Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d’apport, l’apport partiel d’actif emporte lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport ;
Attendu que pour déclarer les salariés irrecevables en leurs demandes, les arrêts retiennent qu’il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN, devenue la Normed a repris sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des seuls contrats de travail transférés dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail ; que les salariés ayant cessé leur activité antérieurement à 1982 n’ont jamais été salariés de la société Normed et que celle-ci n’a pas repris les obligations contractées par le précédent employeur dont les contrats de travail ne lui ont pas été transférés ;
Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés du transfert légal des contrats de travail en cours, sans qu’il résulte de ses constatations que l’obligation était étrangère à la branche d’activité apportée ou expressément exclue par le traité d’apport, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l’article 26-II de cette même loi et l’article 2224 du code civil ;
Attendu que les arrêts retiennent qu’en admettant que la Normed soit tenue de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud’homale, resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;
Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que les salariés, bénéficiaires de l’ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit l’activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’ils rejettent l’exception d’incompétence, les arrêts rendus le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y… ès qualités de mandataire judiciaire de la société Normed, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y…, ès qualités, à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X… et les dix autres demandeurs aux pourvois n° H 13-19.263 à T 13-29.273
Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR déclaré irrecevables les demandes des salariés tendant à ce que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société LA NORMED des créances de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété et du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d’existence et à ce que les arrêts soient déclarés opposables à l’AGS-CGEA ;
AUX MOTIFS QUE il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN (devenue LA NORMED) avait repris, sans recours contre la société apporteuse, les obligations contractées par cette dernière pour les seuls contrats de travail transférés à la SPCN (devenue LA NORMED) dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail alors applicables ; que les certificats de travail produits aux débats démontrent que les contrats de travail avaient définitivement pris fin entre 1969 et 1978 ; que dans ces conditions, LA NORMED n’avait pas pu poursuivre le contrat de travail rompu antérieurement à la reprise par elle de l’activité de la société CNC ; que les demandes dirigées contre LA NORMED s’avèrent dès lors irrecevables, cette dernière n’ayant jamais été l’employeur de cette dernière ; qu’au demeurant, en admettant que LA NORMED serait tenue, même en l’absence de clause de garantie du passif, de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, il en résulterait, compte tenu, de la date de la rupture des contrats de travail et de celle de la saisine du conseil de prud’hommes, que les demandes dirigées contre LA NORMED resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;
1/ ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d’apport, en cas d’apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions, la transmission universelle des biens, droits et obligations rattachés à la branche d’activité apporté s’opère de plein droit, quand bien même, par suite d’une erreur, d’un oubli ou de toute autre cause, le bien, droit ou obligation ne figurerait pas dans le traité d’apport ; qu’en refusant de considérer que les obligations nées des contrats de travail conclus avec la société CNC et rompus avant la date de l’apport d’actif avaient été transmises de plein droit à la société SPCN, la cour d’appel a violé l’article L. 236-3 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil ;
2/ ALORS QUE, à tout le moins, en retenant que l’article 11, alinéa 1er, du traité d’apport partiel d’actif avait limité la transmission à la société bénéficiaire des droits et obligations nés des contrats de travail en cours à la date de réalisation de l’apport, quand cette clause n’était que le rappel de l’article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail alors applicable et le principe de transmission universelle de l’actif et du passif se rattachant à la division navale apportée était stipulé à l’article 1er du paragraphe II, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis du traité d’apport partiel d’actif signé le 3 novembre 1982 ;
3/ ALORS QUE, enfin, que le délai de prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; qu’en retenant comme point de départ de ce délai la date de rupture du contrat de travail des salariés qui ne peut correspondre à la date à laquelle s’est réalisé le préjudice des salariés née d’une situation d’inquiétude permanente de développer une maladie liée à l’amiante, la cour d’appel a violé l’article 2262 du code civil.
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