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Réparation intégrale et contrôle de l’utilisation des fonds

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La Cour de cassation, dans un arrêt de la Chambre criminelle du 2 juin 2015, est venue rappeler que le principe de la réparation intégrale du préjudice n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime au titre des préjudices futurs.

Celle-ci reste libre de leur utilisation.

La Cour casse un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 16 avril 2014 qui avait subordonné l’indemnisation de la victime de frais futurs à la production de justificatifs.

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation se trouvait avoir besoin de frais d’appareillage et fauteuil roulant. Il demandait la capitalisation de ses frais futurs.

L’arrêt attaqué avait condamné au remboursement des dépenses de santé futures au fur et à mesure des besoins sur présentation des factures acquittées en l’absence d’éléments suffisants quant à leur prise en charge par les organismes de sécurité sociale.

La Haute juridiction casse en considérant qu’il appartenait à la Cour d’appel de procéder à la capitalisation en déterminant le coût des appareillages, la périodicité de leur renouvellement et en exigeant la communication des décomptes des prestations que organismes sociaux envisageaient de servir.

Cassation sur l’article 1382 du code civil.

Source : Légifrance

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 juin 2015, 14-83.967, Publié au bulletin | Legifrance

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 juin 2015, 14-83.967, Publié au bulletin | Legifrance

Références

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 2 juin 2015
N° de pourvoi: 14-83967
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :



– M. Gilles X…,
– La société Axa France, partie intervenante,
– M. Elie Y…,
– Mme Marie-Christine Z…, épouse Y…, parties civiles,


contre l’arrêt de la cour d’appel d’AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 2014, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 avril 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I – Sur les pourvois formés par M. X… et la société Axa France :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

II – Sur le pourvoi formé par M. Elie Y… et Mme Marie-Christine Z… :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2 et 591 du code de procédure pénale ;

“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X… à rembourser à M. Y… ses principales dépenses de santé futures au fur et à mesure de ses besoins et sur présentation des factures acquittées ;

“aux motifs que le premier juge a évalué à 13 178,92 euros la créance de RSI à l’exclusion des frais de prothèse et de déplacement pour appareillage qui restent à la charge de M. Y… ; que (¿) le premier juge a alloué à la partie civile l’intégralité des sommes réclamées se composant de frais pharmaceutiques à hauteur de 1 168,18 euros, de frais d’appareillage pour 328 517,52 euros et de frais de fauteuil roulant à concurrence de 8 171,35 euros, lesdites sommes étant le résultat d’une capitalisation viagère sur la base du barème de la Gazette du Palais de 2011 ; que dans ses conclusions déposées devant la cour, M. Y… sollicite désormais une capitalisation sur la base du barème publié par la Gazette du Palais dans son édition des 27 et 28 mars 2013 et, tenant compte des conclusions de la nouvelle expertise du professeur A…, il demande, au titre des frais pharmaceutiques, une somme globale de 1 486,01 euros (¿) ; qu’au titre des frais d’appareillage, M. Y… sollicite la somme globale de 247 783,05 euros (¿) ; que RSI ayant refusé de procéder à la capitalisation des frais futurs, M. Y… y a procédé lui-même sur la base d’un euro de rente viagère de 7,938 (barème applicable aux organismes sociaux) et a déduit une somme totale de 49 927,79 euros au titre de la prise en charge par cet organisme des frais de prothèse principale (27 679,57 euros), prothèse de secours (20 759,69 euros), manchons, en réalité bonnets de calage (917 euros), cannes anglaises (48,42 euros) et fauteuil roulant manuel (523,11 euros), à l’exclusion des autres appareillages ou prestations qui ne sont pas pris en charge ; que la MAAF n’ayant pas intégré dans sa créance définitive de frais futurs, ce dont il se déduit qu’elle n’en prend pas en charge, M. Y… demande en conséquence de lui allouer, au titre des dépenses de santé futures, une somme de 199 341,27 euros (249 269,06 – 49 927,79) ; que M. X… et Axa France contestent le mode d’indemnisation sous forme d’un capital, le considérant comme peu en adéquation avec la réparation de ce type de préjudice et également plus incertain pour la victime qui risque de le dilapider, et surtout le choix du barème au regard tant du taux de capitalisation que de la prise en compte de l’inflation, étant observé que la victime, pour capitaliser la créance de RSI, ne manque pas de faire le choix d’un barème bien plus avantageux pour elle, créant ainsi un écart artificiel contraire au principe de réparation intégrale ; qu’en conséquence, ils offrent d’indemniser ce poste au fur et à mesure des besoins de la victime, sur présentation des factures acquittées après prise en charge des organismes sociaux et, subsidiairement, de régler une rente annuelle viagère qui, selon les textes applicables, ne devrait pas être soumises à l’impôt sur le revenu, contrairement à ce que soutient la partie civile ; que la cour ne peut que constater que, pour calculer le montant de l’indemnité due en réparation des postes de préjudice mentionnés ci-dessus, M. Y…, après avoir capitalisé le montant de la dépense annuelle sur la base d’un euro de rente viagère généralement de 15,455, sauf dans les cas où le point de départ de la capitalisation est avancé ou retardé, ne manque pas, pour calculer la créance à déduire de RSI qui n’a pas lui-même offert de capitaliser les dépenses de santé futures qu’il a seulement listées et évaluées pour un premier engagement, d’utiliser un prix d’euro de rente de 7,938, créant ainsi un écart tout à fait artificiel qui repose sur l’emploi de deux barèmes de capitalisation fort différents, sans aucune justification puisqu’il s’agit de capitaliser le même préjudice subi par la même victime pour une période de vie statistiquement équivalente ; que ce procédé, qui n’a d’autre objet que de dégager un important différentiel d’indemnisation ne correspondant à aucun préjudice, n’est pas tolérable et, compte tenu des évolutions envisageables à la fois quant aux prix des appareillages et à leur niveau de prise en charge par les organismes de sécurité sociale, l’offre principale de l’assureur, qui a par ailleurs pour mérite d’éviter toute discussion sur l’éventuelle imposition de la rente et de garantir l’indemnisation la plus proche possible du préjudice réellement subi, doit être retenue ;

“alors que le principe de la réparation intégrale du préjudice n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation ; qu’en condamnant le responsable à rembourser à la victime ses dépenses de santé futures au fur et à mesure des besoins de celle-ci et sur présentation de factures acquittées, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés” ;

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que le principe de la réparation intégrale n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation ;

Attendu que M. Elie Y… a été victime, le 20 juin 2009, d’un accident de la circulation, dont M. X…, assuré auprès de la société Axa France, reconnu coupable de blessures involontaires, a été définitivement déclaré tenu à réparation intégrale ; que M. Y… et Mme Z…, son épouse, ont demandé réparation des préjudices subis du fait de cet accident et, notamment, des dépenses de santé futures que M. Y… devra exposer ;

Attendu que l’arrêt attaqué a condamné M. X… au remboursement des dépenses de santé futures relatives aux appareillages de M. Y… à la suite de l’accident, au fur et à mesure de ses besoins et sur présentation des factures acquittées, en l’absence d’éléments suffisants quant à leur prise en charge par les organismes de sécurité sociale et aux prix de ces appareillages ;

Mais attendu qu’en subordonnant ainsi l’indemnisation de M. Y… à la production de justificatifs, alors qu’il lui appartenait, pour liquider son préjudice, de procéder à la capitalisation des frais futurs, en déterminant le coût de ces appareillages et la périodicité de leur renouvellement, en exigeant la communication des décomptes des prestations que ces organismes de sécurité sociale envisageaient de servir à la victime et en recourant, en tant que de besoin à une nouvelle expertise et à un sursis à statuer, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I – Sur les pourvois formés par M. X… et la société Axa France :

Les REJETTE ;

II – Sur le pourvoi formé par M. Elie Y… et Mme Marie-Christine Z… :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Amiens, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 2014, mais en ses seules dispositions relatives aux dépenses de santé futures, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Amiens autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux juin deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


ECLI:FR:CCASS:2015:CR02172

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Amiens , du 16 avril 2014

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