, à laquelle elle pour objet de mettre un terme. Elle doit être postérieure au licenciement. Comme l’a rappelé le conseil de prud’hommes, l’existence d’un litige n’est pas contesté par les parties, la transaction est postérieure de 15 jours à la notification du licenciement, ce qui constitue un délai suffisant. Mme X… évoque dans ses écritures, sans pour autant soutenir une absence de capacité à consentir à l’époque de la transaction, un état de faiblesse qu’en tout état de cause aucune des pièces visées ne permet de retenir, d’autant qu’elle avait été déclarée parfaitement apte par le médecin du travail. Elle ne se prévaut pas non plus des causes de vices de consentement prévues par l’article 1109 du code civil, il y a lieu en conséquence de retenir l’existence d’un consentement libre et éclairé comme l’a retenu le conseil de prud’hommes. Elle soutient ensuite une absence de concessions de l’employeur ou du moins le caractère dérisoire de ces concessions dans le cadre d’un licenciement non fondé au regard des motifs invoqués. Cependant, alors qu’il résulte d’un courrier du 16 septembre 2008 de Mme X… que c’est elle qui a sollicité, postérieurement à la notification du licenciement, une dispense de préavis, payée néanmoins par l’employeur constitue de la part de ce dernier une concession non dérisoire, étant précisé que la salariée, qui aurait, selon l’employeur, indiqué à son supérieur hiérarchique qu’elle souhaitait quitter la société et effectuer une formation pour reprendre la gestion de l’entreprise de son mari, ce qu’elle conteste, avait, comme le souligne l’intimée, exercé pendant 4 ans ses fonctions au service RH, ce qui implique qu’elle était parfaitement informée en matière de droit du travail et en mesure d’apprécier les conséquences juridiques de la transaction, laquelle a pu manifestement la satisfaire, après qu’elle ait pu évaluer, par rapport aux griefs avancés par l’employeur, qui les avait formulés de manière neutre dans la lettre, l’opportunité d’une confrontation judiciaire. Il n’appartient pas au juge de trancher le litige sur un licenciement qui a fait l’objet même de la transaction, dans le cas d’espèce si l’employeur n’a pas détaillé les faits dans la lettre de licenciement, ils étaient néanmoins vérifiables, ainsi qu’il apparaît de la lettre pièce n° 21 (intimée) et du mail pièce 30 (intimée) et parfaitement connus de la salariée. La transaction est donc valide et c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté Mme X… de sa demande d’annulation de cet acte. En conséquence de cette transaction, qui inclut la renonciation à toute action en justice relative aux rapports ayant existé entre les parties, notamment au titre de l’exécution comme de la résiliation du contrat, Mme X… est irrecevable à contester le licenciement et à solliciter des rappels de salaires à l’encontre de la société CACHE CACHE ;

ALORS QUE tout arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en concluant à la validité de la transaction sans répondre au moyen pertinent des conclusions d’appel de Mme X… faisant valoir que l’employeur ne pouvait valablement transiger sur les dispositions d’ordre public de l’article L. 1225-4 du code du travail protégeant la salariée en congé maternité contre le licenciement sans faire encourir la nullité à la transaction litigieuse, la cour a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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arrêt de travail

Salariés en arrêt : pensez à vous prémunir de la preuve de l’envoi de l’arrêt de travail

Par une décision du 9 juillet 2015, la Chambre sociale de la Cour de Cassation

Un salarié est placé en arrêt de travail par son médecin.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) lui a refusé le bénéfice des indemnités journalières pour la période correspondante à la durée de l’arrêt au motif que l’arrêt ne lui était pas parvenu dans le délai légal.

Rappelons à ce titre que l’article R.321-1 du Code de la sécurité sociale prévoit qu’ « en cas d’interruption de travail, l’assuré doit envoyer à la caisse primaire d’assurance maladie, dans les deux jours suivant la date d’interruption de travail, et sous peine de sanctions fixées conformément à l’article L.321-2 , une lettre d’avis d’interruption de travail indiquant, d’après les prescriptions du médecin, la durée probable de l’incapacité de travail. »

En l’espèce, suite au refus d’indemnisation de la Caisse, l’assuré a exercé un recours auprès du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS).

En première instance le Tribunal a considéré que l’arrêt de travail devait être pris en compte et indemnisé conformément aux dispositions du Code de la Sécurité sociale.

 « Au vu du duplicata de l’arrêt de travail litigieux et en l’absence d’exigence d’un envoi recommandé, il ne saurait être exigé de l’assuré social de prouver un fait impossible à démontrer à savoir l’envoi de l’arrêt de travail dans les deux jours ».

La Caisse a formé en pourvoi en cassation.document

Dans un arrêt du 9 juillet 2015, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt du TASS de la Côte-d’Or, considérant que:

 « il appartenait à l’assuré de justifier par tous moyens, y compris par présomption, de l’accomplissement des formalités destinées à permettre à la caisse d’exercer son contrôle ».

Cet arrêt est rendu au visa de l’article 1315 du Code civil qui dispose que :

«  Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Ainsi, alors que la loi n’exige par l’envoi de l’arrêt de travail par voie postale avec accusé de réception, la Cour de cassation fait peser sur l’assuré la charge de la preuve de cet envoi.

Ces derniers devront dont être vigilants non seulement sur le délai de deux jours pour adresser l’arrêt de travail, mais également sur la preuve de cet envoi (lettre suivie voire recommandée, remise en main propre contre décharge…).

Source: Legifrance

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 9 juillet 2015
N° de pourvoi: 14-15561
Non publié au bulletin Cassation

M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l’article 1315 du code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, et les productions, que le 6 juillet 2012, la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte-d’Or (la caisse) a refusé le bénéfice des indemnités journalières de l’assurance maladie à M. X… (l’assuré) pour la période du 13 juin 2012 au 16 juin 2012 au motif que l’arrêt de travail ne lui était pas parvenu à cette date ; que l’assuré a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Lire la suite



Attendu que pour faire droit à ce recours, le tribunal énonce qu’au vu du duplicata de l’arrêt de travail litigieux et en l’absence d’exigence d’un envoi recommandé, il ne saurait être exigé de l’assuré social de prouver un fait impossible à démontrer à savoir l’envoi de l’arrêt de travail dans les deux jours ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à l’assuré de justifier par tous moyens, y compris par présomption, de l’accomplissement des formalités destinées à permettre à la caisse d’exercer son contrôle, le tribunal a violé le textes susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 décembre 2013, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chaumont ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte-d’Or ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Poirotte, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l’audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte-d’Or

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que l’arrêt de travail de Monsieur Martial X… du 13 juin 2012 au 16 juin 2012 devait être pris en compte et indemnisé conformément aux dispositions du Code de la Sécurité sociale ;

AUX MOTIFS QU’après examen des pièces régulièrement produites et compte tenu des débats qui se sont tenus à l’audience, il y a lieu au vu du duplicata de l’arrêt de travail du 13 juin 2012 au 16 juin 2012 – et compte tenu par ailleurs de ce qu’en l’absence d’exigence d’un envoi recommandé, il ne saurait (être) exigé de l’assuré social de prouver un fait impossible à démontrer, à savoir l’envoi de l’avis d’arrêt de travail dans les deux jours – de faire droit à sa demande d’indemnisation de l’arrêt de travail litigieux ;

ALORS QU’en cas d’interruption de travail due à la maladie, l’assuré doit envoyer à la Caisse primaire d’assurance maladie, dans les deux jours suivant la date d’interruption de travail, et sous peine de la déchéance de son droit aux indemnités journalières, une lettre d’avis d’interruption de travail indiquant, d’après les prescriptions du médecin traitant, la durée globale de l’incapacité de travail ; que le but de cette notification est de permettre aux services de la Caisse de contrôler le bien fondé et le respect de l’arrêt de travail ; qu’il appartient à l’assuré de démontrer l’accomplissement de cette formalité, susceptible d’être rapportée par tous moyens ; qu’en l’espèce, Monsieur X… a bénéficié d’une prescription d’arrêt de travail du 13 juin 2012 au 16 juin 2012 ; que la Caisse a refusé son indemnisation, faute pour l’avis d’arrêt de travail de lui être parvenu dans les délais et de lui avoir permis de contrôler l’arrêt de travail ; qu’en décidant que l’assuré n’avait pas à rapporter la preuve de cet envoi, pour faire droit à sa demande d’indemnisation de l’arrêt de travail litigieux, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L 321-2 et R 321-2 du Code de la sécurité sociale, ainsi que l’article 1315 du Code civil.

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conditions

Clauses abusives en assurance : La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) contredit la Cour de Cassation

contract-408216_1280 La Directive européenne 93/13 du 5 avril 1993, relative aux clauses abusives dans les contrats de consommation, exclut a priori les clauses relatives à l’objet du contrat ou son prix du contrôle (article 4§2). A priori, c’est à dire à condition qu’il s’agisse de clauses véritablement limitées à la définition de l’objet du contrat et de son prix. Tout le reste sera considéré comme accessoire et donc réintroduit dans le contrôle ( ex : d’éventuelles commissions).

Le contrôle est d’autre part admis si les clauses ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible, ce qui vaut pour toutes les clauses.

En mars 1998, la Cour de cassation (Cass, Civ 1ère, 17 mars 1998) avait considéré que la clause de l’assureur selon laquelle au bout de 90 jours, l’assureur était tenu à verser des prestations que si l’assuré était dans l’impossibilité de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle (clause dite “coma” car si l’assuré peut encore avoir une activité physique ou psychique, les prestations ne sont pas dues) était claire et précise et donc valable, bien que de fait ineffective.

Dans un arrêt du 23 avril 2015 (Aff. C-96/14, Van Hove c. CNP Assurances), la CJUC va à l’encontre du raisonnement de la Cour de Cassation, en particulier en revenant sur ce qu’il faut comprendre par clause claire et compréhensible.

Pour cela il faut se placer du point de vue du futur assuré et consommateur moyen et l’examen d’une clause doit se faire au regard de la nature et l’économie générale du contrat, l’ensemble de ses stipulations (Considérant 37) :

L’exigence de transparence de la Directive ne se limite pas à la clarté formelle et grammaticale de la clause (Considérant 40).

En l’espèce, le contrat d’assurance est conclu pour protéger le consommateur face à une impossibilité de rembourser son prêt. “De la sorte ce dernier (le consommateur) pouvait s’attendre à ce que la notion d’activité rémunérée ou non figurant dans le contrat d’assurance et incluse dans la définition de l’incapacité totale de travail corresponde à une activité professionnelle pouvant, au moins potentiellement faire l’objet d’une rémunération suffisante afin qu’il puisse honorer les échéances mensuelles de ses emprunts” (Considérant 44).

Le juge va devoir déterminer au regard de l’ensemble des éléments, publicité, information fournies par l’assureur et plus généralement l’ensemble contractuel, si un consommateur moyen pouvait normalement connaître la différence entre Incapacité totale de travail et Incapacité permanente partielle et évaluer les conséquences économiques significatives pour lui d’une limitation de garantie (Considérant 47).

Ce même juge pourra utilement regarder la circonstance du contrat en cause : un contrat pris à l’occasion d’un prêt pour lequel il est exigé un contrat d’assurance forme un ensemble et il ne peut être demander au consommateur la même viigalcne que s’il avait souscrit de manière distincte le prêt et le contrat d’assurance (Considérant 48).

Source : Curia

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

23 avril 2015 (*)

Spoiler

«Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives – Contrat d’assurance – Article 4, paragraphe 2 – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Exclusion des clauses relatives à l’objet principal du contrat – Clause visant à garantir la prise en charge des échéances d’un contrat de prêt immobilier – Incapacité totale de travail de l’emprunteur – Exclusion du bénéfice de cette garantie en cas d’aptitude reconnue à exercer une activité rémunérée ou non»

Dans l’affaire C‑96/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de grande instance de Nîmes (France), par décision du 26 février 2014, parvenue à la Cour le 28 février 2014, dans la procédure

Jean-Claude Van Hove

contre

CNP Assurances SA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur), MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 décembre 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour CNP Assurances SA, par Mes P. Woolfson et I. de Seze, avocats,

–        pour le gouvernement français, par MM. S. Menez et D. Colas ainsi que par Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Hornung et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Van Hove à CNP Assurances SA (ci-après «CNP Assurances») au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle incluse dans un contrat d’assurance comportant la définition de l’incapacité totale de travail au titre de la prise en charge par cette société des échéances des prêts immobiliers souscrits par M. Van Hove.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les dix-neuvième et vingtième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit:

«considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses; qu’il en découle, entre autres, que, dans le cas de contrats d’assurance, les clauses qui définissent ou délimitent clairement le risque assuré et l’engagement de l’assureur ne font pas l’objet d’une telle appréciation dès lors que ces limitations sont prises en compte dans le calcul de la prime payée par le consommateur;

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur».

4        L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.»

5        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

6        L’article 4 de la directive 93/13 énonce:

«1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

7        Aux termes de l’article 5 de cette directive:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […]»

 Le droit français

8        L’article L. 132-1, septième alinéa, du code de la consommation, qui transpose en droit français l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, dispose:

«L’appréciation du caractère abusif des clauses […] ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

9        L’article L. 133-2 de ce code est ainsi rédigé:

«Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.

Elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. […]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Au cours du mois de juillet 1998, M. Van Hove a conclu avec le Crédit Immobilier de France Méditerranée deux contrats de prêt d’un montant, respectivement, de 340 600 francs français (FRF) (51 924 euros) et de 106 556 FRF (16 244 euros), remboursables par mensualités de 434,43 euros jusqu’au 31 mars 2016, pour l’un, et de 26,70 euros jusqu’au 31 mars 2017, pour l’autre.

11      Lors de la conclusion de ces contrats de prêt, il a adhéré à un «contrat d’assurance groupe» de CNP Assurances (ci-après le «contrat d’assurance»). La première clause de ce contrat d’assurance garantit la prise en charge des échéances «dues par les emprunteurs à la contractante, en cas de décès, d’invalidité permanente et absolue, ou 75 % des échéances pour l’incapacité totale de travail».

12      En vertu de la deuxième clause dudit contrat, «(l)’assuré est en état d’incapacité totale de travail lorsque, à l’expiration d’une période d’interruption continue d’activité de 90 jours (dite délai de carence), il se trouve dans l’impossibilité de reprendre une quelconque activité rémunérée ou non à la suite d’un accident ou d’une maladie».

13      Le 17 février 2010, M. Van Hove a été placé en arrêt de travail en raison d’une rechute liée à un accident de travail datant du 13 juin 2000. Son état de santé a été consolidé le 17 octobre 2005. L’incapacité permanente partielle de travail dont il est atteint avait, quant à elle, été évaluée à 23 %.

14      Le 14 mai 2005, il avait été opéré d’une fistule, retenue au titre de l’accident du travail. La date de consolidation de son état de santé avait été fixée au 4 novembre 2005 et son incapacité permanente partielle de travail avait été estimée à 67 %. Un nouvel arrêt de travail avait été prescrit le 3 août 2007, en raison d’une recrudescence des vertiges, et avait été prolongé jusqu’au 22 février 2008.

15      À compter du 1er janvier 2011, l’incapacité permanente partielle de travail dont il est atteint a été fixée par la sécurité sociale à 72 %. À ce titre, une rente mensuelle de 1 057,65 euros lui a été allouée.

16      Le 18 juin 2012, afin de déterminer les garanties dues par CNP Assurances, le médecin mandaté par celle-ci a procédé à l’examen de M. Van Hove. Il en a conclu que l’état de santé de ce dernier lui permettait d’exercer une activité professionnelle adaptée à temps partiel. Par un courrier du 10 juillet 2012, CNP Assurances a notifié à M. Van Hove que, à compter du 18 juin 2012, elle ne prendra plus en charge les échéances de ses prêts. Par un nouveau courrier du 29 août 2012, elle a maintenu son refus de remboursement, lui précisant que si son état de santé n’était plus compatible avec la reprise de sa profession antérieure, il disposait de la faculté d’exercer une activité professionnelle adaptée, du moins à temps partiel.

17      Le 4 mars 2013, M. Van Hove a assigné CNP Assurances devant la juridiction de renvoi. Il demande, à titre principal, sur le fondement notamment des dispositions du code de la consommation, que les clauses du contrat le liant à CNP Assurances, concernant la définition de l’incapacité totale de travail et les conditions dans lesquelles la garantie est acquise, soient déclarées abusives et de condamner la partie défenderesse au principal à prendre en charge les sommes restant dues au titre des deux prêts susvisés à compter du mois de juin 2012.

18      Au soutien de ses demandes, M. Van Hove fait, d’une part, valoir que la clause du contrat d’assurance, qui subordonne la prise en charge par l’assureur à l’impossibilité absolue de reprendre une activité quelconque rémunérée ou non, est abusive parce qu’elle crée entre les parties un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. D’autre part, il soutient que la définition de l’incapacité totale de travail est rédigée de telle manière qu’elle ne permet pas à un consommateur profane d’en comprendre la portée.

19      CNP Assurances demande, en substance, à la juridiction de renvoi de débouter M. Van Hove de sa demande de prise en charge. En effet, la définition de l’incapacité totale de travail, au sens de ce contrat, subordonnerait, d’une part, dans des termes clairs et précis, la prise en charge à la condition que l’intéressé soit dans l’incapacité totale de travailler. Or, elle fait valoir que, depuis le 18 juin 2012, M. Van Hove n’est plus dans une situation d’incapacité totale de travail, au sens dudit contrat, car le médecin expert qu’elle a mandaté a estimé qu’il était apte à exercer une activité professionnelle adaptée et a fixé son taux d’incapacité fonctionnelle à 20 %. Elle précise à cet égard que les critères pris en compte pour fixer ce taux sont différents de ceux retenus par la sécurité sociale. D’autre part, ladite clause ne saurait constituer une clause abusive, parce qu’elle porte sur l’objet même du contrat et qu’elle ne créerait pas un déséquilibre significatif au détriment du requérant, dans la mesure où celui-ci a bénéficié de la prise en charge de ses échéances pendant plus de deux ans.

20      La juridiction de renvoi souligne que la solution du litige dont elle est saisie commande de statuer sur le point de savoir si la deuxième clause du contrat d’assurance constitue ou non une clause abusive.

21      Cette juridiction précise que la Cour de cassation a, par un arrêt récent, jugé que la clause relative à la garantie de l’incapacité temporaire totale de travail, qui prévoit que les indemnités journalières sont versées au cours de la période pendant laquelle l’état de santé de l’assuré ne lui permet, temporairement, d’effectuer aucune activité professionnelle et qui précise que ces indemnités lui sont versées jusqu’à la date à laquelle il peut reprendre une activité professionnelle, quelle qu’elle soit, définit l’objet principal du contrat et relève de l’article L. 132-1, septième alinéa, du code de la consommation. Ainsi, le tribunal de grande instance de Nîmes estime que, eu égard à cet arrêt, la clause en cause dans l’affaire pendante devant lui pourrait, en vertu de cette disposition, être exclue du champ d’application de la notion de «clause abusive».

22      Par ailleurs, si cette juridiction constate que, contrairement à ce que soutient M. Van Hove, les termes de cette clause, selon laquelle la prise en charge de l’incapacité totale de travail est subordonnée à la condition que l’assuré se trouve dans l’«impossibilité de reprendre une quelconque activité rémunérée ou non à la suite d’un accident ou d’une maladie», sont clairs et précis, elle fait néanmoins observer qu’il n’est pas exclu que ladite clause relève de la notion de «clause abusive», au sens de la directive 93/13.

23      En effet, cette même juridiction considère que cette clause, en définissant la notion d’«incapacité totale de travail», détermine les conditions requises afin de bénéficier de la garantie d’assurance. Cependant, ladite clause exclut du bénéfice de cette garantie l’assuré qui est reconnu apte à exercer une activité professionnelle quelconque, même non rémunérée. Or, selon ladite juridiction, la finalité d’une police d’assurance, telle que celle en cause dans le litige qui lui est soumis, est de garantir la bonne exécution des engagements souscrits par l’emprunteur dans l’hypothèse où l’état de santé de ce dernier ne lui permettrait plus d’exercer une activité lui procurant les revenus nécessaires afin de faire face à ses engagements.

24      En ce que ladite clause aurait pour effet d’exclure l’emprunteur du bénéfice de la garantie en cas d’incapacité totale de travail, dès lors qu’il est déclaré apte à exercer une activité professionnelle, même lorsque celle-ci n’est pas susceptible de lui procurer le moindre revenu, elle priverait la police d’assurance d’une partie de son objet. La juridiction de renvoi considère, par conséquent, que la deuxième clause du contrat d’assurance pourrait être analysée comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.

25      C’est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Nîmes a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens que la notion de clause portant sur la définition de l’objet principal du contrat, visée à cette disposition, recouvre une clause stipulée dans un contrat d’assurance visant à garantir la prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de travail de l’emprunteur, qui exclut l’assuré du bénéfice de cette garantie s’il est déclaré apte à exercer une activité non rémunérée?»

 Sur la question préjudicielle

26      À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (voir, notamment, arrêt Kušionová, C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 48 et jurisprudence citée).

27      D’autre part, eu égard à une telle situation d’infériorité, la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif. Ainsi, il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés aux articles 3, paragraphe 1, et 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 40 et jurisprudence citée).

28      De la même manière, s’il incombe à la seule juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification de ces clauses en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions de la directive 93/13, en l’occurrence celles de l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de clauses contractuelles au regard de celles-ci (arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 45).

29      Par sa question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause stipulée dans un contrat d’assurance et visant à garantir la prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de travail de l’emprunteur, qui exclut cet assuré du bénéfice de ladite garantie s’il est déclaré apte à exercer une activité rémunérée ou non, relève de l’exception énoncée à cette disposition.

30      Il ressort de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 que l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

31      La Cour a déjà jugé que cette disposition édictant une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives, tel que prévu par le système de protection des consommateurs mis en œuvre par la directive 93/13, il convient de lui donner une interprétation stricte (voir arrêts Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 42, ainsi que Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 49).

32      C’est dans ce cadre qu’il convient d’examiner la question posée par la juridiction de renvoi. Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’examiner, d’une part, si une clause, telle que celle en cause au principal, relève de l’objet principal d’un contrat d’assurance et, d’autre part, si une telle clause est rédigée de façon claire et compréhensible.

 Sur la notion d’«objet principal du contrat»

33      Les clauses du contrat qui relèvent de la notion d’«objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, doivent s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci (voir, en ce sens, arrêts Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, point 34, ainsi que Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 49). En revanche, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de la notion d’«objet principal de contrat», au sens de cette disposition (arrêts Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 50, ainsi que Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 54).

34      En ce qui concerne le point de savoir si une clause relève de l’objet principal d’un contrat d’assurance, il importe de relever, d’une part, que, selon la jurisprudence de la Cour, une opération d’assurance se caractérise par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat (arrêts CPP, C‑349/96, EU:C:1999:93, point 17; Skandia, C‑240/99, EU:C:2001:140, point 37, et Commission/Grèce, C‑13/06, EU:C:2006:765, point 10).

35      D’autre part, s’agissant d’une clause contractuelle contenue dans un contrat d’assurance conclu entre un professionnel et un consommateur, le dix-neuvième considérant de la directive 93/13 dispose que, dans de tels contrats, les clauses définissant ou délimitant clairement le risque assuré et l’engagement de l’assureur ne font pas l’objet d’une appréciation du caractère abusif, dès lors que ces limitations sont prises en compte dans le calcul de la prime payée par le consommateur.

36      En l’occurrence, la juridiction de renvoi précise que la clause contractuelle en cause comporte la définition de la notion d’«incapacité totale de travail» et détermine les conditions requises pour qu’un emprunteur puisse bénéficier de la garantie du paiement des sommes dues par ce dernier dans le contexte de son prêt. Dans ces circonstances, il ne saurait être exclu qu’une telle clause délimite le risque assuré ainsi que l’engagement de l’assureur et fixe la prestation essentielle du contrat d’assurance en cause, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

37      À cet égard, la Cour a eu l’occasion de rappeler que l’examen d’une clause contractuelle, afin de déterminer si celle-ci relève de la notion d’«objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, doit être effectué au regard de la nature, de l’économie générale et de l’ensemble des stipulations du contrat ainsi que de son contexte juridique et factuelle (voir, en ce sens, arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 50 ainsi que 51).

38      Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de déterminer dans quelle mesure, eu égard à ces éléments, la clause en cause dans le litige pendant devant elle fixe un élément essentiel de l’ensemble contractuel dans lequel elle s’inscrit, qui, comme tel, caractérise cet ensemble.

39      Si la juridiction de renvoi devait conclure que celle-ci fait partie de l’objet principal de cet ensemble contractuel, cette juridiction devra également vérifier que ladite clause est rédigée par le professionnel de façon claire et compréhensible (voir, en ce sens, arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, point 32, ainsi que ordonnance Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 72).

 Sur la notion de «rédaction claire et compréhensible»

40      La Cour a eu l’occasion de préciser que l’exigence de transparence des clauses contractuelles, posée par la directive 93/13, ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci. Au contraire, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive (voir, en ce sens, arrêts Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 71 et 72, ainsi que Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 73).

41      Revêtent ainsi pour le consommateur une importance essentielle aux fins du respect de l’exigence de transparence non seulement l’information donnée préalablement à la conclusion du contrat sur les conditions de l’engagement, mais également l’exposé des particularités du mécanisme de prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de travail de l’emprunteur ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui. Il en va ainsi dans la mesure où le consommateur décidera, au regard de ces deux types d’éléments, s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (voir, par analogie, arrêts RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 44; Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 70 et 73, ainsi que Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 74).

42      En l’occurrence, si la juridiction de renvoi considère que les termes de la clause en cause au principal sont clairs et précis, elle relève simultanément que l’expression «reprendre une quelconque activité rémunérée ou non», figurant à cette clause, peut être comprise de différentes manières. Outre l’interprétation suggérée par CNP Assurances, selon laquelle cette expression permet également aux assurés qui n’exercent pas une activité rémunérée au moment d’un accident ou d’une maladie d’être considérés comme étant en état d’incapacité totale de travail, il n’est pas à exclure, comme cela est exposé au point 24 du présent arrêt et comme l’ont fait observer le gouvernement français ainsi que la Commission européenne lors de l’audience, que ladite expression puisse être interprétée en ce sens qu’elle ne permet pas à une personne, pouvant exercer une activité quelconque, de bénéficier de la prise en charge des échéances qu’elle doit à son cocontractant au titre de la garantie invalidité.

43      À l’instar de la Commission, il y a lieu de relever qu’il ne saurait être exclu, en l’occurrence, que, même si la clause est rédigée de manière grammaticalement correcte, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier, la portée de cette clause n’a pas été comprise par le consommateur.

44      En effet, cette institution relève que le contrat d’assurance a été conclu afin de protéger le consommateur des conséquences qui résulteraient de son impossibilité de faire face aux mensualités de ses prêts. De la sorte, ce dernier pouvait s’attendre à ce que la notion d’«activité rémunérée ou non», figurant dans le contrat d’assurance et incluse dans la définition de l’incapacité totale de travail, corresponde à une activité professionnelle pouvant, au moins potentiellement, faire l’objet d’une rémunération suffisante afin qu’il puisse honorer les échéances mensuelle de ses emprunts.

45      Ainsi qu’il résulte des débats lors de l’audience, les doutes relatifs à l’absence de clarté de la clause en cause au principal sont renforcés par le caractère extrêmement large et vague de l’expression «activité rémunérée ou non» employée à celle-ci. En effet, le terme d’activité, comme le souligne la Commission, peut englober toute opération ou activité humaine réalisée afin d’arriver à une fin précise.

46      En l’espèce, ainsi que le relève le gouvernement français dans ses observations écrites, le consommateur n’a pas nécessairement pris conscience, au moment de la conclusion du contrat en cause au principal, de la circonstance que la notion d’«incapacité totale de travail», au sens de celui-ci, ne correspondait pas à celle d’«incapacité permanente partielle», au sens du droit français de la sécurité sociale.

47      Dès lors, s’agissant des particularités d’une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, il appartient au juge de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par l’assureur dans le cadre de la négociation du contrat d’assurance ainsi que, plus généralement, de l’ensemble contractuel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait non seulement connaître l’existence de la différence entre la notion d’«incapacité totale de travail», au sens du contrat en cause au principal, et celle d’«incapacité permanente partielle», au sens du droit national de la sécurité sociale, mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives pour lui, de la limitation de la garantie incluse dans la police d’assurance conformément aux exigences découlant de la jurisprudence rappelée au point 41 du présent arrêt.

48      Pourrait être également pertinente dans ce contexte la circonstance que le contrat en cause au principal se situe dans un ensemble contractuel plus vaste et est lié aux contrats de prêt. En effet, il ne saurait être exigé du consommateur, lors de la conclusion de contrats liés, la même vigilance quant à l’étendue des risques couverts par ce contrat d’assurance que s’il avait conclu de manière distincte ledit contrat et les contrats de prêt.

49      Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi arrivait à la conclusion qu’une clause, telle que celle en cause au principal, ne relève pas de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 5 de cette directive, si le libellé d’une clause contractuelle n’est pas clair, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.

50      Il convient, dès lors, de répondre à la question posée que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause stipulée dans un contrat d’assurance et visant à garantir la prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de travail de l’emprunteur ne relève de l’exception figurant à cette disposition que pour autant que la juridiction de renvoi constate:

–        d’une part, que, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations de l’ensemble contractuel auquel elle appartient, ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, cette clause fixe un élément essentiel dudit ensemble qui, comme tel, caractérise celui-ci et

–        d’autre part, que ladite clause est rédigée de manière claire et compréhensible, c’est-à-dire qu’elle est non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause stipulée dans un contrat d’assurance et visant à garantir la prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de travail de l’emprunteur ne relève de l’exception figurant à cette disposition que pour autant que la juridiction de renvoi constate:

–        d’une part, que, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations de l’ensemble contractuel auquel elle appartient, ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, cette clause fixe un élément essentiel dudit ensemble qui, comme tel, caractérise celui-ci et

–        d’autre part, que ladite clause est rédigée de manière claire et compréhensible, c’est-à-dire qu’elle est non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

Signatures 

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balance justice

Impartialité des experts et activité antérieure pour les assurances

Shake_handLa Cour de cassation considère que l’inscription sur les listes des experts judiciaires n’est pas incompatible avec l’exercice antérieur de médecin-conseil pour les compagnies d’assurance.

On sait que sur ce point deux interprétations s’opposent :

  • une vision déontologique, celle de la Cour de cassation, qui considère que l’indépendance des experts, leur impartialité a pour fondement la déontologie médicale
  • une vision économique, celle de beaucoup d’observateurs, qui constatent que beaucoup d’experts vivent, parfois de façon quasi totale, des expertises mandatées par les compagnies et que ce lien financier créé une subordination, une dépendance et surtout l’envie de ne pas déplaire d’où une partialité.

On sait qu’une circulaire du ministère de la justice datant de 1975 avait enjoint les Premiers Présidents de Cour d’appel et Procureurs Généraux à veiller à ce qu’une personne attachée directement ou indirectement à une compagnie ne soit pas inscrite sur une liste d’experts judiciaires. Vœux plutôt pieux.

Dans l’arrêt du 9 avril 2015, un médecin qui avait collaboré avec une compagnie d’assurance jusqu’en 2012 avait la même année sollicité son inscription sur la liste des experts.

La demande avait été rejetée par l’assemblée générale des magistrats de la Cour au motif que son activité antérieure ne présentait pas des garanties d’indépendance suffisante.

La Cour de cassation a annulé la décision de l’assemblée générale en indiquant que la collaboration passée ne constituait pas en soi l’exercicie d’une activité incompatible avec l’indépendance de l’expert judiciaire.

La décision aurait -elle été la même en cas de continuation de l’exercice? Il faut rapprocher cette décision d’un arrêt de 2013 (Cass, Civ, 2ème, 27 juin 2013, pourvoi n° 13-60025) qui considérait que l’importance de l’activité était de nature a créé une relation d’affaires incompatible.

Cour de cassation 
chambre civile 2 
Audience publique du jeudi 9 avril 2015 
N° de pourvoi: 14-60792 
Non publié au bulletin Annulation partielle

Mme Flise (président), président 

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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : 

Sur le grief :

Vu l’article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;

Attendu que M. X… a demandé son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Paris dans la rubrique F.01.14, médecine générale ; que par décision du 3 novembre 2014, l’assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d’appel a refusé son inscription ;

Attendu que pour rejeter la demande, l’assemblée générale relève que M. X… exerce son activité, en totalité ou en partie, pour le compte d’une compagnie d’assurances, la Mutuelle générale, dont il est médecin-conseil de manière continue depuis 2005, et retient qu’il ne présente pas des garanties d’indépendance suffisantes à l’exercice de missions judiciaires ;

Qu’en statuant ainsi alors, d’une part, qu’il résultait du dossier que M. X… avait cessé sa collaboration avec la société d’assurances depuis 2012 et que, d’autre part, le seul fait qu’il ait été médecin-conseil de celle-ci depuis 2005 jusqu’en 2012 ne constituait pas, en soi, l’exercice d’une activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise, l’assemblée générale a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

ANNULE la délibération de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel de Paris en date du 3 novembre 2014, en ce qu’elle a refusé l’inscription de M. X… sur la liste des experts ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze. 


ECLI:FR:CCASS:2015:C200614 

Analyse

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 3 novembre 2014

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Source : Légifrance

réunion

Responsabilité et Impartialité des experts

council-of-state-535721_1280Le Conseil d’Etat a rendu le 18 mars 2015 un arrêt sur un contentieux assez rare : la responsabilité des experts. La rareté des arrêts provient toutefois plus de la renonciation des justiciables à les assigner devant le coût de la procédure s’ajoutant au coût généré par la procédure initiale qui a amené leur nomination qu’à la qualité exceptionnelle des expertises.

Ce qui fait l’originalité du cas d’espèce repose sur le fait que le justiciable avait saisi les autorités disciplinaires du médecin expert en raison du délai, trop long pour le demandeur, mis à déposer son rapport. En l’espèce, l’expert désigné en juillet 2007, n’avait convoqué les parties qu’en février 2008. Saisi le Conseil de l’Ordre avait prononcé un blâme alors que le magistrat chargé des expertises avait prononcé la caducité de sa nomination et désigné un nouvel expert.

Le justiciable avait saisi sur le fondement de l’article R. 4127-31 du Code de la santé publique qui dispose qu’un médecin doit s’abstenir de tout acte de nature à déconsidérer sa profession. Fondement comme le voit plutôt large. Le médecin avait saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi. Le Conseil d’Etat rejeta le pourvoi, sanctionnant par là l’ensemble des experts qui ne respectent pas les délai sans se justifier.

Conseil d’État 

N° 373158    
ECLI:FR:CESSR:2015:373158.20150318 
Mentionné dans les tables du recueil Lebon 
4ème / 5ème SSR
Mme Florence Chaltiel-Terral, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP RICHARD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

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lecture du mercredi 18 mars 2015

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2013 et 6 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. B…A…, demeurant au …; M. A…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision n° 11452 du 6 septembre 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, réformant la décision n° 10.36.1581 du 20 septembre 2011 de la chambre disciplinaire de première instance des Pays de la Loire, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique lui ayant infligé un blâme, lui a infligé un avertissement ; 

2°) de mettre à la charge du conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ; 

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire, 

– les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A…et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l’ordre des médecins ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d’un litige dont était saisi le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, le président de ce tribunal, a, par une ordonnance du 3 juillet 2007, ordonné une expertise sur l’état de santé de M. S. et désigné M.A…, médecin spécialisé en psychiatrie, pour réaliser cette expertise ; que, par une ordonnance en date du 1er juillet 2008, le magistrat chargé du suivi de l’expertise a, en raison du manque de diligence de M. A…dans l’exercice de sa mission d’expertise, prononcé la caducité de sa désignation et nommé un nouvel expert ; que, saisi par M. S. d’une plainte contre M. A…à raison de ces faits, le conseil départemental a, par une décision du 2 septembre 2010, engagé une procédure disciplinaire à l’encontre de l’intéressé ; que par une décision du 20 septembre 2011, la chambre disciplinaire de première instance des Pays de la Loire a infligé à M. A…un blâme ; que M. A…se pourvoit en cassation contre la décision du 6 septembre 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins lui a infligé un avertissement ; 

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur à la date des faits litigieux : ” Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le procureur de la République ou, lorsque lesdits actes ont été réalisés dans un établissement public de santé, le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation ” ; que l’article 62 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, entré en vigueur le 23 juillet 2009, a modifié ces dispositions pour remplacer, parmi les autorités ayant qualité pour saisir le juge disciplinaire, le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation par le directeur de l’agence régionale de santé, et pour y ajouter le Conseil national de l’ordre des médecins et le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit ; 

3. Considérant que si, en matière d’édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les fais constitutifs d’un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s’appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu’ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur ; que les dispositions rappelées ci-dessus de l’article 62 de la loi du 21 juillet 2009, qui désignent de nouvelles autorités ayant compétence pour saisir le juge disciplinaire, sont immédiatement applicables indépendamment de la date des faits faisant objet de la poursuite ; qu’est à cet égard sans incidence la circonstance que ces faits auraient été commis par un praticien chargé d’un service public dans l’exercice de sa fonction publique ; 

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M.A…, la chambre disciplinaire nationale n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le conseil départemental était compétent pour engager une procédure disciplinaire à son encontre, alors même que les actes qui faisaient l’objet de la poursuite avaient été accomplis avant l’entrée en vigueur de l’article 62 de la loi du 21 juillet 2009 ; 

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des énonciations de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale a retenu qu’avant d’engager des poursuites le conseil départemental de Loire-Atlantique, auteur de la plainte, s’était borné à manifester l’intention de prendre une décision de classement sans suite ; que par suite, le moyen tiré de ce que la chambre disciplinaire nationale aurait commis une erreur de droit en jugeant que des poursuites pouvaient être régulièrement engagées après une décision de classement sans suite est inopérant ;

6. Considérant, enfin, qu’en vertu de l’article R. 4127-31 du code de la santé publique, le médecin doit s’abstenir de tout acte de nature à déconsidérer la profession ; que la chambre disciplinaire a notamment retenu que M.A…, désigné le 3 juillet 2007 en qualité d’expert judiciaire, n’a organisé sa première mission d’expertise que le 15 février 2008 et n’avait pas remis de rapport le 1er juillet 2008, date à laquelle le magistrat chargé du suivi des expertises a prononcé la caducité de sa désignation et nommé un autre expert ; qu’en jugeant, par une décision suffisamment motivée sur ce point, que ces faits étaient constitutifs d’un manque de diligence de nature à déconsidérer la profession de médecin et, par suite, fautifs, la chambre disciplinaire nationale n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n’a pas commis d’erreur de droit ; 

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A…doit être rejeté ;

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge du conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; 

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de M. A…est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B…A…et au Conseil national de l’ordre des médecins. 
Copie en sera adressée pour information au conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique.


 

Analyse

Abstrats : 54-07-06 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE. – ENGAGEMENT DES POURSUITES DISCIPLINAIRES – DISCIPLINE DES PROFESSIONS DE SANTÉ – MODIFICATION DES AUTORITÉS POUVANT ENGAGER LES POURSUITES – LOI DE PROCÉDURE IMMÉDIATEMENT APPLICABLE, Y COMPRIS POUR LES FAITS ANTÉRIEURS À CETTE MODIFICATION. 
55-04-01-01 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. DISCIPLINE PROFESSIONNELLE. PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES. INTRODUCTION DE L’INSTANCE. – DISCIPLINE DES PROFESSIONS DE SANTÉ – MODIFICATION DES AUTORITÉS POUVANT ENGAGER LES POURSUITES – LOI DE PROCÉDURE IMMÉDIATEMENT APPLICABLE, Y COMPRIS POUR LES FAITS ANTÉRIEURS À CETTE MODIFICATION. 
59-02-02-01 RÉPRESSION. DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE. AUTORITÉS ADMINISTRATIVES TITULAIRES DU POUVOIR DE SANCTION. – MODIFICATION DES AUTORITÉS HABILITÉS À ENGAGER DES POURSUITES DISCIPLINAIRES – LOI DE PROCÉDURE IMMÉDIATEMENT APPLICABLE, Y COMPRIS POUR LES FAITS ANTÉRIEURS À CETTE MODIFICATION. 

Résumé : 54-07-06 L’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 a prévu que les poursuites disciplinaires contre un médecin chargé d’un service public pourraient désormais être engagées, non seulement par les autorités de l’Etat prévues antérieurement, mais aussi par le Conseil national de l’ordre des médecins et le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit…. ,,Si, en matière d’édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les fais constitutifs d’un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s’appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu’ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur [RJ1]. Les dispositions de l’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, qui désignent de nouvelles autorités ayant compétence pour saisir le juge disciplinaire, sont immédiatement applicables indépendamment de la date des faits faisant objet de la poursuite.
55-04-01-01 L’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 a prévu que les poursuites disciplinaires contre un médecin chargé d’un service public pourraient désormais être engagées, non seulement par les autorités de l’Etat prévues antérieurement, mais aussi par le Conseil national de l’ordre des médecins et le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit…. ,,Si, en matière d’édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les fais constitutifs d’un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s’appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu’ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Les dispositions de l’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, qui désignent de nouvelles autorités ayant compétence pour saisir le juge disciplinaire, sont immédiatement applicables indépendamment de la date des faits faisant objet de la poursuite.
59-02-02-01 L’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 a prévu que les poursuites disciplinaires contre un médecin chargé d’un service public pourraient désormais être engagées, non seulement par les autorités de l’Etat prévues antérieurement, mais aussi par le Conseil national de l’ordre des médecins et le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit…. ,,Si, en matière d’édiction de sanction administrative, sont seuls punissables les fais constitutifs d’un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis, en revanche, et réserve faite du cas où il en serait disposé autrement, s’appliquent immédiatement les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure à suivre, alors même qu’ils ouvrent une possibilité de réprimer des manquements commis avant leur entrée en vigueur. Les dispositions de l’article 62 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, qui désignent de nouvelles autorités ayant compétence pour saisir le juge disciplinaire, sont immédiatement applicables indépendamment de la date des faits faisant objet de la poursuite.

[RJ1]Cf. CE, Section, 17 novembre 2006, CNP Assurances, n° 276926, p. 473.

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Source : Légifrance

notaire

Testament et handicap : la loi de 2015 relative à la modernisation et simplification du droit adapte le formalisme du testament

Jusqu’à la loi 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et simplification du Droit, il était exigé pour une personne voulant tester devant un notaire qu’elle dicte à ce dernier ses volontés.

Le notaire devait ensuite donné lecture du texte au testateur (article 972 du Code civil dans son ancienne rédaction).

Ces exigences excluaient de fait la possibilité pour les personnes sourdes ou atteinte de mutité

close-up-18753_1280de pouvoir faire un testament devant notaire, c’est à dire un testament authentique.

La nouvelle loi a modifié ce formalisme.

L’acte de dicter impose de pouvoir parler. Le nouveau texte dispose que si le testateur peut écrire en français mais ne peut parler, le notaire écrit le texte d’après les notes rédigées devant lui par le testateur puis lui en donne lecture.

Le nouvel article 972 dispose que celui qui ne peut prendre connaissance du testament par la lecture du notaire peut le lire lui-même.

Enfin il est admis la dictée et la lecture par un interprète pour les personnes non francophones et cet interprète peut être en langue des signes.