Juge d’instruction et dossier médical : pouvoirs du juge
Le juge d’instruction est autorisé à faire examiner un dossier médical sans l’accord de l’intéressé par voie d’expertise.
A l’origine des faits la mise en examen d’un entraîneur et compagne d’une athlète de haut niveau, mis en examen pour importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementation sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, important de produits dopants sans raison médicale.
Le juge d’instruction a fait analyser par un expert le dossier médical de l’athlète aux fins de recherche d’anomalies susceptibles d’e^tre en lien avec les produits dopants.
Le requérant estimait que la consultation d’un dossier médical est une ingérence dans le vie privée, que l’autorisation du patient était nécessaire et que l’expertise, soumise à un pharmacien, non soumis au secret professionnel des médecins, était une violation dudit secret et avait saisit la chambre d’instruction puis la Cour de cassation.
Celle-ci considère (Cass, Crim, 24 novembre 2015, pourvoi n° 15-83349) que le magistrat n’a pas excédé ses pouvoirs car aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mis en examen ou de témoin assisté, ni qu’elle consente à l’examen de son dossier, que l’expertise était soumise au principe du contradictoire et proportionné au but poursuivi et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux.
La Cour rejette ainsi le pourvoi.
Source : Legifrance
Pour lire l’arrêt :
Cour de cassation M. Guérin (président), président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par : Avocat général : M. Lemoine ; Greffier de chambre : Mme Hervé ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ; Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juillet 2015, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ; Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 et 226-14 du code pénal, 80, 156 et suivants, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; ” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité présentée par M. X… portant sur l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme Jeannie C…, ainsi que de toutes les pièces dont elle est le support ; ” aux motifs qu’en application de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ; qu’en l’espèce, saisi des faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique, d’infractions aux règlements sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses et d’importation de substance ou procédé interdit aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale (dopage), le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, compagne du mis en examen et athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; qu’aucun texte du code de procédure pénale n’impose le placement d’une personne sous le statut de témoin assisté ou de mis en examen préalablement à la réalisation d’une telle expertise ; qu’aucun texte n’impose davantage que soit recueilli, préalablement à la réalisation d’une expertise médicale ou biologique ordonnée par le magistrat instructeur dans le cadre des faits dont il est saisi, l’avis ou l’autorisation de la personne concernée par les éléments soumis à ladite expertise ; qu’une telle expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni l’article 8 de ladite convention sur le droit au respect de la vie privée et familiale ; ” 1°) alors que la consultation d’un dossier médical constitue une ingérence dans la vie privée qui n’est compatible avec les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition d’être prévue par une loi suffisamment claire et précise pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à une telle mesure ; que l’article 81 du code de procédure pénale, qui permet au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ne peut conférer une base légale suffisante à cette mesure litigieuse ; que, dès lors, en rejetant la demande de nullité de l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme C…, en relevant qu’elle était suffisamment justifiée par l’article 81 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ; ” 2°) alors que le juge pénal ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique l’y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l’expert une mission qui porte atteinte au secret médical sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable du patient concerné, qui n’est pas partie à la procédure ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a ordonné la saisie du dossier médical de Mme C… et sa remise à un expert aux fins qu’il indique si des anomalies ressortant de l’étude dudit dossier étaient susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO, sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable de Mme C… laquelle, faute d’être partie à la procédure, n’a pas accès à l’expertise faite sur son propre dossier et n’a aucune possibilité de faire des observations ; que ce faisant, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés, particulièrement la protection de la vie privée et l’exercice des droits de la défense ; 3°) alors que lorsque le juge d’instruction décide de recourir à une expertise pour consulter un dossier médical, l’expert doit être soumis au même secret professionnel que la personne ayant établi ledit dossier ; qu’en refusant d’annuler l’ordonnance ayant désigné, pour procéder à l’expertise du dossier médical de Mme C…, un expert, pharmacien, qui n’était pas soumis au secret professionnel des médecins, la chambre de l’instruction a de nouveau violé les textes et principes susvisés ” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d’une information ouverte le 10 février 2012, M. Patrice X…, mari et entraîneur de Mme Jeannie C…, a été mis en examen des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants ; que, par ordonnance du 26 mai 2014, le juge d’instruction a ordonné une expertise aux fins d’analyser le dossier médical de Mme C… saisi dans les locaux de la Fédération française de cyclisme ; que, le 31 décembre 2014, M. X… a déposé une demande aux fins d’annulation de pièces de la procédure ; Attendu que, pour rejeter la requête, l’arrêt retient que le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; que les juges ajoutent qu’aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mise en examen ou de témoin assisté ni qu’elle formule un avis ou donne son autorisation à la réalisation de l’acte ; qu’ils concluent que l’expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni son article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale ; Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors qu’en vertu des articles 81, 156 et suivants du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut ordonner une expertise ayant pour objet des constatations d’ordre technique nécessitant la communication et l’examen de pièces utiles à la manifestation de la vérité, et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux et détenu par une fédération sportive investie de prérogatives de puissance publique en matière de lutte contre le dopage ; D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre novembre deux mille quinze ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre. ECLI:FR:CCASS:2015:CR05805 Publication : Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble , du 8 avril 2015
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 novembre 2015
N° de pourvoi: 15-83349
Publié au bulletin Rejet
SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)Texte intégral
– M. Patrice X…,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de GRENOBLE, en date du 8 avril 2015, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 novembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;Analyse