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La réparation par une juridiction administrative ne rend pas irrecevable une demande devant la CIVI en cas d’infraction

La Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait considéré  la saisine de la CIVI irrecevable après indemnisation par le tribunal administratif.

Des complications lors d’un accouchement avaient entraîné des lésions cérébrales à l’enfant. La responsabilité de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avait été retenue. Les parents et l’enfant ont été indemnisés après une procédure devant la juridiction administrative.

Les parents, agissant en leur nom et au nom de leur enfant, ont ensuite saisi la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions). Ils souhaitaient voir ordonner une expertise médicale et obtenir le versement de provisions.

La Cour d’appel déclara leur saisine irrecevable même si les faits présentaient bien le caractère matériel d’une infraction. En effet les juges considérèrent que la demande portait sur des préjudices déjà intégralement réparés par les juridictions administratives.

La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel au motif que la commission d’indemnisation des victimes d’infraction fixe “le montant d’indemnité en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie“.

Cour de cassation, Chambre civile 2, 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-13853

accident-travail

Compétence de la CIVI pour un accident du travail

Les victimes (ou leurs ayants droit) de certaines infractions n’ayant pas pu obtenir réparation de leurs préjudices, peuvent saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), qui siège au sein de chacun de Tribunaux de Grande Instance de France.

L’article 706-3 du Code de procédure pénale détermine les règles de compétence de la CIVI.

Toute victime de faits volontaires ou non, et présentant le caractère matériel d’une infraction pénale, peut être intégralement indemnisée du préjudice résultant des atteintes à la personne qu’elle a subi si ces faits :

  • ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail au moins égale à un mois,

ou

  • sont constitutifs de viol, d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle sur mineur ou de traîte des êtres humains, sans condition d’incapacité minimum.

Ces infractions ne doivent pas relever de procédures spécifiques d’indemnisation, ce qui concerne les victimes de l’amiante, d’actes de terrorisme, d’accident de la circulation ou d’accident de chasse.

L’indemnisation peut être réduite, voire refusée, en cas de faute de la victime.

Selon l’article 706-14 du code de procédure pénale, une indemnité partielle peut être accordée à la victime, si elle a subi :

  • un dommage corporel entraînant un arrêt de travail ou d’activité de moins d’un mois,
  • un vol, une escroquerie, un abus de confiance, une extorsion de fonds ou la détérioration d’un bien lui appartenant.

Pour cela, elle doit remplir les conditions suivantes :

  • ses ressources mensuelles doivent être inférieures au montant du plafond de l’aide juridictionnelle partielle augmenté en fonction du nombre de personnes à charges
  • l’indemnisation de son préjudice par ses assurances personnelles, sa mutuelle, sa sécurité sociale ou tout autre débiteur se révèle insuffisante ou impossible
  • les faits doivent avoir entraîné dans sa vie des troubles graves.

L’indemnisation, dans ce cas, est plafonnée à trois fois le plafond de ressources fixé pour l’attribution de l’aide juridictionnelle partielle.

Dans son arrêt du 5 février 2015, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la demande d’un salarié intérimaire victime d’un accident de travail (chute dans les escaliers) alors qu’il livrait un client.

Le salarié a saisi la CIVI en invoquant une infraction résultant du manquement du client aux règles de sécurité.

Il a sollicité de ladite commission une provision ainsi que la nomination d’un expert judiciaire.

La CIVI, puis la Cour d’appel rejettent sa demande au motif que l’accident en cause est un accident du travail.

La Cour d’appel retient que la demande d’indemnisation de la victime doit être fondée sur les  dispositions d’ordre public régissant les accidents du travail, et non sur les des dispositions régissant la CIVI.

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au motif que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers.

Il faut retenir que la victime peut prétendre à une indemnisation de ses préjudices  servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions dans le cadre des règles de la CIVI, en raison du fait que l’accident est survenu dans les locaux d’une société tierce qui a enfreint les règles de sécurité et de santé au travail.

La notion de faute imputable à un tiers apparaît prédominante dans ce cas précis d’accident du travail.

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COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, 5 février 2015, n° 13-11945

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 451-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le 4 juin 2008, M. X…, employé par la société Manpower et mis à la disposition de la société Euromil Nord, a effectué une chute dans les escaliers en procédant à une livraison chez un client de la société utilisatrice ; qu’invoquant une infraction résultant d’un manquement de ce client aux règles de sécurité, il a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle et la désignation d’un expert ;

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