Soignants employés du public ou du privé infectés par le Covid-19 : accident du travail ou maladie professionnelle ?

Quelles sont les conditions juridiques pour faire reconnaître mon infection liée au travail,

y compris si je suis réquisitionné ou bénévole ?

 

I. Soignant travaillant dans le secteur privé et infecté par le Covid-19

 

Est-ce que je peux déclarer ma contamination par le Covid-19 comme Accident du travail ?

 

L’accident du travail est défini par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Selon la jurisprudence, l’accident du travail doit trouver sa source dans un fait précis ayant date certaine.

La chambre sociale a effet jugé que « les dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux accidents du travail ne sont pas applicables aux affections pathologiques qui, bien que contractées dans l’exercice de la profession, n’ont pas pour cause la brusque apparition d’une lésion physique et sont le résultat d’une série d’évènements à évolution progressive auxquels on ne peut assigner une origine et une date précise ; que les juges du fond ont retenu que l’affection dont dame x… avait été atteinte n’était pas survenue à la suite d’une action soudaine assimilable à un traumatisme, mais avait été la conséquence d’un ensemble de microtraumatismes dus à la répétition d’un même geste, dont chacun pris isolement n’eut pas suffi à provoquer les lésions » (Soc. 26 juin 1980, n° 79-12.943).

Plus récemment, elle a indiqué que « constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci ; » (Soc. 2 avril 2003, n° 00-21.768)

→ Trois conditions cumulatives doivent être satisfaites pour que l’accident du travail soit constitué :

  • L’accident doit survenir par le fait ou à l’occasion du travail,
  • Il doit engendrer une lésion corporelle,
  • Il doit être survenu à une date certaine.

→ Les 3 conditions pourront être plus ou moins facilement remplies :

  • Selon votre profession et votre implication dans des secteurs dits Covid-19
  • Selon les lésions engendrées : fibrose pulmonaire et autres lésions liées à la respiration, atteintes neurologiques et/ou vasculaires, stress post traumatique…
  • Le délai d’incubation : il varie de 3 à 15 jours. Comment dans ces conditions donner date certaine.

Peut-être plus encore que dans d’autres cas la présomption d’imputabilité sera au cœur des débats.

Mais nous ne sommes pas à l’abri d’une législation sociale particulière prise pour le Covid-19, en fonction du nombre de soignants contaminés. D’ailleurs la loi 2020-290 du 23 mars 2020 supprime le délai de carence d’un jour en cas d’arrêt maladie (article 8. Attention la loi est entrée en vigueur le 24 mars, date de sa publication. Seuls les arrêts maladie à compter du 24 mars sont couverts par cet article).

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Plus généralement, il ne faut pas oublier que l’employeur est responsable de la santé et la sécurité des salariés de son entreprise (art. L.4121-1 du Code du travail).

C’est une obligation de résultat et l’employeur s’expose à ce que soit reconnue une faute inexcusable s’il s’est montré négligent dans les mesures prises ou le manque d’information.

Le salarié, et en particulier le soignant contaminé, pourra évoquer l’article R. 4422-1 du Code de travail :

« Pour toute activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents biologiques, l’employeur détermine la nature, la durée et les conditions de l’exposition des travailleurs.

Pour les activités impliquant une exposition à des agents biologiques appartenant à plusieurs groupes, les risques sont évalués en tenant compte du danger présenté par tous les agents biologiques présents ou susceptibles de l’être du fait de cette activité ».

Les mesures (ex : fourniture de masques, nettoyage des locaux, entretiens des sols, élimination des déchets contaminés ect.) ont-elle été prises ? Un plan de continuation d’activité a-t-il été élaboré ? Enfin le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels, obligatoire dans toute entreprise, a-t-il été repris compte-tenu de la pandémie ?

Telles seront les questions qui pourront être posées pour engager la responsabilité de l’employeur.

 

Qu’en est-il alors de la Maladie professionnelle ?

 

Le Ministre de la Santé a annoncé que la contamination des soignants par le Covid-19 serait reconnue comme Maladie professionnelle lors de sa conférence de presse du 23 mars 2020 à 19 heures :

« Aux soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus comme il n’y aura jamais aucun débat dès lors que les mesures annoncées iront dans le sens de la plus grande protection possible de ceux qui sont sur le terrain ».

Le Premier ministre a réaffirmé ces propos lors du JT de 20 heures sur TF1.

→ La reconnaissance de la maladie professionnelle est un enjeu important :

  • Concrètement, cela signifie que les indemnités journalières perçues par le soignant malade seront plus favorables qu’en cas de simple arrêt maladie (IJ majorées).
  • En cas de décès la reconnaissance de la maladie professionnelle permet aux ayants droit de percevoir une rente qui peut aller jusqu’à 85 % du salaire annuel de la victime
  • Et bien évidemment le versement éventuel d’une rente pour la victime si une incapacité permanente est établie.

→ La condition préalable à la reconnaissance de maladie professionnelle est évidente : la détérioration de l’état de santé du demandeur doit être en lien avec son activité professionnelle. 

Il ressort de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans le tableau de maladies professionnelles de l’annexe II « Tableaux des maladies professionnelles prévus à l’article R. 461-3 » du même Code et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Le Covid-19 n’étant pas inscrit dans ce tableau, en l’état actuel, il n’est donc pas présumé d’origine professionnelle. Mais la législation devrait changer en ce sens si on en croit le gouvernement.

→ Quelles sont les modalités de reconnaissance d’une maladie professionnelle ?

  1. La maladie figure dans le tableau des maladies professionnelles : une maladie est présumée d’origine professionnelle lorsqu’elle figure dans le tableau des maladies professionnelles et qu’elle est contractée dans les conditions prévues par ledit tableau. Pour le moment ceci n’est pas le cas mais nous pouvons sérieusement envisager que la législation va changer selon les propos des membres du gouvernement.
  2. La maladie figure dans le tableau des maladies professionnelles mais ne répond pas aux conditions prévues : dans ce cas, la maladie est considérée comme d’origine professionnelle lorsqu’elle est développée à la suite d’une exposition à des nuisances ou à des risques directement liés à l’activité professionnelle de la victime.
  3. La maladie ne figure pas dans le tableau des maladies professionnelles : elle peut être également être reconnue d’origine professionnelle à la condition qu’il soit établi que la maladie a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et soit qu’elle ait entraîné son décès, soit un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %. Dans ce cas, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est prononcée par l’organisme social, après avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Pour rappel, la déclaration doit être faite dans un délai de quinze jours suivant la cessation du travail en application des articles L. 461-5 er R. 461-5 du Code de la sécurité sociale.

Mots-clés : Covid-19, contamination, secteur privé, maladie professionnelle, accident du travail, salarié.

 

II. Soignant travaillant dans le secteur public infecté par le Covid-19

Est-ce que je peux déclarer ma contamination par le Covid-19 comme accident de service ?

La législation et jurisprudence administrative définit l’accident de service comme un événement précisément déterminé et daté qui se produit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions.

→ Ainsi, trois conditions doivent être satisfaites pour que l’accident de service soit reconnu :

  • Il doit s’agir d’un fait déterminé qu’il est possible de dater,
  • Ce fait doit s’être produit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle.
  • Il doit avoir entraîné la dégradation de l’état de santé

Il existe ainsi :

  • L’accident survenu dans le temps et le lieu du service

Lorsque ces conditions sont réunies, le principe de présomption d’imputabilité au service de l’accident trouve à s’appliquer à présent et l’agent n’a pas à apporter la preuve du lien de causalité entre l’accident et le service. Il lui suffit d’établir la matérialité de l’accident, à savoir : sa survenue aux lieux et au temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ainsi que ses conséquences sur son état de santé.

  • L’accident survenu lors d’une activité constituant le prolongement normal des fonctions

La notion d’accident de service et le régime de présomption d’imputabilité au service qui s’y rattache

l’activité exercée par le fonctionnaire au moment de l’accident relève des fonctions qu’il est appelé à exercer ou en constitue un prolongement normal : l’agent public était en est en formation ou en réunion en dehors, en mission pour le compte de l’administration. Il s’agit également des accidents survenus aux représentants syndicaux lors de l’exécution de leur mandat.

  • Cas particulier du télétravail

Les accidents survenus en situation de télétravail relèvent des accidents de service sous réserve qu’ils aient eu lieu dans le temps de télétravail, pendant les heures de télétravail et dans le cadre des fonctions exercées par l’agent en télétravail.

L’article 6 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 précise que « Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d’affectation ».

Si vous êtes soignant dans le secteur public et estimez avoir été infecté par le covid-19 dans le cadre de votre activité professionnelle, la condition du fait déterminé sera difficile, en l’état actuel de la législation, à prouver.

La période d’incubation du Covid-19 variant entre trois et quinze jours, la contamination ne peut pas être précisément datée.

Par conséquent, il ne semble pas que la contamination par le Covid-19 puisse être prise en charge au titre des accidents de service au regard de la législation actuelle.

 

Est-ce que je peux déclarer ma contamination par le Covid-19 comme « maladie professionnelle » ?

Comme indiqué précédemment, le ministre de la santé comme Le Premier Ministre ont annoncé que la contamination par le Covid-19 serait reconnue comme « maladie professionnelle ».

L’article 41 2° alinéa 2 de la loi n° 86-339 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ne vise pas expressément la « maladie professionnelle », terme propre au code de la sécurité sociale.

Ainsi, dans le cadre de la fonction publique il convient d’utiliser les termes « maladie imputable au service », « maladie d’origine professionnelle » ou encore « maladie contractée en service ».

Contrairement à l’accident de service, la maladie imputable au service provient d’une plus longue évolution ne se rattache pas nécessairement à un fait précis.

En effet, la maladie contractée en service est  « le résultat d’affections pathologiques ou de phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaine » comme l’a souligné le Conseil d’État dans une décision du 30 juillet 1997 (n°159366).

Il faut souligner que la reconnaissance de la maladie professionnelle peut s’appliquer aux agents qu’ils soient titulaires, stagiaires ou contractuels de droit public.

Pour les personnels titulaires, la reconnaissance se fait par référence aux maladies professionnelles inscrites au Code de la sécurité sociale. Les personnels médicaux et contractuels voient leur situation directement régie par ces dispositions du Code de la sécurité sociale.

 

1.Les agents titulaires de la FPH peuvent être reconnus en maladie professionnelle ou maladie contractée dans l’exercice des fonctions. Dans ces deux cas, la maladie doit être liée par une relation de cause à effet avec le service pour être prise en charge.

  • La maladie professionnelle est reconnue par référence aux tableaux des affections professionnelles prévus à l’article L. 461-2 du Code de la sécurité sociale.

Lorsque la maladie répond aux conditions médicales, professionnelles et administratives mentionnées dans les tableaux, elle est « présumée » d’origine professionnelle, sans qu’il soit nécessaire d’en établir la preuve.

Or, le Covid-19 n’est pas, en l’état actuel de la législation, visé dans l’un des tableaux susmentionné. Il convient de noter que ces tableaux sont modifiés en fonction de l’évolution médicale. Une modification dans un proche futur est envisageable, au regard du discours tenu par les membres du Gouvernement.

  • La maladie contractée dans l’exercice des fonctions ou dite hors tableau est une affection non répertoriée reconnue comme ayant un caractère professionnel.

Une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité au service mais peut tout de même être reconnue imputable au service.

L’agent doit établir qu’elle est essentiellement et directement causée par son activité professionnelle et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %.

Il n’a pas à être effectivement constaté au moment de la déclaration de la maladie. Ce taux est calculé selon le barème indicatif d’invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l’article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

C’est la commission de réforme qui fixe ce taux sur proposition du médecin de l’agent et, s’il y a lieu, après expertise médicale.

Les commissions de réforme ne sont pas consultées dès lors que l’imputabilité de la maladie  ne fait pas de doute et que l’employeur la reconnait.

 

2. Pour les personnels médicaux hospitaliers et agents contractuels de droit public dépendant du droit commun Code de la sécurité sociale :

Le lecteur pourra se rapporter supra aux passages relatifs aux soignants exerçants dans le privé.

Selon les articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, une maladie est présumée d’origine professionnelle lorsqu’elle figure dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Lorsqu’une affection ne remplit pas toutes les conditions d’un tableau, voire n’apparaît dans aucun tableau, elle peut néanmoins être reconnue comme maladie professionnelle. C’est un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), composé d’experts médicaux, qui statue sur le lien de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime. Cet avis s’impose à l’organisme de Sécurité sociale.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (fixé à 25% selon l’article R. 461-8 du Code de la sécurité sociale .

 

RAPPEL

 Depuis les réformes législatives récentes de 2019, la loi est venue ramener à un délai de deux ans la possibilité de faire une déclaration de maladie professionnelle à compter de :

– la date de la première constatation médicale de la maladie,

– ou de la date à laquelle vous avez été informé par un certificat médical du lien possible entre votre maladie et votre activité professionnelle,

– ou, en cas de modifications des tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale alors que vous êtes déjà atteint d’une maladie correspondant à ces tableaux, de la date d’entrée en en vigueur de ces modifications.

Toutefois le décret concernant la Fonction Publique Hospitalière n’est pas encore paru : Il n’y toujours pas de délai opposable aux agents publics hospitaliers.

Si la maladie entraîne un arrêt de travail, vous devez transmettre cet arrêt de travail à la DRH sous 48 heures.

 

Et pour les personnes réquisitionnées ?

 

L’article L. 3131-10 du Code de la santé publique indique que « les professionnels de santé, y compris bénévoles, qui sont amenés à exercer leur activité auprès des patients ou des personnes exposées à une catastrophe, une urgence ou une menace sanitaire grave, dans des conditions d’exercice exceptionnelles décidées par le ministre chargé de la santé dans le cadre des mesures prévues à l’article L. 3131-1, bénéficient des dispositions de l’article L. 3133-6 ».

Les personnels réquisitionnés se voient donc appliquer les mêmes règles en matière de responsabilité que les réservistes et entrent dans le champ de L. 3133-6 du Code de la santé publique.

Selon les termes de cet article, «le réserviste victime de dommages subis pendant les périodes d’emploi ou de formation dans la réserve et, en cas de décès, ses ayants droit ont droit, à la charge de l’Etat, à la réparation intégrale du préjudice subi, sauf en cas de dommage imputable à un fait personnel détachable du service ».

Pour toute aide relative à ces démarches ou information complémentaire n’hésitez pas à prendre contact avec le cabinet.

 

(article écrit en collaboration avec Margaux BESSEAT, élève-avocate)

 

Mots-clés : Covid-19, contamination, secteur public, maladie professionnelle, accident de service, agent public hospitalier, maladie imputable au service, maladie d’origine professionnelle.

 

Responsabilité du chirurgien : il faut démontrer que son geste a causé la lésion

Atteinte par un chirurgien d’un organe non impliqué a priori par une intervention.

Sur qui repose la charge de la preuve ?

La responsabilité d’un chirurgien opérant dans le cadre libéral est une responsabilité pour faute. Le demandeur (c’est à dire le patient en général ou ses ayants-droits) doit démontrer la faute du praticien. C’est une obligation de moyen qui repose sur le médecin.

Qu’en est-il lorsque l’organe atteint n’était en principe pas concerné par l’intervention ? Dans ce cas, le chirurgien doit rapporter la preuve qu’une anomalie rendait inévitable son atteinte ou qu’il y a eu survenance d’un risque inhérent à l’intervention, risque ne pouvant être maîtrisé. C’est à dire qu’il y a eu survenance d’un aléa thérapeutique.

Mais il doit être certain, néanmoins, que l’atteinte à l’organe a été causé par le chirurgien.

La Cour de cassation le rappelle à l’occasion d’un cas d’espèce où l’un des experts a évoqué plusieurs explications et causes possibles de l’atteinte, écartant la possibilité d’identifier clairement les causes de la lésion.

Cass, Civ 1ère, 26 février 2020, pourvoi n° 19-13423

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000041701632&fastReqId=1412203381&fastPos=1

 

Prise en charge des patients Covid-19 par les soignants

Nous vous prions de trouver la fiche de prise en charge, pour les soignants de ville, des patients atteints, ou suspectés de l’être, du Covid-19.

La fiche est à jour au 20 mars 2020.:

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/covid-19_fiche_medecin_v16032020finalise.pdf

Prenez soin de vous et de vos proches.

 

Solidarités des pharmaciens d’officine devant les Sections d’Assurance Sociale ?

 

 

Le Conseil d’Etat précise les conditions de responsabilité solidaire devant la section des assurances sociales du Conseil régional de l’Ordre (SAS).

Un pharmacien, exerçant au sein d’une SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), se voit condamné par la section des assurances sociales (SAS) à une interdiction de servir des prestations à des assurés sociaux pendant 12 mois dont 3 avec sursis.

Pour la juridiction, il doit être regardé comme responsable des irrégularités constatées dans l’officine dès lors qu’il a la qualité de pharmacien associé.

Le Conseil d’Etat casse et rappelle que chaque pharmacien exerce personnellement sa profession.

S’il exerce au sein d’une SELARL, il doit répondre des irrégularités entachant l’activité de l’officine à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel de l’un des associés.

Pour le Conseil d’Etat, la juridiction a commis une erreur de droit. En effet elle n’a pas vérifié si les fautes reprochées  étaient exclusivement imputables à l’action personnelle d’un des associés.

CE, 28 mars 2019, requête n° 418350

 

La réparation par une juridiction administrative ne rend pas irrecevable une demande devant la CIVI en cas d’infraction

La Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait considéré  la saisine de la CIVI irrecevable après indemnisation par le tribunal administratif.

Des complications lors d’un accouchement avaient entraîné des lésions cérébrales à l’enfant. La responsabilité de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avait été retenue. Les parents et l’enfant ont été indemnisés après une procédure devant la juridiction administrative.

Les parents, agissant en leur nom et au nom de leur enfant, ont ensuite saisi la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions). Ils souhaitaient voir ordonner une expertise médicale et obtenir le versement de provisions.

La Cour d’appel déclara leur saisine irrecevable même si les faits présentaient bien le caractère matériel d’une infraction. En effet les juges considérèrent que la demande portait sur des préjudices déjà intégralement réparés par les juridictions administratives.

La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel au motif que la commission d’indemnisation des victimes d’infraction fixe “le montant d’indemnité en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie“.

Cour de cassation, Chambre civile 2, 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-13853

Les pertes de gains professionnels : distinctes de l’incidence professionnelle

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 mai 2019, rappelle que les pertes de gains professionnels peuvent constituer un préjudice distinct de l’incidence professionnelle.

Leurs indemnisations respectives peuvent donc se cumuler.

En l’espèce il s’agissait d’une personne victime d’un accident de la route alors qu’il conduisait une moto. Une transaction avait eu lieu quant à l’indemnisation de l’accident initial. La victime avait assigné l’assureur pour une aggravation de son préjudice.

La Cour d’appel d’Angers l’avait indemnisé de ses pertes de gains professionnels par la somme de 103 464 € et celle de 40 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

L”assureur, la GMF, contestait ainsi la décision : l’incidence professionnelle répare la dévalorisation sur le marché du travail, la pénibilité, le fait d’abandonner son emploi pour un autre. Ceci exclut le fait de ne pouvoir retravailler.

En indemnisant la perte de gains futurs et l’incidence professionnelle, la Cour d’appel indemnisait deux fois le même préjudice.

Pour la Cour de cassation, compte tenu des restrictions importantes subies par la victime, le retour à l’emploi était très aléatoire. Aussi, réparer la perte de gains futurs et la perte de chance d’une promotion professionnelle n’étaient pas incompatibles car indemnisant deux postes distincts de préjudice.

Cour de cassation, chambre civile 2, 22 mai 2019, pourvoi n° 18-17560

Réparation du préjudice de contamination par le virus de l’hépatite C

Dans un arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation retient que pour que le préjudice spécifique de contamination soit réparé, la Cour d’appel aurait dû “caractériser l’existence, après la date de la guérison, d’un risque d’altération de l’état de santé lié à la contamination.”

Par ailleurs, elle rappelle que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale. Ainsi, il n’est pas possible d’allouer une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination. En effet, ce dernier englobe déjà les souffrances. Indemniser les deux  postes risquerait indemniser deux fois le même préjudice.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 novembre 2018, 17-28.272

secret médical

médecin recours et secret médical

face-1370955_1280-2Les médecins recours ou médecin conseil de victime sont amenés à expertiser des victimes et à rédiger des notes qui ont vocation à être produites en justice. Dans quelle mesure peuvent-ils être à être sanctionnés pour avoir violer le secret médical?

Dans une affaire sur laquelle le Conseil d’Etat a dû se pencher (CE, 4 mai 2016, n° 3777297), un médecin de recours était accusé de violation du secret médical pour avoir rédigé un note technique à destination d’une victime d’un dommage corporel qui se plaignaient de son médecin traitant.

La note du médecin recours concluait que le suivi de la patiente n’avait pas été fait dans les règles de l’art.

Le médecin traitant avait porté plainte contre son confrère pour violation du secret professionnel car il avait remis sa note à l’avocat de la victime. La chambre disciplinaire du Conseil de l’Ordre avait condamné le médecin à une interdiction d’exercer la médecine pendant 6 mois dont 3 mois avec sursis.

Le médecin recours fit un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier annule la décision, sans analyser les autres moyens développés, et renvoie devant la chambre disciplinaire nationale considérant qu’en se bornant à juger que le médecin recours avait commis de graves manquements à ses devoirs, dont le respect du secret professionnel, sans désigner précisément les manquements reprochés ni indiquer en quoi l’intervention en tant que médecin recours influait sur la qualification et la gravité des actes, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins n’avait pas suffisamment motivé sa décision.

 

Pour lire la décision : légifrance

virus

Expertise dans le cadre d’une infection nosocomiale

Une victime d’un accident domestique a été admise dans un hôpital lyonnais en août 2011.

Quelques mois plus tard, une biopsie confirme que le patient est atteint d’une infection nécessitant l’amputation partielle de sa jambe.

L’intéressé s’estimant victime d’une infection nosocomiale contractée lors de son séjour a l’hôpital, a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) du Rhône.

La commission a mandaté des experts qui ont rendu un rapport au vu duquel la CCI a estimé, par un avis du 16 avril 2014, que les préjudices subis par le patient n’étaient pas liés à sa prise en charge médicale .

La victime a sollicité une expertise judiciaire devant le juge administratif  a refusé d’ordonner une nouvelle expertise au motif qu’elle ne présentait pas d’utilité.

Un appel est interjeté et le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon, a fait droit à la demande d’expertise.

Le centre hospitalier et son assureur se sont pourvus en cassation arguant que le juge des référés de la Cour administrative d’appel aurait entaché son ordonnance d’une erreur de droit et dénaturé les règles relatives à la prescription d’une mesure d’expertise.

 Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi dans la mesure où le juge d’appel a démontré l’utilité d’une nouvelle expertise puisque le « rapport des experts de la CRCI, ne comporte aucun élément sur le point de savoir si, en l’absence de toute contamination, l’évolution de l’état de M. A… aurait néanmoins rendu inévitable son amputation » et que « dans le cas contraire, il y a lieu d’évaluer les conséquences qu’aurait pu comporter cette infection, indépendamment de l’évolution prévisible de l’état du patient. »

Conseil d’Etat, 18 décembre 2015, n°388772

Source: legifrance

“Vu la procédure suivante :

M. B…A…a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de prescrire, en application des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d’expertise relative à la prise en charge dont il a fait l’objet à l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon à la suite d’un accident survenu le 27 août 2011. Par une ordonnance n° 1408204 du 5 janvier 2015, le juge des référés a rejeté sa demande.

Lire la suite

Par une ordonnance n° 15LY00141 du 27 février 2015, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon, statuant sur la requête de M.A…, a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon et prescrit l’expertise demandée.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 1er avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, les Hospices civils de Lyon et la Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM) demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat des Hospices civils de Lyon et de la Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B…A…et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’à la suite d’un accident domestique survenu le 27 août 2011, M. A…a été pris en charge par l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon ; qu’une infection confirmée par une biopsie osseuse pratiquée le 21 décembre 2011 dans ce même établissement a rendu nécessaire l’amputation partielle de sa jambe gauche, réalisée le 22 juin 2012 ; que l’intéressé a soutenu devant la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) du Rhône que cette infection présentait un caractère nosocomial ; qu’au vu du rapport d’expertise remis le 11 février 2014 par le professeur Magalon et le docteur Marchetti, cette commission a estimé, par un avis du 16 avril 2014, que les préjudices subis par le patient n’étaient pas liés à sa prise en charge médicale ; que, par une ordonnance du 5 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par M. A…, a refusé d’ordonner une nouvelle expertise au motif qu’elle ne présentait pas d’utilité ; que, par l’ordonnance du 27 février 2015 contre laquelle les Hospices civils de Lyon et leur assureur, la SHAM, se pourvoient en cassation, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon, faisant droit à l’appel de M.A…, a annulé la décision du premier juge et prescrit l’expertise demandée ;

2. Considérant que la prescription d’une mesure d’expertise en application des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative est subordonnée au caractère utile de cette mesure ; qu’il appartient au juge des référés, saisi d’une demande d’expertise dans le cadre d’une action en réparation des conséquences dommageables d’un acte médical, d’apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, du rapport de l’expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée ; que M.A…, qui ne s’est pas borné à réclamer la prescription d’une contre-expertise aux seules fins de contredire les conclusions de l’expertise réalisée à la demande de la CRCI, a soutenu devant le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon que les lacunes de cette expertise ne permettaient pas d’éclairer la juridiction administrative sur certains des critères du régime de responsabilité applicable ;

3. Considérant que, pour conclure à l’utilité d’une nouvelle expertise, l’ordonnance attaquée relève que ” les pièces du dossier, et notamment le rapport des experts de la CRCI, ne comportent aucun élément sur le point de savoir si, en l’absence de toute contamination, l’évolution de l’état de M. A… aurait néanmoins rendu inévitable son amputation ” et que ” dans le cas contraire, il y a lieu d’évaluer les conséquences qu’aurait pu comporter cette infection, indépendamment de l’évolution prévisible de l’état du patient ” ; qu’en se prononçant par ces motifs, le juge d’appel a implicitement mais nécessairement répondu au moyen des intimés tiré de ce qu’étant saisi d’une simple contestation des conclusions du premier rapport il n’était pas compétent pour prescrire l’expertise demandée ; qu’il n’a entaché son ordonnance ni d’erreur de droit, ni de dénaturation ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi des Hospices civils de Lyon et autres doit être rejeté ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre solidairement à la charge des Hospices civils de Lyon et de la SHAM la somme de 2 300 euros à verser à l’ONIAM et la somme de 3 000 euros à verser à M.A… ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi des Hospices civils de Lyon et de la SHAM est rejeté.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon et la SHAM verseront solidairement la somme de 2 300 euros à l’ONIAM et la somme de 3 000 euros à M. A…en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux Hospices civils de Lyon, à la Société hospitalière d’assurances mutuelles, à M. B…A…, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône.”

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dopage

Juge d’instruction et dossier médical : pouvoirs du juge

doping-271623_1280Le juge d’instruction est autorisé à faire examiner un dossier médical sans l’accord de l’intéressé par voie d’expertise.

A l’origine des faits la mise en examen d’un entraîneur et compagne d’une athlète de haut niveau, mis en examen pour importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementation sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, important de produits dopants sans raison médicale.

Le juge d’instruction a fait analyser par un expert le dossier médical de l’athlète aux fins de recherche d’anomalies susceptibles d’e^tre en lien avec les produits dopants.

Le requérant estimait que la consultation d’un dossier médical est une ingérence dans le vie privée, que l’autorisation du patient était nécessaire et que l’expertise, soumise à un pharmacien, non soumis au secret professionnel des médecins, était une violation dudit secret et avait saisit la chambre d’instruction puis la Cour de cassation.

Celle-ci considère (Cass, Crim, 24 novembre 2015, pourvoi n° 15-83349) que le magistrat n’a pas excédé ses pouvoirs car aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mis en examen ou de témoin assisté, ni qu’elle consente à l’examen de son dossier, que l’expertise était soumise au principe du contradictoire et proportionné au but poursuivi et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux.

La Cour rejette ainsi le pourvoi.

Source : Legifrance

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Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 novembre 2015
N° de pourvoi: 15-83349
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Patrice X…,


contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de GRENOBLE, en date du 8 avril 2015, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 novembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juillet 2015, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 et 226-14 du code pénal, 80, 156 et suivants, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité présentée par M. X… portant sur l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme Jeannie C…, ainsi que de toutes les pièces dont elle est le support ;

” aux motifs qu’en application de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ; qu’en l’espèce, saisi des faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique, d’infractions aux règlements sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses et d’importation de substance ou procédé interdit aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale (dopage), le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, compagne du mis en examen et athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; qu’aucun texte du code de procédure pénale n’impose le placement d’une personne sous le statut de témoin assisté ou de mis en examen préalablement à la réalisation d’une telle expertise ; qu’aucun texte n’impose davantage que soit recueilli, préalablement à la réalisation d’une expertise médicale ou biologique ordonnée par le magistrat instructeur dans le cadre des faits dont il est saisi, l’avis ou l’autorisation de la personne concernée par les éléments soumis à ladite expertise ; qu’une telle expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni l’article 8 de ladite convention sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

” 1°) alors que la consultation d’un dossier médical constitue une ingérence dans la vie privée qui n’est compatible avec les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition d’être prévue par une loi suffisamment claire et précise pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à une telle mesure ; que l’article 81 du code de procédure pénale, qui permet au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ne peut conférer une base légale suffisante à cette mesure litigieuse ; que, dès lors, en rejetant la demande de nullité de l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme C…, en relevant qu’elle était suffisamment justifiée par l’article 81 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

” 2°) alors que le juge pénal ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique l’y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l’expert une mission qui porte atteinte au secret médical sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable du patient concerné, qui n’est pas partie à la procédure ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a ordonné la saisie du dossier médical de Mme C… et sa remise à un expert aux fins qu’il indique si des anomalies ressortant de l’étude dudit dossier étaient susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO, sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable de Mme C… laquelle, faute d’être partie à la procédure, n’a pas accès à l’expertise faite sur son propre dossier et n’a aucune possibilité de faire des observations ; que ce faisant, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés, particulièrement la protection de la vie privée et l’exercice des droits de la défense ;

3°) alors que lorsque le juge d’instruction décide de recourir à une expertise pour consulter un dossier médical, l’expert doit être soumis au même secret professionnel que la personne ayant établi ledit dossier ; qu’en refusant d’annuler l’ordonnance ayant désigné, pour procéder à l’expertise du dossier médical de Mme C…, un expert, pharmacien, qui n’était pas soumis au secret professionnel des médecins, la chambre de l’instruction a de nouveau violé les textes et principes susvisés ” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d’une information ouverte le 10 février 2012, M. Patrice X…, mari et entraîneur de Mme Jeannie C…, a été mis en examen des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants ; que, par ordonnance du 26 mai 2014, le juge d’instruction a ordonné une expertise aux fins d’analyser le dossier médical de Mme C… saisi dans les locaux de la Fédération française de cyclisme ; que, le 31 décembre 2014, M. X… a déposé une demande aux fins d’annulation de pièces de la procédure ;

Attendu que, pour rejeter la requête, l’arrêt retient que le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; que les juges ajoutent qu’aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mise en examen ou de témoin assisté ni qu’elle formule un avis ou donne son autorisation à la réalisation de l’acte ; qu’ils concluent que l’expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni son article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors qu’en vertu des articles 81, 156 et suivants du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut ordonner une expertise ayant pour objet des constatations d’ordre technique nécessitant la communication et l’examen de pièces utiles à la manifestation de la vérité, et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux et détenu par une fédération sportive investie de prérogatives de puissance publique en matière de lutte contre le dopage ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre novembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:CR05805

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble , du 8 avril 2015

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