dopage

Juge d’instruction et dossier médical : pouvoirs du juge

doping-271623_1280Le juge d’instruction est autorisé à faire examiner un dossier médical sans l’accord de l’intéressé par voie d’expertise.

A l’origine des faits la mise en examen d’un entraîneur et compagne d’une athlète de haut niveau, mis en examen pour importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementation sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, important de produits dopants sans raison médicale.

Le juge d’instruction a fait analyser par un expert le dossier médical de l’athlète aux fins de recherche d’anomalies susceptibles d’e^tre en lien avec les produits dopants.

Le requérant estimait que la consultation d’un dossier médical est une ingérence dans le vie privée, que l’autorisation du patient était nécessaire et que l’expertise, soumise à un pharmacien, non soumis au secret professionnel des médecins, était une violation dudit secret et avait saisit la chambre d’instruction puis la Cour de cassation.

Celle-ci considère (Cass, Crim, 24 novembre 2015, pourvoi n° 15-83349) que le magistrat n’a pas excédé ses pouvoirs car aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mis en examen ou de témoin assisté, ni qu’elle consente à l’examen de son dossier, que l’expertise était soumise au principe du contradictoire et proportionné au but poursuivi et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux.

La Cour rejette ainsi le pourvoi.

Source : Legifrance

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Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 novembre 2015
N° de pourvoi: 15-83349
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Patrice X…,


contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de GRENOBLE, en date du 8 avril 2015, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 novembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juillet 2015, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 et 226-14 du code pénal, 80, 156 et suivants, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité présentée par M. X… portant sur l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme Jeannie C…, ainsi que de toutes les pièces dont elle est le support ;

” aux motifs qu’en application de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ; qu’en l’espèce, saisi des faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique, d’infractions aux règlements sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses et d’importation de substance ou procédé interdit aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale (dopage), le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, compagne du mis en examen et athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; qu’aucun texte du code de procédure pénale n’impose le placement d’une personne sous le statut de témoin assisté ou de mis en examen préalablement à la réalisation d’une telle expertise ; qu’aucun texte n’impose davantage que soit recueilli, préalablement à la réalisation d’une expertise médicale ou biologique ordonnée par le magistrat instructeur dans le cadre des faits dont il est saisi, l’avis ou l’autorisation de la personne concernée par les éléments soumis à ladite expertise ; qu’une telle expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni l’article 8 de ladite convention sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

” 1°) alors que la consultation d’un dossier médical constitue une ingérence dans la vie privée qui n’est compatible avec les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition d’être prévue par une loi suffisamment claire et précise pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à une telle mesure ; que l’article 81 du code de procédure pénale, qui permet au juge d’instruction de procéder à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité ne peut conférer une base légale suffisante à cette mesure litigieuse ; que, dès lors, en rejetant la demande de nullité de l’ordonnance aux fins d’expertises du dossier médical et biologique de Mme C…, en relevant qu’elle était suffisamment justifiée par l’article 81 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

” 2°) alors que le juge pénal ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique l’y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l’expert une mission qui porte atteinte au secret médical sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable du patient concerné, qui n’est pas partie à la procédure ; qu’en l’espèce, le juge d’instruction a ordonné la saisie du dossier médical de Mme C… et sa remise à un expert aux fins qu’il indique si des anomalies ressortant de l’étude dudit dossier étaient susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO, sans subordonner l’exécution de cette mission à l’autorisation préalable de Mme C… laquelle, faute d’être partie à la procédure, n’a pas accès à l’expertise faite sur son propre dossier et n’a aucune possibilité de faire des observations ; que ce faisant, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés, particulièrement la protection de la vie privée et l’exercice des droits de la défense ;

3°) alors que lorsque le juge d’instruction décide de recourir à une expertise pour consulter un dossier médical, l’expert doit être soumis au même secret professionnel que la personne ayant établi ledit dossier ; qu’en refusant d’annuler l’ordonnance ayant désigné, pour procéder à l’expertise du dossier médical de Mme C…, un expert, pharmacien, qui n’était pas soumis au secret professionnel des médecins, la chambre de l’instruction a de nouveau violé les textes et principes susvisés ” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d’une information ouverte le 10 février 2012, M. Patrice X…, mari et entraîneur de Mme Jeannie C…, a été mis en examen des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants ; que, par ordonnance du 26 mai 2014, le juge d’instruction a ordonné une expertise aux fins d’analyser le dossier médical de Mme C… saisi dans les locaux de la Fédération française de cyclisme ; que, le 31 décembre 2014, M. X… a déposé une demande aux fins d’annulation de pièces de la procédure ;

Attendu que, pour rejeter la requête, l’arrêt retient que le magistrat instructeur n’a pas excédé les limites de sa saisine en faisant analyser par voie d’expertise le dossier médical de Mme C…, athlète de haut niveau, aux fins de recherche d’anomalies éventuelles susceptibles d’être en lien avec la prise de produits dopants et particulièrement d’EPO ; que les juges ajoutent qu’aucun texte n’impose que la personne concernée par l’expertise ait la qualité de mise en examen ou de témoin assisté ni qu’elle formule un avis ou donne son autorisation à la réalisation de l’acte ; qu’ils concluent que l’expertise, soumise aux règles du contradictoire et proportionnée au but poursuivi, ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable, ni son article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors qu’en vertu des articles 81, 156 et suivants du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut ordonner une expertise ayant pour objet des constatations d’ordre technique nécessitant la communication et l’examen de pièces utiles à la manifestation de la vérité, et que les dispositions relatives au secret imposé aux professionnels de santé ne font pas obstacle à la désignation d’un expert pharmacien pour examiner un dossier contenant des renseignements médicaux et détenu par une fédération sportive investie de prérogatives de puissance publique en matière de lutte contre le dopage ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre novembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:CR05805

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble , du 8 avril 2015

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médecin

Secret médical : il pèse en quasi toute circonstance !!

cardiac-217140_1280Le Conseil d’Etat a été amené, dans une décision du 17 juin 2015 (requête n° 385924), à rappeler que le secret médical père sur le médecin en toute circonstance 

Le Conseil d’Etat avait été saisi  par un médecin afin d’annulation d’une décision rendue par la Chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins sur appel du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Loire.

Quels étaient les faits?

Mme D. s’était rendue chez son médecin, Mme B qui avait un cabinet commun avec son mari, M. B. En attendant sa consultation avec Mme B, Mme D avait confié à M. B, au niveau du secrétariat commun aux deux médecins, les résultats d’un examen gynécologique pour lequel elle venait consulter son épouse.

Mme D. et le couple de médecins étaient par ailleurs amis de longue date.

Quelques temps après cet échange dans le secrétariat, M. B a informé un proche de Mme D. afin de l’inviter à se faire soigner lui aussi.

La chambre disciplinaire a considéré que Mme D. s’était adressée à M. B en tant que médecin, même s’ils avaient des relations amicales anciennes et qu’il n’était pas son médecin habituel. Par conséquent, leur échange, même en dehors du cabinet à proprement parler, était couvert par le secret médical qui couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin, c’est à dire ce qui lui est confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu, compris.

La Chambre a retenu une violation du secret médical et a condamné M. B à l’interdiction d’exercer pendant 3 mois.

M. B a donc saisi le Conseil d’Etat en vue de voir annuler la décision.

Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi, considérant que la qualification des faits était exact et la sanction non hors de proportion avec les faits retenus.

Source : Légifrance

Pour lire l’arrêt :

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Conseil d’État

N° 385924   
ECLI:FR:CESJS:2015:385924.20150617
Inédit au recueil Lebon
4ème SSJS
M. David Moreau, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

lecture du mercredi 17 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire a transmis à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins de Rhône Alpes, en s’y associant, la plainte déposée par Mme A…D…à l’encontre de M. C… B…. Par une décision du 23 janvier 2013, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté ces plaintes.

Par une décision n° 11888 du 24 septembre 2014, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a, sur appel du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins, d’une part, de MmeD…, d’autre part, annulé cette décision et infligé à M. B…la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois à compter du 1er janvier 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 24 novembre 2014, 22 décembre 2014 et 18 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge solidaire du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.B…, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l’ordre des médecins et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Mme D… ;

1. Considérant qu’il ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée que Mme D…s’est rendue le 23 décembre 2011 au cabinet médical commun à M. et Mme B…pour consulter cette dernière ; qu’en attendant la consultation elle s’est trouvée, dans le secrétariat commun du cabinet, en présence de M. B…à qui elle a confié les résultats d’un examen gynécologique qu’elle venait de subir et qui motivait sa visite ; qu’il ressort des mêmes énonciations que, quelques jours après cet échange, M. B…a informé un proche de Mme D…des résultats de l’examen dont celle-ci lui avait fait part, en vue de l’inviter à se faire soigner lui aussi ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : ” Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (…) ” ; qu’aux termes de l’article R. 4127-4 du même code : ” Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ” ; que le secret institué par ces dispositions s’étend à toute information de caractère personnel confiée à un praticien par son patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice ;

3. Considérant que la chambre disciplinaire nationale n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que Mme D… s’était adressée à M. B… en sa qualité de médecin, alors même qu’il avait des relations amicales anciennes avec Mme D…, que leur échange avait eu lieu en dehors de son cabinet et que celle-ci n’était pas venue le consulter ;

4. Considérant qu’il résulte, dès lors, de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu’en jugeant que le secret médical couvrait ces informations confiées à M. B… en tant que médecin, même s’il n’était pas le médecin habituel de Mme D…, et que ce dernier avait par suite, en les révélant à un tiers, méconnu l’obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale n’a pas commis d’erreur de droit ;

5. Considérant enfin que, alors même que M. B… aurait eu une intention prophylactique en communiquant ces informations et que Mme D… les aurait elle-même révélées à d’autres tiers, la sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois prononcée à son encontre n’est pas hors de proportion avec les faits retenus ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B… doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de M. B…la somme que demande Mme D…au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de M. B…est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C…B…, à Mme A…D…, au conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire et au Conseil national de l’ordre des médecins.

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