accident-travail

Compétence de la CIVI pour un accident du travail

Les victimes (ou leurs ayants droit) de certaines infractions n’ayant pas pu obtenir réparation de leurs préjudices, peuvent saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), qui siège au sein de chacun de Tribunaux de Grande Instance de France.

L’article 706-3 du Code de procédure pénale détermine les règles de compétence de la CIVI.

Toute victime de faits volontaires ou non, et présentant le caractère matériel d’une infraction pénale, peut être intégralement indemnisée du préjudice résultant des atteintes à la personne qu’elle a subi si ces faits :

  • ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail au moins égale à un mois,

ou

  • sont constitutifs de viol, d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle sur mineur ou de traîte des êtres humains, sans condition d’incapacité minimum.

Ces infractions ne doivent pas relever de procédures spécifiques d’indemnisation, ce qui concerne les victimes de l’amiante, d’actes de terrorisme, d’accident de la circulation ou d’accident de chasse.

L’indemnisation peut être réduite, voire refusée, en cas de faute de la victime.

Selon l’article 706-14 du code de procédure pénale, une indemnité partielle peut être accordée à la victime, si elle a subi :

  • un dommage corporel entraînant un arrêt de travail ou d’activité de moins d’un mois,
  • un vol, une escroquerie, un abus de confiance, une extorsion de fonds ou la détérioration d’un bien lui appartenant.

Pour cela, elle doit remplir les conditions suivantes :

  • ses ressources mensuelles doivent être inférieures au montant du plafond de l’aide juridictionnelle partielle augmenté en fonction du nombre de personnes à charges
  • l’indemnisation de son préjudice par ses assurances personnelles, sa mutuelle, sa sécurité sociale ou tout autre débiteur se révèle insuffisante ou impossible
  • les faits doivent avoir entraîné dans sa vie des troubles graves.

L’indemnisation, dans ce cas, est plafonnée à trois fois le plafond de ressources fixé pour l’attribution de l’aide juridictionnelle partielle.

Dans son arrêt du 5 février 2015, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la demande d’un salarié intérimaire victime d’un accident de travail (chute dans les escaliers) alors qu’il livrait un client.

Le salarié a saisi la CIVI en invoquant une infraction résultant du manquement du client aux règles de sécurité.

Il a sollicité de ladite commission une provision ainsi que la nomination d’un expert judiciaire.

La CIVI, puis la Cour d’appel rejettent sa demande au motif que l’accident en cause est un accident du travail.

La Cour d’appel retient que la demande d’indemnisation de la victime doit être fondée sur les  dispositions d’ordre public régissant les accidents du travail, et non sur les des dispositions régissant la CIVI.

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au motif que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers.

Il faut retenir que la victime peut prétendre à une indemnisation de ses préjudices  servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions dans le cadre des règles de la CIVI, en raison du fait que l’accident est survenu dans les locaux d’une société tierce qui a enfreint les règles de sécurité et de santé au travail.

La notion de faute imputable à un tiers apparaît prédominante dans ce cas précis d’accident du travail.

*

COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, 5 février 2015, n° 13-11945

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 451-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le 4 juin 2008, M. X…, employé par la société Manpower et mis à la disposition de la société Euromil Nord, a effectué une chute dans les escaliers en procédant à une livraison chez un client de la société utilisatrice ; qu’invoquant une infraction résultant d’un manquement de ce client aux règles de sécurité, il a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle et la désignation d’un expert ;

Lire la suite

Attendu que pour rejeter ces demandes, l’arrêt retient qu’à supposer établi que les faits reprochés par M. X… à la boulangerie cliente de l’entreprise utilisatrice présentent le caractère matériel d’une infraction, la cour d’appel ne peut que constater que l’accident en litige répond à la définition de l’accident du travail, en ce sens qu’il s’est produit dans l’un des lieux où s’est exercée la mission d’intérim ; qu’il s’ensuit que M. X… ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 706-3 du code de procédure pénale pour prétendre à une indemnisation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 décembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. X…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé l’ordonnance rendue le 24 octobre 2011 par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions du tribunal de grande instance de Reims en ce qu’elle avait débouté M. Cédric X… de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE certes, l’article 706-3 du code de procédure pénale dispose que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présente le caractère matériel d’une infraction peut obtenir, sous certaines conditions, la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes à la personne ; que cependant, il ressort de l’article L. 412-4 du code de la sécurité sociale que la victime d’un accident du travail doit en informer ou en faire informer l’utilisateur ; que ce dernier doit déclarer à l’entreprise de travail temporaire tout accident dont il a eu connaissance et dont a été victime un salarié mis à sa disposition par cette entreprise ; qu’est considéré comme lieu de travail tant le(s) lieu(x) où s’exerce la mission que le siège de l’entreprise temporaire ; qu’à supposer établi que les faits reprochés à la boulangerie cliente de la société utilisatrice présentent le caractère matériel d’une infraction, la cour ne peut que constater que l’accident litigieux est un accident du travail, au sens du texte précité, car il s’est produit dans l’un des lieux où s’est exercée la mission d’intérim ; que M. X… ne peut dès lors pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 706-3 susvisées pour prétendre à une indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions, cette indemnisation, légitime, devant ainsi résulter de l’application des dispositions d’ordre public régissant les accidents du travail ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’il est d’interprétation constante du droit que les dispositions légales d’ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction ; que la circonstance que l’accident subi soit survenu lors d’une mission d’intérim quand M. X… n’était pas salarié directement par la société EUROMIL, est sans incidence sur la qualification de l’accident du travail subi ;

1°/ ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir, sous certaines conditions, la réparation intégrale résultant des atteintes à la personne ; qu’aux termes de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles de droit commun dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ; que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction sont applicables, selon l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, aux victimes d’un accident du travail imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés ; que pour justifier le rejet de la demande présentée par M. X… devant la CIVI de Reims, la cour a retenu que dès lors que l’accident qu’il avait subi était un accident du travail, cette qualification excluait qu’il pût prétendre à une indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions ; qu’en se déterminant ainsi, la cour a violé les articles L. 412-4 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale ;

2°/ ALORS QUE les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infraction sont applicables, selon l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, aux victimes d’un accident du travail imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés ; que tel était le cas pour M. X…, dès lors que l’accident dont il a été victime est intervenu dans les locaux d’une société tierce, la société de la société EUROMIL, dont il n’était pas salarié, et à la charge de laquelle a été retenue une infraction aux règles de sécurité et de santé au travail ; que, pour exclure le droit de M. X…, victime d’un accident du travail, à présenter une demande d’indemnisation servie par le biais du Fonds de garantie des victimes d’infractions, la cour a retenu que, dans le cadre d’un travail temporaire, la victime d’un accident du travail doit en informer l’utilisateur, lequel doit déclarer cet accident à l’entreprise de travail temporaire, le lieu du travail étant le lieu où s’exerce la mission ; qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à justifier l’exclusion du droit de M. X…, la cour a violé derechef les articles L. 412-4 du code de la sécurité sociale et 706-3 du code de procédure pénale.

[collapse]

main tendue

SOINS PALLIATIFS : peut mieux faire pour la Cour des comptes

 

La Cour des comptes a rendu public, le 11 février 2015, son rapport public annuel qui consacre dans son tome II un chapitre aux soins palliatifs. 

Le programme de santé publique incluait un axe Soins palliatifs 2008-2012 prévoyait 3 axes de développement :

  • Poursuite du développement de l’offre hospitalière et essor des dispositifs extrahospitaliers
  • Elaboration d’une politique de formation et de recherche
  • Accompagnement des proches

La Cour des comptes a souhaité savoir à quoi avait abouti ce plan.

Voici un résumé de son analyse.

 

I. Un accès aux soins palliatifs (SP) encore très insuffisant.

L’observatoire national de fin de vie (ONFV) a fait une estimation en 2011 de la population susceptible de bénéficier de SP.

Sur les 535 451 personnes décédées en 2008, 64 % sont décédées d’une maladie susceptible de bénéficier de ces soins, 67 % étant en hôpital, 59 % en EHPAD et 51 % à domicile.

En 2009, les hospitalisés en court séjour susceptibles d’en bénéficier furent 238 000 et seuls 78 000 ont en effectivement bénéficié. Ce taux a été porté à 135 000 en 2013.

Toutefois aux urgences, sur les 15 000 personnes susceptibles d’en bénéficier, seuls 7, 5 % en ont bénéficié alors que 2/3 sont entrés pour des pathologies à besoin de SP.

Le nombre de personnes en soins de suite et réadaptation avec des soins palliatifs sont passés de 32 000 en 2009 à 34 000 en 2013.

Quant aux hospitalisations à domicile (HAD), les personnes en bénéficiant sont passées de 22 800 en 2011 à 27 000 en 2013.

La Cour des comptes pointe la méconnaissance de la réalité de la prise en charge (PEC) par le défaut de données actualisées, fiables et complètes.

Ceci en fait traduit la difficulté française à faire des soins palliatifs une réelle priorité à la différence de ce que l’on a pu constater à l’étranger comme au Canada ou au Royaume-Uni où les modes de PEC en hôpitaux de jour ou en appartement thérapeutique se sont énormément développées et où volontaires et bénévoles sont fédérés dans un Conseil national des soins palliatifs.

II. Un développement prioritairement centré sur l’hôpital

Les dépenses de l’assurance maladie (AM) pour les soins palliatifs dans les établissements ont représenté près de 1, 6 milliard dont les ¾ en court séjour, 127 millions pour les équipes mobiles et 300 millions pour les soins en HAD

A/ Déploiement d’une PEC graduée

La prise en charge prévoit :

  • Des unités de soins palliatifs pour les demandes les plus complexes (USP)
  • Des lits identifiés de soins palliatifs (LISP) dans des services non consacrés à ce type de soins mais avec des moyens supplémentaires
  • Une prise en charge dans des lits non spécifiques.

A ces dispositifs, il faut rajouter les équipes mobiles qui interviennent dans les services internes des établissements à la demande des patients, de leur famille ou des personnels de santé.

60 % des USP et des LISP appartiennent au service public. Le service privé non lucratif représente 26 % des USP et 24 % des LISP tandis que le service privé lucratif ne représente que 12 % des USP et 16 % des LISP.

En ce qui concerne les USP, l’objectif du plan a été atteint avec une progression de 35 % entre 2007 et 2012 et une augmentation globale des lits en USP de 38 %.

La part des LISP a fait un bond de 65 % et les équipes mobiles ont progressé de 24 % (80 % appartiennent au service public).

Les SP en pédiatrie ont bien augmenté aussi. Alors qu’ils étaient centrés sur l’oncologie, ils se sont développés dans les situations de grande prématurité et polyhandicaps.

La formation reste peu développée. En France elle constitue une spécialité complémentaire quand elle est une spécialité à part entière au Royaume-Uni ou en Australie.

Les soins palliatifs sont beaucoup mieux intégré ans les formations des infirmières, en particulier depuis la mise en place de la réforme (LMD).

Quant aux études médicales, elles ne représentent que quelques heures dans leur formation mais se sont développé des Diplômes d’études spécialisées sur le sujet.

B/ Modalités de financement inégalement adaptées

La tarification de l’assurance maladie est incitative au développement des soins palliatifs en court séjour. Par contre leur absence de valorisation en moyen et long séjour est un obstacle à leur développement.

Pourtant on observe une augmentation des maladies chroniques en services de soins de suite et réadaptation (SSR) ou en unité de soins longue durée (USLD).

L’absence de mécanisme de financement spécifique empêche de faire une estimation fine des besoins et constitue un frein au développement de ces soins dans ce type de service.

C/ Persistance de fortes disparités territoriales

Si tous les CHU disposent d’USP, toutes les régions ne disposent pas de CHU et le nombre de lits en USP est très disparates selon les régions : 0 en Guyane et 5, 45 en Nord-Pas de Calais

Pour les LISP, il a été mesuré pour 100 000 habitants, une moyenne de 0 lits en Guyane et 18, 6 en Limousin.

En ce qui concerne les LISP, des régions sont plus chanceuses (Rhône-Alpes, Paris, Pays de la Loire, Midi-Pyrénées que d’autres (Aquitaine, PACA) et pour les USP, Paris, le Nord-Pas de Calais et l’Est sont mieux lotis que la Normandie, l’Auvergne ou le Sud.

Sur une échelle infrarégionales, on retrouve aussi des disparités importantes comme en Basse-Normandie entre l’Orne sous-doté en structure de SP par rapport au Calvados.

III. Une prise en charge extrahospitalière toujours à construire

Si la PEC dans les Etablissement de soins a bien progressé, les progrès restent très limités sur les lieux de vie (domicile, EPHAD, lieux accueillant les personnes en situation de handicaps)

A/ Des PEC à domicile à renforcer

  1. Mieux articler les interventions

Il existe une multiplicité d’intervenants dans les soins à domicile. Les médecins traitants ont un rôle pivot mais leur degré d’engagement varie beaucoup : les médecins formés et qui peuvent s’appuyés sur un réseau ou un structure d’HAD s’engage plus facilement.

Les réseaux de SP ont contribué aux développements des interventions à domicile. Mais si le programme 2008-2012 prévoyait la création de 50 nouveaux réseaux, l’objectif a été abandonné au profit d’une coordination intégrant la PEC de la douleur, la gérontologie et la cancérologie et les financements pour la création de ces nouveaux réseaux ont disparu dans l’enveloppe consacrée au financement des équipes mobiles au sein des hôpitaux.

Quant à la coordination des différents acteurs (HAD, Services des soins infirmiers à domicile, médecins traitants…), elle est déficiente.

Ainsi le parcours des personnes en fin de vie se traduit par de nombreux allers/retours entre le domicile et l’hôpital mais l’organisation de l’hospitalisation n’est pas adaptée avec un passage quasi obligé aux urgences ou une absence de préparation du retour mobilisant les différents intervenants.

 

  1. Faire du développement des SP à domicile un objectif des conventions entre l’assurance maladie et les professionnels de santé

Ainsi l’assurance maladie n’a pas mis en service le dispositif AM/Professionnels de santé libéraux.

Seule la majoration de coordination infirmière a été mise en place.

En fait les discussions ont plus portées sur les grandes thématiques de la Caisse au détriment des priorités gouvernementales et quand elles l’ont été, elles furent discutées profession par profession et non de façon interprofessionnelle.

B/ Un accès aux SP à développer dans les Etablissements médico-sociaux

Les SP en EPHAD se heurte au fait que ces structures sont faiblement médicalisées pour la plupart.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a mené une expérimentation avec un recours à du temps infirmier de nuit.

Mais l’accès au SP pour les personnes en situation de handicap reste très inégal alors même que l’espérance de vie de ces personnes augmente et que des questions concernant les décisions de fins de vie se posent.

C/ Un faible soutien à l’entourage des malades

Les PEC palliatives à domicile sont difficiles : insuffisance de la disponibilité des familles, lourdeur de l’accompagnement, coût du maintien à domicile…

Une loi de 1999 a créé un Congé de solidarité familiale mais les décrets afférents n’ont été pris qu’en 2008. L’allocation journalière d’accompagnement des personnes en fin de vie, voulu par la loi Léonetti de 2005 n’a vu le jour qu’en 2010 et le nombre de bénéficiaires reste limité (1283 entre 2012 et 2014).

Le programme 2008-2012 a souhaité voir la création de Maison d’accompagnement pour prévenir l’épuisement des aidants familiaux. L’expérimentation prévoyait la création de 3 maisons mais le dispositif s’est révélé peu concluant par insuffisance de la médicalisation par rapport aux besoins.

Enfin le maintien à domicile peut coûter cher. Le programme 2008-2012 a permis le développement du financement par l’assurance maladie d’heure d’aide et de matériel à travers le Fonds national d’action sanitaire et sociale mais le mécanisme est limité, peu connu et donc peu mobilisé.

 

En conclusion,

dementia-479678_1280Des 3 priorités de santé publique du programme 2008-2012 (soins palliatifs, Alzheimer, cancérologie), les soins palliatifs est l’axe qui a le moins réussi à combler ses retards et les inégalités.

Il y a eu une bonne et forte progression dans les établissements de santé, mais la prise en charge à domicile et dans les Etablissements médico-sociaux reste déficiente.

Les professionnels de santé libéraux ne sont pas assez mobilisés. La vision des soins palliatifs reste centrée sur l’hôpital et le technique au détriment d’un accompagnement de proximité et le soutien des aidants est peu développé.

 

Source : Cour des comptes

bactérie

Infection nosocomiale et refus de soins : pas de diminution du droit à indemnisation

Dans une décision du 15 janvier dernier, la Cour de cassation déclare qu’on ne peut limiter la responsabilité d’un établissement de soin au motif que la victime a refusé les traitements proposés. Ces derniers ont été rendus nécessaires à cause de l’infection contractée engageant la responsabilité de l’établissement, ici une clinique.

En l’espèce, la victime avait subi 2 interventions et contracté une infection lors de la seconde. Elle avait refusé les traitements proposés et était sortie puis admise dans un autre établissement en raison d’une dégradation de sa santé.

La Cour d’appel avait limité la responsabilité de la clinique au motif que la victime avait refusé de se soumettre aux traitements proposés.

La Cour casse l’arrêt au visa des articles L. 1142-1 et L.1111-4 du Code de la santé publique : le refus de soin ne peut entraîner une diminution du droit à indemnisation.

 

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 15 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-21180
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :



Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, qui avait subi deux interventions chirurgicales pratiquées à la Clinique Bel Air par M. Y…, urologue, a présenté, à la suite de la seconde, en date du 4 avril 2005, une hyperthermie indiquant un état infectieux, qu’ayant refusé tout traitement à compter du 7 avril, il a quitté l’établissement deux jours plus tard pour réintégrer son domicile, contre avis médical, que, son état s’étant aggravé, il a été admis, au mois de mai suivant, dans un autre établissement, où une septicémie par streptocoque a été diagnostiquée, avec des atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au coeur qui ont nécessité plusieurs traitements, que M. X… a assigné en responsabilité la société Clinique chirurgicale Bel Air (la clinique) et M. Y… ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen pris en sa troisième branche :

Vu l’article 16-3 du code civil, ensemble les articles L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique ;

Attendu que le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection ;

Lire la suite



Attendu que pour limiter la responsabilité de la clinique aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. X… si elle avait été « normalement traitée », l’arrêt relève d’abord que si, selon l’expert, le patient, dépourvu de médecin traitant, n’avait pas refusé un transfert vers un autre établissement, quitté la clinique contre avis médical et, de retour chez lui, omis de consulter un autre médecin, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique et interrompus avant d’avoir abouti, aurait permis, dans un délai de quinze à trente jours, de résorber l’infection et d’éviter l’aggravation de son état ; que l’arrêt retient ensuite, distinguant entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation, que les complications de l’infection initiale sont la conséquence du refus par ce patient, pendant plus d’un mois et en raison de ses convictions personnelles, de traitements qui ne revêtaient pas un caractère lourd et pénible ;

Qu’en statuant ainsi, en imputant l’aggravation de l’état de M. X… à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

Met M. Y… hors de cause, sur sa demande ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il limite la condamnation de la Clinique aux souffrances endurées, au déficit fonctionnel temporaire et à la perte de gains professionnels pour la seule période du 4 avril au 4 mai 2005, l’arrêt rendu le 10 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne la société Clinique chirurgicale Bel Air aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir limité la responsabilité de la clinique Bel-Air aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. Alain X… si elle avait été « normalement traitée » ;

AUX MOTIFS QU’en l’espèce, il n’y a ni imprévisibilité, ni caractère irrésistible établis concernant le développement d’un germe endogène lors d’une intervention chirurgicale invasive ; que par ailleurs même dans l’hypothèse où une faute serait prouvée à l’encontre du chirurgien, ceci ne constituerait pas une cause étrangère pour la clinique et n’aurait d’effet que dans les rapports entre la clinique et le chirurgien ; que la cause extérieure n’est pas davantage établie dans la mesure où elle s’entend comme un événement extérieur à l’activité de soins de l’établissement ; qu’il s’ensuit qu’est établie la responsabilité sans faute de la clinique Bel Air s’agissant d’une infection nosocomiale contractée dans l’établissement de soins à l’occasion de l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005 ; ¿ ; que les préjudices imputables aux suites normales des soins nécessaires sont ceux d’une résection vésicale par voie endoscopique d’une lésion tumorale ; qu’il n’apparaît pas dans la symptomatologie présentée après l’intervention du 4 avril 2005 de complication ou de préjudice de nature urologique liés à ce geste chirurgical ; que l’expert a indiqué qu’en tenant compte de l’infection développée à la suite de l’intervention, normalement prise en charge immédiatement, celle-ci aurait entraîné une incapacité de travail de 30 jours et n’aurait pas généré de séquelles ; que cependant, il a précisé également que l’ensemble des différents préjudices subis par M. X… et dont il demande réparation, sont en lien direct et certain avec l’infection nosocomiale à point de départ urinaire ; que cette infection est une complication du geste chirurgical pratiqué le 4 avril 2005 par le Docteur Y… à la Clinique Bel Air ; qu’il s’agit d’un aléa thérapeutique ; que cette infection, suspectée dès le 4 avril ne sera bactériologiquement documentée que plus d’un mois plus tard par l’isolement d’une souche de Streptocoque du Groupe B suite aux prélèvements des 9 et 11 mai 2005 et au vu des hémocultures et urocultures, faits à la clinique mutualiste de Pessac ; qu’elle s’est compliquée d’un état septicémique à l’origine de trois localisations secondaires à l’épaule, au foie et au coeur ; que l’expert a procédé à l’évaluation du préjudice subi du fait de la totalité des conséquences de l’infection nosocomiale sans distinguer comme l’a fait le tribunal l’infection initiale et son aggravation, ce qui ne relevait pas de ses attributions ; mais qu’il s’est cependant prononcé sur les conséquences normales de ce type d’infection prise en charge dans les règles de l’art comme il a été rapporté précédemment ; que l’état infectieux de M. X… a été repéré avant sa sortie de la clinique, mais que son origine n’avait pas encore été déterminée ; que si M. X… n’était pas parti contre avis médical, refusant un transfert vers un autre établissement, n’ayant pas de médecin traitant et ne contactant personne à son retour chez lui, selon l’expert, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique Bel Air et interrompus avant d’avoir abouti en raison du départ du patient contre avis médical, aurait permis, dans un délai de 15 à 30 jours maximum de résorber l’infection et donc d’éviter l’aggravation de son état et notamment les localisations secondaires ayant atteint l’épaule, le foie et le coeur ; ¿ ; que le refus de soins du patient est légitime, la loi prévoyant le respect de sa volonté ; mais que dans les circonstances décrites au regard du processus infectieux dont M. X… se plaint, ce refus est à l’origine de son préjudice en aggravation ; qu’il ne peut en tenir l’établissement de santé responsable, même dans le cadre d’une responsabilité sans faute s’agissant d’une infection nosocomiale ; qu’en effet il est établi que l’attitude de M. X…, sous-tendue par ses convictions personnelles sur les médecines naturelles, est indéniablement à l’origine de son refus de soins et par voie de conséquence du retard à la mise en oeuvre d’une thérapeutique adaptée, laquelle appliquée dans les suites immédiates de l’intervention du 4 avril 2005 aurait permis d’éviter les complications infectieuses secondaires ; que l’attitude de M. X… est caractérisée par les éléments suivants dont il a pris la responsabilité étant souligné qu’il est un professionnel de santé étant, kinésithérapeute en exercice au moment des faits : refus de l’antibiothérapie à la Clinique Bel Air à compter du 7 avril 2005, sortie de la Clinique Bel Air en dépit d’un état fébrile et contre avis médical après signature d’une décharge explicite le 8 avril, absence totale de suivi médical pendant près d’un mois malgré des signes cliniques avérés, consultation au bout de 15 jours d’un médecin homéopathe et prise d’un traitement homéopathique, départ en séjour de repos sans aucun autre traitement pendant une dizaine de jours du 27/28 avril au 9 mai 2005 avant sa ré-hospitalisation en urgence dans un état critique le 9 mai 2005 à la clinique mutualiste, alors qu’il avait connaissance des résultats alarmants des examens ordonnés par le docteur Z… le 23 avril 2005 ; que si M. X… était resté à la clinique Bel Air ou avait accepté une hospitalisation dans un autre établissement de soins, comme cela lui a été proposé par le Dr. Y…, en raison de la perte de confiance avec le Dr A… anesthésiste et avec les infirmières, son infection aurait été identifiée plus vite ; que soignée immédiatement de façon appropriée elle se serait résorbée sans la survenance des complications dues à la fixation du germe sur l’épaule, le foie et le coeur ; que cette extension du streptocoque est due à ce que la thérapeutique adaptée n’a pu être mise en oeuvre que plus d’un mois après le début de l’infection, en raison du refus de M. X… de poursuivre les investigations et soins en cours ; qu’il y a lieu de distinguer entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation du dommage ; que le refus de soins de Monsieur X… devant être considéré comme une négligence au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, dès lors que les soins qu’il a refusés n’avaient pas un caractère lourd et pénible pouvant justifier qu’il ne choisisse de s’y soustraire ; qu’en effet il ne s’agissait au moment de son hospitalisation à la clinique Bel Air et dans les suites de l’opération du 4 avril 2005 que d’attendre le résultat probant d’identification du germe infectieux par la poursuite de l’hospitalisation et des analyses biologiques en cours et la mise en place d’un traitement antibiotique adapté ; que pendant le cours même de son séjour à la clinique Bel Air, il a refusé dans un premier temps une deuxième injection de Venofer dès le 6 avril 2005 et le Iendemain, 7 avril, il a refusé l’administration des antibiotiques ; qu’il apparaît donc clairement qu’en raison de convictions personnelles M. X…, préférant les médecines naturelles, bien qu’informé des conséquences de son choix, en présence d’un état infectieux dont le germe n’était pas encore déterminé, a pris le risque de voir aggraver sa pathologie avec toutes les conséquences dommageables pour lui qui en sont découlées ; que c’est en raison de ce contexte et de ces circonstances particulières et eu égard à la capacité de compréhension de l’appelant à raison de sa qualification professionnelle que ne peuvent dès lors être réparées comme imputables à l’infection nosocomiale contractée à la clinique Bel Air que les suites normales de celle-ci sans les complications liées au retard de la mise en oeuvre du traitement adapté ; qu’en effet les complications ne sont imputables ni à la clinique Bel Air au titre de sa responsabilité sans faute, encore moins au Dr Y… à l’encontre duquel n’a été établie aucune faute dans le suivi post-opératoire, dans la mesure où ils n’ont pas été en capacité de poursuivre les soins et investigations en cours pour identifier l’origine de l’état infectieux ; que ces complications résultant de l’absence de traitement de l’infection pendant plus d’un mois sont en lien avec l’attitude de l’appelant constitutive de négligence, étant encore souligné qu’en tant que professionnel de la santé il était en mesure de comprendre les informations données sur son état de santé et les risques encourus et par voie de conséquence la portée de sa décision ; qu’il s’ensuit que M. X… ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale normalement traitée dans les suites de l’intervention du 4 avril 2005 à la clinique Bel Air ; que celle-ci sera, dès lors, condamnée à n’indemniser que cette partie du préjudice de M. X… ;

ALORS, D’UNE PART, QU’ en vertu de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, les établissements de soin sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales survenus en leur sein, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; que selon les constatations de la Cour d’appel, la clinique Bel Air était, en l’absence de toute cause étrangère, responsable de l’infection nosocomiale de M. X… ; que dès lors, il résulte du texte précité qu’elle était responsable de l’intégralité des dommages résultant de cette infection nosocomiale ; qu’en décidant qu’une faute de négligence de la victime ¿ ne présentant aucun des caractères de la force majeure – pouvait néanmoins conduire à écarter cette responsabilité s’agissant des dommages consécutifs à l’aggravation de l’infection nosocomiale, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences préjudiciables et la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt de celui-ci ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a reproché à M. X… d’avoir refusé de suivre les préconisations médicales qui lui auraient permis de limiter son préjudice et a, en conséquence, décidé de limiter l’indemnisation allouée aux seuls préjudices qu’il aurait subis s’il avait accepté de se conformer aux recommandations médicales ; qu’en statuant ainsi, alors que M. X… n’était pas tenu de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable et qu’il pouvait prétendre à l’intégralité de la réparation de celui-ci, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1382 du Code civil ;

ALORS, EGALEMENT, QUE le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale, de se soumettre aux traitements médicaux préconisés, dès lors qu’elle n’a pas l’obligation de les suivre, ne peut entraîner ni la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité du préjudice subi à ce titre, ni la prise en compte d’une aggravation susceptible de découler d’un tel choix ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1142-1 du Code de la santé public, 16-3 et 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir jugé que le Dr. Y… n’avait commis aucune faute à l’occasion de l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 ainsi que dans le suivi post-opératoire de M. Alain X… et d’avoir en conséquence débouté ce dernier de ses demandes à l’égard du Dr Y… ;

AUX MOTIFS QUE l’expert reproche au Dr Y… de ne pas avoir remis à M. X… pour son médecin traitant, un compte rendu opératoire détaillé et des informations sur son état fébrile et l’infection à suivre, tout en constatant qu’il n’avait pas de médecin traitant ; qu’il indique néanmoins que le Dr Y… aurait dû faire une telle lettre sans en-tête, puisque M. X… n’avait pas alors de médecin traitant, lettre que ce dernier aurait pu remettre dès sa décision de consulter un médecin ; ¿ ; qu’il n’est pas soutenu par M. X… que le docteur Y… ait manqué à son devoir d’information ni que M. X… n’ait pas compris la portée des informations complètes qui lui ont été données que ce soit avant pendant ou après l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005 ; qu’il est établi que M. X… n’a donné aucune coordonnée de médecin traitant, ni lors de son admission à la clinique Bel Air ni lors de sa sortie contre avis médical ; qu’il ressort du dossier que M. X… a signé la veille de sa sortie l’attestation suivante : “Je soussigné Monsieur X… Alain, hospitalisé dans l’établissement, reconnaît avoir été informé que: * mon état de santé nécessite un maintien de mon séjour * mon état de santé nécessite des soins Mais décide, en toute connaissance de cause: * de vouloir interrompre mon séjour Fait à Bordeaux le 8 avril 2005 ” ; que lors de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, le Dr Y… après avoir tenté de convaincre M. X… de rester hospitalisé ou d’être transféré dans un autre établissement de soins, lui a remis directement tous les éléments médicaux relatifs à l’intervention chirurgicale et à ses suites c’est à dire les résultats d’analyse démontrant l’existence d’un état infectieux, dont l’origine n’était pas encore identifiée, se traduisant par une hypothermie persistante ; qu’il lui a remis également une ordonnance pour la poursuite du traitement antibiotique pendant 15 jours ; que le reproche fait par M. X… au Dr Y… d’une prescription d’antibiotique inadaptée à son état à partir du 4 avril 2005, la Neuroxine n’ayant pas effet curatif sur le streptocoque B est infondé car le germe dont il était infecté était en cours de recherche à l’époque et il lui a été administré une antibiothérapie probabiliste dans l’attente de l’identification du germe, laquelle n’a pas pu se faire en raison du refus et du départ du patient ; qu’il ne ressort pas des textes précités que le Dr Y… avait l’obligation de remettre une note à M. X… qui n’avait pas de médecin traitant ; qu’il s’ensuit qu’on ne peut donc pas faire grief au Dr Y… de n’avoir pas remis à M. X… au moment de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, une lettre pour son médecin traitant, dès lors que le patient n’avait pas de médecin traitant à ce moment là ; que dès que le Dr Y… a été informé par son patient, lors de la communication téléphonique du 26 avril 2005 de l’aggravation de son état et que ce dernier lui a communiqué le nom du Dr Z…, le Dr Y… a adressé dès le lendemain, le 27 avril 2005, un courrier détaillé au Dr Z… sur l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 et sur ses suites ; ¿ ; que dès lors, il n’est rapporté la preuve d’aucune faute commise par le docteur Y… dans le suivi post-opératoire de son patient compte tenu de la position affirmée de M. X… de ne pas poursuivre l’hospitalisation et son absence de contact avec un médecin traitant à l’époque de sa sortie contre avis médical, le Dr Y… a fait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer le suivi de M. X…, qui avait été informé de son état et des risques qu’il encourrait, information dont il était en mesure de comprendre la portée étant lui-même professionnel de la santé ; qu’il s’ensuit qu’à défaut de faute établie à son encontre, la responsabilité du Dr. Y… n’est pas engagée, qu’en conséquence aucune condamnation ne peut être mise à sa charge ;

ALORS, D’UNE PART, QUE M. X… faisait valoir à la page 7 de ses conclusions d’appel que le Dr. Y… avait commis une faute, relevée par l’expert à la page 23 du rapport d’expertise, en n’effectuant pas un nouveau contrôle bactériologique le 8 ou le 9 avril alors même que des indicateurs auraient dû l’y conduire en application des règles de l’art, à savoir une « très nette hyperleucocytose sanguine avec polynucléose » découverte le 7 avril et une « forte perturbation de la cytologie urinaire » le 8 avril ; qu’en omettant totalement de s’exprimer sur cette faute du praticien relevée par l’expert et invoquée par la victime, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le médecin doit tout mettre en oeuvre pour convaincre son patient d’accepter les soins indispensables, au besoin en faisant appel à un autre membre du corps médical ; qu’ainsi que l’expert l’a relevé (rapport d’expertise p. 24) et que la victime le faisait valoir (conclusions d’appel p.8 et 9), le fait de ne pas lui remettre un compte rendu ou une lettre de sortie, synthèse médicale permettant d’assurer son suivi et ainsi faciliter une indispensable prise en charge médicale à sa sortie de la clinique constitue une faute professionnelle, même en l’absence de médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article L.1111-4 du Code de la santé publique.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:C100026

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 10 avril 2013

[collapse]

Source : Legifrance

cœur

Amiante: délai de prescription du préjudice d’anxiété

Les victimes de l’amiante sollicitent leur indemnisation généralement plusieurs années après leur départ de l’entreprise.

Se pose alors la problématique de la prescription de leur action.

Dans cet arrêt portant sur la réparation du préjudice d’anxiété subi par des salariés exposés à l’amiante, la Cour de cassation est venue préciser ce délai.

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait rejeté les demandes des salariés au motif que “les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud’homale, resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates.

Dans son arrêt du 19 novembre 2014 la Chambre sociale a rappelé que “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer“.

Elle a ajouté que, les salariés n’ont eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété qu’à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit leur activité (en l’espèce une activité de réparation et de construction navale) sur la liste des bénéficiaires de l’ACAATA (Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante).

Dès lors, le délai de prescription quinquennal court au jour de l’arrêté ministériel, qui constitue le jour à compter duquel les salariés ont eu connaissance du risque pour leur santé que présentait leur activité professionnelle.

Cass. soc., 19 novembre 2014 -n° 13-19263

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° H 13-19.263 à T 13-29.273 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X… et dix autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat, sur des périodes allant de novembre 1965 à décembre 1978, par la société des Chantiers navals de La Ciotat (CNC) dont l’activité chantiers navals a été reprise le 3 novembre 1982 par la société les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (ci-après Normed), nouveau nom de la société de Participations et de constructions navales ( SPCN) dans le cadre d’une cession partielle d’actif, l’apport étant placé sous le régime juridique des scissions ; que la Normed a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989 ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l’activité de réparation et de construction navale de la Normed a été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) au profit des salariés concernés pour la période comprise entre 1946 et 1989 ; que les salariés ont saisi la juridiction prud’homale le 19 septembre 2011 d’une demande en réparation de leur préjudice d’anxiété et de bouleversement dans les conditions d’existence à l’encontre du liquidateur de la Normed et de l’AGS-CGEA ;

Lire la suite



Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d’apport, l’apport partiel d’actif emporte lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport ;

Attendu que pour déclarer les salariés irrecevables en leurs demandes, les arrêts retiennent qu’il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN, devenue la Normed a repris sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des seuls contrats de travail transférés dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail ; que les salariés ayant cessé leur activité antérieurement à 1982 n’ont jamais été salariés de la société Normed et que celle-ci n’a pas repris les obligations contractées par le précédent employeur dont les contrats de travail ne lui ont pas été transférés ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés du transfert légal des contrats de travail en cours, sans qu’il résulte de ses constatations que l’obligation était étrangère à la branche d’activité apportée ou expressément exclue par le traité d’apport, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l’article 26-II de cette même loi et l’article 2224 du code civil ;

Attendu que les arrêts retiennent qu’en admettant que la Normed soit tenue de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud’homale, resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;

Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que les salariés, bénéficiaires de l’ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit l’activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’ils rejettent l’exception d’incompétence, les arrêts rendus le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y… ès qualités de mandataire judiciaire de la société Normed, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y…, ès qualités, à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X… et les dix autres demandeurs aux pourvois n° H 13-19.263 à T 13-29.273

Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR déclaré irrecevables les demandes des salariés tendant à ce que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société LA NORMED des créances de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété et du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d’existence et à ce que les arrêts soient déclarés opposables à l’AGS-CGEA ;

AUX MOTIFS QUE il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN (devenue LA NORMED) avait repris, sans recours contre la société apporteuse, les obligations contractées par cette dernière pour les seuls contrats de travail transférés à la SPCN (devenue LA NORMED) dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail alors applicables ; que les certificats de travail produits aux débats démontrent que les contrats de travail avaient définitivement pris fin entre 1969 et 1978 ; que dans ces conditions, LA NORMED n’avait pas pu poursuivre le contrat de travail rompu antérieurement à la reprise par elle de l’activité de la société CNC ; que les demandes dirigées contre LA NORMED s’avèrent dès lors irrecevables, cette dernière n’ayant jamais été l’employeur de cette dernière ; qu’au demeurant, en admettant que LA NORMED serait tenue, même en l’absence de clause de garantie du passif, de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, il en résulterait, compte tenu, de la date de la rupture des contrats de travail et de celle de la saisine du conseil de prud’hommes, que les demandes dirigées contre LA NORMED resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;

1/ ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d’apport, en cas d’apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions, la transmission universelle des biens, droits et obligations rattachés à la branche d’activité apporté s’opère de plein droit, quand bien même, par suite d’une erreur, d’un oubli ou de toute autre cause, le bien, droit ou obligation ne figurerait pas dans le traité d’apport ; qu’en refusant de considérer que les obligations nées des contrats de travail conclus avec la société CNC et rompus avant la date de l’apport d’actif avaient été transmises de plein droit à la société SPCN, la cour d’appel a violé l’article L. 236-3 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil ;

2/ ALORS QUE, à tout le moins, en retenant que l’article 11, alinéa 1er, du traité d’apport partiel d’actif avait limité la transmission à la société bénéficiaire des droits et obligations nés des contrats de travail en cours à la date de réalisation de l’apport, quand cette clause n’était que le rappel de l’article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail alors applicable et le principe de transmission universelle de l’actif et du passif se rattachant à la division navale apportée était stipulé à l’article 1er du paragraphe II, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis du traité d’apport partiel d’actif signé le 3 novembre 1982 ;

3/ ALORS QUE, enfin, que le délai de prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; qu’en retenant comme point de départ de ce délai la date de rupture du contrat de travail des salariés qui ne peut correspondre à la date à laquelle s’est réalisé le préjudice des salariés née d’une situation d’inquiétude permanente de développer une maladie liée à l’amiante, la cour d’appel a violé l’article 2262 du code civil.

[collapse]