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Amiante : prise en charge au titre des maladies professionnelles

La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 avril 2015, (pourvoi n° 14-15165) précise que le tableau n°30 B des maladies professionnelles relatif aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante désigne comme maladie les lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles.

La Caisse de sécurité sociale avait fait un pourvoi au motif que le texte précise des plaques pleurales au pluriel.

La Cour rejette le pourvoi au motif que l’intéressé avait développé une plaque liée à l’amiante et que le texte du tableau n° 30 B précisant des plaques au pluriel devait être interprété comme un terme générique.

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel qui en a donc exactement déduit que l’intéressé devait bénéficier d’une prise en charge au titre de la pathologie inscrit au tableau.

 

Références

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 2 avril 2015
N° de pourvoi: 14-15165
Publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
Me Foussard, avocat(s)


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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 février 2014), que M. Z…, ancien salarié de l’entreprise Leroy-Somer entre 1973 et 2010, a souscrit le 3 juin 2010 une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 30 B ; que la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente (la caisse) ayant rejeté sa demande au motif qu’il ne présentait pas une pathologie correspondant à l’affection prévue par ce tableau, l’intéressé a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la caisse fait grief à l’arrêt d’accueillir ce recours, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il appartient au juge et à lui seul, de trancher les questions d’ordre juridique que suscite le litige ; qu’en se bornant, en l’espèce, pour déterminer le sens de l’une des hypothèses visée par le tableau 30B des maladies professionnelles, entériner l’avis d’un tiers, fut-il conseiller en maladies professionnelles du ministère du travail, les juges du fond, qui ont délégué leurs pouvoirs, ont violé les articles 4 du code civil, 12 et 232 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque le texte est clair, il doit être appliqué tel qu’il a été écrit, sans que son champ d’application ou que ses effets puissent être étendus à la faveur d’une interprétation ; qu’en l’espèce, le tableau n° 30 B des maladies professionnelles exigeait la constatation de « plaques pleurales » au pluriel ; que le libellé du texte exigeant que deux plaques pleurales soient constatées au moins, les juges du fond ne pouvaient, sous couvert d’interprétation, considérer qu’une plaque pleurale suffisait à déclencher la présomption ; qu’en décidant le contraire, sous prétexte d’interprétation, quand le texte était clair, les juges du fond ont violé l’article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu’en considérant qu’une seule plaque pleurale suffisait, quand le texte exigeait, usant du pluriel, deux plaques pleurales au moins, les juges du fond ont à tout le moins violé les dispositions du tableau n° 30 B des maladies professionnelles ;

Mais attendu que le tableau n° 30 B des maladies professionnelles relatif aux affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, désigne comme maladie les lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires ; qu’il en résulte que dès lors qu’est constatée la présence d’une plaque pleurale, les conditions relatives à la désignation de la maladie sont remplies, peu important l’emploi du pluriel qui renvoie à une désignation générique de ces lésions ;

Et attendu qu’ayant constaté que l’intéressé avait développé une plaque pleurale liée à une exposition professionnelle à l’amiante, la cour d’appel, sans déléguer ses pouvoirs ni méconnaître le sens des dispositions applicables, en a exactement déduit que ce dernier pouvait bénéficier d’une prise en charge de sa pathologie au titre du tableau sus mentionné ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente.

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’il a, infirmant la décision de recours amiable, décidé que l’affection de Monsieur Francis Z… devait être prise en charge au titre de la présomption découlant du tableau n° 30B des maladies professionnelles ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le tableau 30 des maladies professionnelles qui énumère les affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante prévoit à la section B des « lésions pleurales bénignes : avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires : plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu’elles sont confirmées par un examen » ; que ce tableau prévoit un délai de prise en charge de la maladie et liste les travaux susceptibles de provoquer la maladie ; que le tableau 30B ne prévoit pas de condition de prise en charge relative à la gravité de la pathologie ; que le docteur Lucien X…, membre du conseil de l’ordre des médecins, ancien conseiller en maladies professionnelles au ministère du travail, a émis un avis le 1er juillet 2008 selon lequel « si effectivement le terme de « plaques » est au pluriel, c’est un terme général impliquant que leur dénombrement commence à 1 et il n’est nullement indiqué qu’il faut que la victime présente au-moins deux plaques pleurales. (¿) Dès lors, une seule plaque pleurale suffit à caractériser la maladie » ; que dans la mesure où il est démontré que M. Z… a développé une plaque pleurale liée à une exposition professionnelle à l’amiante, prévue au tableau 30B des maladies professionnelles, qui bien que mentionnant au pluriel l’existence de plaques pleurales, ne pose aucune condition de gravité de celle-ci ni qu’elle soit accompagnée d’autre pathologie parenchymateuse pulmonaire, le seul constat médical de la présence d’une plaque pleurale suffit pour permettre à M. Z… de bénéficier d’une prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée » (arrêt, p. 5 alinéas 2 à 5) ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « que la commission de recours amiable dans sa décision du 15 avril 2011 a indiqué que la mention du tableau 30A est une simple erreur matérielle et que la demande de M. Z… a bien été examinée au regard des conditions du tableau 30B des maladies professionnelles ; qu’en effet, le médecin-conseil a indiqué dans son avis que Monsieur Z… n’est atteint que d’une plaque pleurale alors que le tableau 30B exige l’existence de plusieurs plaques pleurales ; que le docteur Y…dans son rapport d’expertise expose que l’étude attentive de l’imagerie présentée ne montre la présence que d’une plaque pleurale ce qui ne va pas dans le sens d’une localisation secondaire à la maladie du tableau 30B, la présence de plaques multiples étant retenue par la législation ; qu’il en conclut que Monsieur Z… n’est pas atteint de lésions pleurales entrant dans le cadre du tableau 30B des maladies professionnelles ; que le tableau 30B des maladies professionnelles désigne la maladie « lésions pleurales bénignes, plaques calcifiées ou non-péricardiques ou pleurales » ; que pour autant, il résulte d’un avis rendu par le docteur X…, ancien conseiller en maladies professionnelles du ministère du travail, le 1er juillet 2008 concernant un autre dossier que celui de Monsieur Z…, que si le terme de « plaque » est au pluriel, c’est un terme général impliquant que leur dénombrement commence à 1 et il est nulle part indiqué qu’il faut que la victime présente au-moins deux plaques pleurales ; qu’il ajoute qu’une seule plaque suffit à caractériser la maladie ; qu’il apparaît ainsi que le médecin-conseil de la caisse et le docteur Y…ont fait une interprétation erronée du tableau 30B car si le tableau vise en effet les plaques pleurales, il est nullement nécessaire que les plaques pleurales, dès lors qu’elles existent, soient multiples ou significatives ; qu’en conséquence, la présence d’une seule plaque pleurale correspond aux exigences du tableau 30B ; que cette analyse a été adoptée par la cour d’appel de RIOM dans un arrêt du 11 octobre 2011 ; que par suite, il est établi au vu des éléments médicaux concernant Monsieur Z… qu’il présente une affection décrite au tableau 30B des maladies professionnelles et il n’est pas nécessaire d’ordonner une nouvelle expertise médicale » (jugement, p. 3 alinéas 6 et suivants) ;

ALORS QUE, premièrement, il appartient au juge et à lui seul, de trancher les questions d’ordre juridique que suscite le litige ; qu’en se bornant, en l’espèce, pour déterminer le sens de l’une des hypothèses visée par le tableau 30B des maladies professionnelles, entériner l’avis d’un tiers, fut-il conseiller en maladies professionnelles du ministère du travail, les juges du fond, qui ont délégué leurs pouvoirs, ont violé les articles 4 du code civil, 12 et 232 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, lorsque le texte est clair, il doit être appliqué tel qu’il a été écrit, sans que son champ d’application ou que ses effets puissent être étendus à la faveur d’une interprétation ; qu’en l’espèce, le tableau n° 30B des maladies professionnelles exigeait la constatation de « plaques pleurales » au pluriel ; que le libellé du texte exigeant que deux plaques pleurales soient constatées au moins, les juges du fond ne pouvaient, sous couvert d’interprétation, considérer qu’une plaque pleurale suffisait à déclencher la présomption ; qu’en décidant le contraire, sous prétexte d’interprétation, quand le texte était clair, les juges du fond ont violé l’article 12 du code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, troisièmement, en considérant qu’une seule plaque pleurale suffisait, quand le texte exigeait, usant du pluriel, deux plaques pleurales au moins, les juges du fond ont à tout le moins violé les dispositions du tableau n° 30B des maladies professionnelles.

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ECLI:FR:CCASS:2015:C200553

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 6 février 2014

Source : Légifrance