travaux logement

Frais de logement adaptés

 

Frais de logement adaptés

 
Il appartient aux juges du fond d’examiner, dans leur appréciation souveraine, les éléments de preuve produits par la victime pour en déduire que les frais d’acquisition et d’aménagements de la maison exposés par elle étaient en relation directe avec l’accident et devaient être pris en charge en totalité par le responsable, indépendamment de l’économie réalisée par le non-paiement d’un loyer et de la réalisation d’un placement immobilier.

Dans le cas d’espèce soumis à la Cour de cassation, l’appartement loué par la victime après son accident n’était pas adapté à son handicap.

Le caractère provisoire d’une location ne permettait pas de faire les aménagements nécessaires.

Aussi avait-elle dû acquérir un terrain et à y faire construire une maison comportant des aménagements motivés par ses séquelles physiques. Pour les juges, les factures concernant la maison étaient toutes justifiées par le handicap de la victime.

 

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 février 2015
N° de pourvoi: 14-16015
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Flise (président), président
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)


Texte intégral

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été victime en 2011 d’un accident de la circulation alors qu’elle était passagère d’un véhicule conduit par M. Y… ; qu’à la suite de l’annulation du contrat d’assurance liant celui-ci à son assureur, Mme X… a fait assigner en indemnisation de ses préjudices M. Y…, en présence du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et de la caisse primaire d’assurance maladie du Tarn ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le FGAO fait grief à l’arrêt d’allouer à Mme X… une certaine somme au titre des frais de logement adapté, alors, selon le moyen, que l’indemnisation allouée à la victime doit réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que le préjudice lié aux frais de logement adapté, correspondant aux dépenses que la victime handicapée doit exposer pour bénéficier d’un habitat en adéquation avec son handicap, ne saurait être indemnisé sans tenir compte des sommes que la victime aurait de toute façon dû débourser pour se loger, si elle n’avait pas subi de handicap ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l’article 1382 du code civil et l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l’appartement loué par Mme X… après l’accident, afin d’être indépendante et de ne plus habiter chez ses parents qui l’avaient hébergée jusque-là, n’était pas adapté au handicap causé par celui-ci ; que cet handicap avait rendu nécessaires des aménagements incompatibles avec le caractère provisoire d’une location ; que les conséquences dommageables de l’accident l’avaient contrainte à acquérir un terrain et à y faire construire une maison comportant des aménagements motivés par ses séquelles physiques ; que les factures concernant la maison étaient toutes justifiées par le handicap de Mme X… ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve produits aux débats, la cour d’appel a pu déduire que les frais d’acquisition et d’aménagements de la maison exposés par la victime étaient en relation directe avec l’accident et devaient être pris en charge en totalité par M. Y…, indépendamment de l’économie réalisée par le non-paiement d’un loyer et de la réalisation d’un placement immobilier ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 421-1 III et R. 421-1 du code des assurances ;

Attendu, selon ces textes, que le FGAO paie les indemnités dues aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l’accident ouvre droit à réparation ; qu’en raison du caractère subsidiaire de cette mission le FGAO ne peut être condamné au paiement des dépens qui ne figurent pas au rang des charges qu’il est tenu d’assurer ;

Attendu que l’arrêt met les dépens d’appel à la charge du FGAO ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ayant mis les dépens d’appel à la charge du FGAO, l’arrêt rendu le 11 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Met les dépens d’appel à la charge de M. Y… ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par confirmation du jugement entrepris, alloué à Mme X… la somme de 335 786, 01 euros au titre des frais de logement adapté ;

Aux motifs propres que « l’auteur responsable d’une infraction est tenu de réparer intégralement les conséquences du dommage qu’il a causé à la victime, incluant les frais d’aménagement d’un logement adapté au handicap de la victime ; que les frais de logement adapté incluent non seulement l’aménagement du domicile mais aussi le surcoût découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté au handicap ; que le principe de l’acquisition d’un logement est admis à condition qu’il existe un lien de causalité entre cette acquisition et l’accident ; que même en l’absence d’accident la victime aurait été dans l’obligation de se 1oger et elle est en droit de choisir son lieu de vie ; qu’en l’espèce Mademoiselle Virginie X… reste atteinte d’une tétraplégie sensitivo-motrice qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant et la Cour d’appel, dans son arrêt en date du 6 juin 2005 a condamné Monsieur David Y… à réparer intégralement son préjudice et a réservé le poste d’aménagement du logement de la victime, qui âgée de seulement 18 ans demeurait encore chez ses parents ; qu’il résulte des débats que Virginie X…, lorsqu’elle a souhaité vivre de façon indépendante, a loué un appartement qui n’était pas adapté à son handicap car il était situé au premier étage d’un immeuble sans ascenseur ne comportant aucun aménagement spécifique ; qu’il ne peut lui être reproché d’avoir voulu faire l’acquisition d’un terrain pour y faire construire une maison aménagée à son handicap alors que l’aménagement d’un appartement en location est soumis au bon vouloir du propriétaire et qu’il n’existe, nonobstant la législation, que très peu de logements aménagés sur te marché ; que les aménagements ne correspondraient pas nécessairement aux besoins spécifiques de Mademoiselle X… et qu’il s’agit d’un mode de logement précaire ; qu’il convient de faire droit à la demande de Virginie X… d’acquisition d’un terrain et de construction d’une maison, ce qui permet de lui assurer un logement pérenne avec un aménagement adapté à son handicap, cette demande étant en lien direct avec les conséquences dommageables de l’accident ; que Mademoiselle Virginie X… verse aux débats l’intégralité des factures concernant la maison qu’elle a fait construire et il n’y a pas lieu de recourir à une mesure d’expertise, la cour étant suffisamment informée sur l’importance et la nature des travaux ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime est, comme l’a justement souligné le premier juge, indépendant de l’économie réalisée par le non-paiement d’un loyer et de la réalisation d’un placement immobilier » (arrêt attaqué, p. 4, § 6 à p. 5, § 4) ;

Et aux motifs réputés adoptés du premier juge que « l’indemnisation de la victime d’un fait dommageable repose sur le principe de la réparation intégrale des dommages causés ; que l’auteur d’un délit ou d’un quasi-délit est donc tenu à la réparation intégrale du dommage incluant les frais d’aménagement d’un logement adapté au handicap de la victime ; que cet aménagement du logement doit s’entendre de la mise en oeuvre des moyens permettant à la victime de se loger de manière adaptée en ce compris, le cas échéant, l’acquisition d’un bien immobilier ; que la prise en charge du coût de ces aménagements par le responsable est subordonnée à l’existence d’un lien de causalité direct avec le handicap de la victime ; que cette dernière doit ainsi démontrer que l’acquisition ou la construction d’un logement adapté a été rendu nécessaire du fait de son handicap, conséquence d’un fait dommageable ; qu’en l’espèce, ces principes doivent permettre à Mademoiselle Virginie X…, atteinte d’une tétraplégie sensitivo-motrice l’obligeant à se déplacer exclusivement en fauteuil roulant, de retrouver une autonomie comparable à celle dont elle bénéficiait antérieurement à l’accident ; que la Cour d’appel de Toulouse, dans son arrêt du 6 juin 2005, a reconnu Monsieur David Y… civilement responsable et l’a condamné à réparer intégralement le préjudice subi par la demanderesse, en ce compris les aménagements nécessaires de son logement ; que cette décision a réservé les droits de la victime sur ce poste de préjudice en raison de sa situation personnelle au moment où elle a statué : Mademoiselle Virginie X… a été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle était âgée de 18 ans et qu’elle était encore hébergée chez ses parents ; qu’il ressort des attestations produites par la demanderesse, notamment celles de Messieurs Frédéric Z…, Raymond A… et Olivier B…, qu’antérieurement à l’acquisition de son logement actuel, elle résidait dans un appartement non adapté à son lourd handicap puisque situé notamment au premier étage d’un immeuble sans ascenseur ; que ce logement était également occupé en vertu d’un contrat de location ; qu’il ne saurait dès lors lui être reproché d’avoir souhaité acquérir un terrain sur lequel elle a fait construire un immeuble aménagé à son handicap alors que l’aménagement d’un immeuble en location est soumis au bon vouloir du propriétaire, doit être renouvelé à chaque changement de résidence et est, de ce fait, précaire ; qu’il résulte de ce qui précède que l’usage d’un fauteuil roulant et l’impossibilité d’aménager de façon pérenne le logement loué ont rendu nécessaires le changement de domicile, l’acquisition et la construction par Mademoiselle Virginie X… de son logement actuel ; qu’il convient en conséquence d’accueillir la demande d’indemnisation formée par Mademoiselle Virginie X… au titre de l’acquisition et la construction de son immeuble adapté à son handicap ; que le juge peut ordonner une expertise, lorsque des éclaircissements lui sont nécessaires pour trancher un litige ; qu’en l’espèce, vu les pièces versées aux débats par Mademoiselle Virginie X…, le Tribunal dispose de tous les éléments nécessaires à l’évaluation du préjudice qu’elle a subi ; que par conséquent, il convient de rejeter la demande d’expertise formulée par le fonds de garantie ; qu’en outre, le principe de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime est indépendant à la fois de l’économie réalisée par le non-paiement d’un loyer et de la réalisation d’un placement immobilier ; que par ailleurs, l’indemnisation du préjudice économique ou de la perte de revenus est également distincte de celle liée à l’aménagement du logement ; que cette indemnisation vise uniquement à compenser la perte subie par la victime en raison de son préjudice ; qu’elle ne peut donc être minorée en raison des considérations sus mentionnées ; que la prise en charge du coût de l’acquisition et de l’aménagement du logement doit donc entièrement peser sur le responsable ; qu’en l’espèce, la seule contestation du fonds de garantie porte sur le principe de l’entière indemnisation et non sur le montant ni l’étendue des travaux réalisés rendus nécessaires au regard du handicap de la demanderesse ; qu’or, le principe de l’indemnisation du logement adapté est acquis à Mademoiselle Virginie X… ; qu’en outre, ni la construction de l’immeuble de la demanderesse rendue nécessaire du fait de son handicap, ni le fait que la victime ne paye plus de loyers à vie du fait de son accession à la propriété ne sauraient justifier une diminution de cette indemnisation ; qu’il ressort de l’acte d’acquisition du terrain et des diverses factures produites que le montant de l’indemnisation se décompose comme suit :
-67 000 euros au titre de l’acquisition du terrain,
-71 456, 25 euros au titre de la construction du logement adapté au handicap de la blessée,
-86 019, 50 euros au titre des aménagements extérieurs,
– et 111 310, 26 euros au titre des aménagements intérieurs,
soit une somme totale de 335 786, 01 euros ; qu’il convient en conséquence de condamner Monsieur David Y…, reconnu civilement responsable par la Cour d’appel de TOULOUSE dans son arrêt du 6 juin 2005, à indemniser le préjudice subi par Mademoiselle Virginie X… à hauteur de ce montant ; que le présent jugement sera déclaré opposable au fonds de garantie » (jugement entrepris, p. 6, § 4 à p. 8, § 7) ;

Alors que l’indemnisation allouée à la victime doit réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que le préjudice lié aux frais de logement adapté, correspondant aux dépenses que la victime handicapée doit exposer pour bénéficier d’un habitat en adéquation avec son handicap, ne saurait être indemnisé sans tenir compte des sommes que la victime aurait de toute façon dû débourser pour se loger, si elle n’avait pas subi de handicap ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l’article 1382 du code civil et l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages aux dépens d’appel ;

Alors que seules peuvent être prises en charge par le FGAO les indemnités dues aux victimes d’accidents de la circulation ; que les dépens ne figurent pas au rang des charges que le FGAO peut être tenu d’assurer ; qu’en condamnant le Fonds de garantie aux dépens d’appel, la cour d’appel a violé les articles L. 421-1 et R. 421-1 du code des assurances.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:C200176

Analyse

Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse , du 11 février 2014

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Source : Légifrance

bactérie

Infection nosocomiale et refus de soins : pas de diminution du droit à indemnisation

Dans une décision du 15 janvier dernier, la Cour de cassation déclare qu’on ne peut limiter la responsabilité d’un établissement de soin au motif que la victime a refusé les traitements proposés. Ces derniers ont été rendus nécessaires à cause de l’infection contractée engageant la responsabilité de l’établissement, ici une clinique.

En l’espèce, la victime avait subi 2 interventions et contracté une infection lors de la seconde. Elle avait refusé les traitements proposés et était sortie puis admise dans un autre établissement en raison d’une dégradation de sa santé.

La Cour d’appel avait limité la responsabilité de la clinique au motif que la victime avait refusé de se soumettre aux traitements proposés.

La Cour casse l’arrêt au visa des articles L. 1142-1 et L.1111-4 du Code de la santé publique : le refus de soin ne peut entraîner une diminution du droit à indemnisation.

 

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 15 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-21180
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


 

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :



Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, qui avait subi deux interventions chirurgicales pratiquées à la Clinique Bel Air par M. Y…, urologue, a présenté, à la suite de la seconde, en date du 4 avril 2005, une hyperthermie indiquant un état infectieux, qu’ayant refusé tout traitement à compter du 7 avril, il a quitté l’établissement deux jours plus tard pour réintégrer son domicile, contre avis médical, que, son état s’étant aggravé, il a été admis, au mois de mai suivant, dans un autre établissement, où une septicémie par streptocoque a été diagnostiquée, avec des atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au coeur qui ont nécessité plusieurs traitements, que M. X… a assigné en responsabilité la société Clinique chirurgicale Bel Air (la clinique) et M. Y… ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen pris en sa troisième branche :

Vu l’article 16-3 du code civil, ensemble les articles L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique ;

Attendu que le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection ;

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Attendu que pour limiter la responsabilité de la clinique aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. X… si elle avait été « normalement traitée », l’arrêt relève d’abord que si, selon l’expert, le patient, dépourvu de médecin traitant, n’avait pas refusé un transfert vers un autre établissement, quitté la clinique contre avis médical et, de retour chez lui, omis de consulter un autre médecin, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique et interrompus avant d’avoir abouti, aurait permis, dans un délai de quinze à trente jours, de résorber l’infection et d’éviter l’aggravation de son état ; que l’arrêt retient ensuite, distinguant entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation, que les complications de l’infection initiale sont la conséquence du refus par ce patient, pendant plus d’un mois et en raison de ses convictions personnelles, de traitements qui ne revêtaient pas un caractère lourd et pénible ;

Qu’en statuant ainsi, en imputant l’aggravation de l’état de M. X… à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

Met M. Y… hors de cause, sur sa demande ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il limite la condamnation de la Clinique aux souffrances endurées, au déficit fonctionnel temporaire et à la perte de gains professionnels pour la seule période du 4 avril au 4 mai 2005, l’arrêt rendu le 10 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne la société Clinique chirurgicale Bel Air aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir limité la responsabilité de la clinique Bel-Air aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par M. Alain X… si elle avait été « normalement traitée » ;

AUX MOTIFS QU’en l’espèce, il n’y a ni imprévisibilité, ni caractère irrésistible établis concernant le développement d’un germe endogène lors d’une intervention chirurgicale invasive ; que par ailleurs même dans l’hypothèse où une faute serait prouvée à l’encontre du chirurgien, ceci ne constituerait pas une cause étrangère pour la clinique et n’aurait d’effet que dans les rapports entre la clinique et le chirurgien ; que la cause extérieure n’est pas davantage établie dans la mesure où elle s’entend comme un événement extérieur à l’activité de soins de l’établissement ; qu’il s’ensuit qu’est établie la responsabilité sans faute de la clinique Bel Air s’agissant d’une infection nosocomiale contractée dans l’établissement de soins à l’occasion de l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005 ; ¿ ; que les préjudices imputables aux suites normales des soins nécessaires sont ceux d’une résection vésicale par voie endoscopique d’une lésion tumorale ; qu’il n’apparaît pas dans la symptomatologie présentée après l’intervention du 4 avril 2005 de complication ou de préjudice de nature urologique liés à ce geste chirurgical ; que l’expert a indiqué qu’en tenant compte de l’infection développée à la suite de l’intervention, normalement prise en charge immédiatement, celle-ci aurait entraîné une incapacité de travail de 30 jours et n’aurait pas généré de séquelles ; que cependant, il a précisé également que l’ensemble des différents préjudices subis par M. X… et dont il demande réparation, sont en lien direct et certain avec l’infection nosocomiale à point de départ urinaire ; que cette infection est une complication du geste chirurgical pratiqué le 4 avril 2005 par le Docteur Y… à la Clinique Bel Air ; qu’il s’agit d’un aléa thérapeutique ; que cette infection, suspectée dès le 4 avril ne sera bactériologiquement documentée que plus d’un mois plus tard par l’isolement d’une souche de Streptocoque du Groupe B suite aux prélèvements des 9 et 11 mai 2005 et au vu des hémocultures et urocultures, faits à la clinique mutualiste de Pessac ; qu’elle s’est compliquée d’un état septicémique à l’origine de trois localisations secondaires à l’épaule, au foie et au coeur ; que l’expert a procédé à l’évaluation du préjudice subi du fait de la totalité des conséquences de l’infection nosocomiale sans distinguer comme l’a fait le tribunal l’infection initiale et son aggravation, ce qui ne relevait pas de ses attributions ; mais qu’il s’est cependant prononcé sur les conséquences normales de ce type d’infection prise en charge dans les règles de l’art comme il a été rapporté précédemment ; que l’état infectieux de M. X… a été repéré avant sa sortie de la clinique, mais que son origine n’avait pas encore été déterminée ; que si M. X… n’était pas parti contre avis médical, refusant un transfert vers un autre établissement, n’ayant pas de médecin traitant et ne contactant personne à son retour chez lui, selon l’expert, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique Bel Air et interrompus avant d’avoir abouti en raison du départ du patient contre avis médical, aurait permis, dans un délai de 15 à 30 jours maximum de résorber l’infection et donc d’éviter l’aggravation de son état et notamment les localisations secondaires ayant atteint l’épaule, le foie et le coeur ; ¿ ; que le refus de soins du patient est légitime, la loi prévoyant le respect de sa volonté ; mais que dans les circonstances décrites au regard du processus infectieux dont M. X… se plaint, ce refus est à l’origine de son préjudice en aggravation ; qu’il ne peut en tenir l’établissement de santé responsable, même dans le cadre d’une responsabilité sans faute s’agissant d’une infection nosocomiale ; qu’en effet il est établi que l’attitude de M. X…, sous-tendue par ses convictions personnelles sur les médecines naturelles, est indéniablement à l’origine de son refus de soins et par voie de conséquence du retard à la mise en oeuvre d’une thérapeutique adaptée, laquelle appliquée dans les suites immédiates de l’intervention du 4 avril 2005 aurait permis d’éviter les complications infectieuses secondaires ; que l’attitude de M. X… est caractérisée par les éléments suivants dont il a pris la responsabilité étant souligné qu’il est un professionnel de santé étant, kinésithérapeute en exercice au moment des faits : refus de l’antibiothérapie à la Clinique Bel Air à compter du 7 avril 2005, sortie de la Clinique Bel Air en dépit d’un état fébrile et contre avis médical après signature d’une décharge explicite le 8 avril, absence totale de suivi médical pendant près d’un mois malgré des signes cliniques avérés, consultation au bout de 15 jours d’un médecin homéopathe et prise d’un traitement homéopathique, départ en séjour de repos sans aucun autre traitement pendant une dizaine de jours du 27/28 avril au 9 mai 2005 avant sa ré-hospitalisation en urgence dans un état critique le 9 mai 2005 à la clinique mutualiste, alors qu’il avait connaissance des résultats alarmants des examens ordonnés par le docteur Z… le 23 avril 2005 ; que si M. X… était resté à la clinique Bel Air ou avait accepté une hospitalisation dans un autre établissement de soins, comme cela lui a été proposé par le Dr. Y…, en raison de la perte de confiance avec le Dr A… anesthésiste et avec les infirmières, son infection aurait été identifiée plus vite ; que soignée immédiatement de façon appropriée elle se serait résorbée sans la survenance des complications dues à la fixation du germe sur l’épaule, le foie et le coeur ; que cette extension du streptocoque est due à ce que la thérapeutique adaptée n’a pu être mise en oeuvre que plus d’un mois après le début de l’infection, en raison du refus de M. X… de poursuivre les investigations et soins en cours ; qu’il y a lieu de distinguer entre réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation du dommage ; que le refus de soins de Monsieur X… devant être considéré comme une négligence au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, dès lors que les soins qu’il a refusés n’avaient pas un caractère lourd et pénible pouvant justifier qu’il ne choisisse de s’y soustraire ; qu’en effet il ne s’agissait au moment de son hospitalisation à la clinique Bel Air et dans les suites de l’opération du 4 avril 2005 que d’attendre le résultat probant d’identification du germe infectieux par la poursuite de l’hospitalisation et des analyses biologiques en cours et la mise en place d’un traitement antibiotique adapté ; que pendant le cours même de son séjour à la clinique Bel Air, il a refusé dans un premier temps une deuxième injection de Venofer dès le 6 avril 2005 et le Iendemain, 7 avril, il a refusé l’administration des antibiotiques ; qu’il apparaît donc clairement qu’en raison de convictions personnelles M. X…, préférant les médecines naturelles, bien qu’informé des conséquences de son choix, en présence d’un état infectieux dont le germe n’était pas encore déterminé, a pris le risque de voir aggraver sa pathologie avec toutes les conséquences dommageables pour lui qui en sont découlées ; que c’est en raison de ce contexte et de ces circonstances particulières et eu égard à la capacité de compréhension de l’appelant à raison de sa qualification professionnelle que ne peuvent dès lors être réparées comme imputables à l’infection nosocomiale contractée à la clinique Bel Air que les suites normales de celle-ci sans les complications liées au retard de la mise en oeuvre du traitement adapté ; qu’en effet les complications ne sont imputables ni à la clinique Bel Air au titre de sa responsabilité sans faute, encore moins au Dr Y… à l’encontre duquel n’a été établie aucune faute dans le suivi post-opératoire, dans la mesure où ils n’ont pas été en capacité de poursuivre les soins et investigations en cours pour identifier l’origine de l’état infectieux ; que ces complications résultant de l’absence de traitement de l’infection pendant plus d’un mois sont en lien avec l’attitude de l’appelant constitutive de négligence, étant encore souligné qu’en tant que professionnel de la santé il était en mesure de comprendre les informations données sur son état de santé et les risques encourus et par voie de conséquence la portée de sa décision ; qu’il s’ensuit que M. X… ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale normalement traitée dans les suites de l’intervention du 4 avril 2005 à la clinique Bel Air ; que celle-ci sera, dès lors, condamnée à n’indemniser que cette partie du préjudice de M. X… ;

ALORS, D’UNE PART, QU’ en vertu de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, les établissements de soin sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales survenus en leur sein, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; que selon les constatations de la Cour d’appel, la clinique Bel Air était, en l’absence de toute cause étrangère, responsable de l’infection nosocomiale de M. X… ; que dès lors, il résulte du texte précité qu’elle était responsable de l’intégralité des dommages résultant de cette infection nosocomiale ; qu’en décidant qu’une faute de négligence de la victime ¿ ne présentant aucun des caractères de la force majeure – pouvait néanmoins conduire à écarter cette responsabilité s’agissant des dommages consécutifs à l’aggravation de l’infection nosocomiale, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences préjudiciables et la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt de celui-ci ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a reproché à M. X… d’avoir refusé de suivre les préconisations médicales qui lui auraient permis de limiter son préjudice et a, en conséquence, décidé de limiter l’indemnisation allouée aux seuls préjudices qu’il aurait subis s’il avait accepté de se conformer aux recommandations médicales ; qu’en statuant ainsi, alors que M. X… n’était pas tenu de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable et qu’il pouvait prétendre à l’intégralité de la réparation de celui-ci, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1382 du Code civil ;

ALORS, EGALEMENT, QUE le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale, de se soumettre aux traitements médicaux préconisés, dès lors qu’elle n’a pas l’obligation de les suivre, ne peut entraîner ni la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité du préjudice subi à ce titre, ni la prise en compte d’une aggravation susceptible de découler d’un tel choix ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1142-1 du Code de la santé public, 16-3 et 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir jugé que le Dr. Y… n’avait commis aucune faute à l’occasion de l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 ainsi que dans le suivi post-opératoire de M. Alain X… et d’avoir en conséquence débouté ce dernier de ses demandes à l’égard du Dr Y… ;

AUX MOTIFS QUE l’expert reproche au Dr Y… de ne pas avoir remis à M. X… pour son médecin traitant, un compte rendu opératoire détaillé et des informations sur son état fébrile et l’infection à suivre, tout en constatant qu’il n’avait pas de médecin traitant ; qu’il indique néanmoins que le Dr Y… aurait dû faire une telle lettre sans en-tête, puisque M. X… n’avait pas alors de médecin traitant, lettre que ce dernier aurait pu remettre dès sa décision de consulter un médecin ; ¿ ; qu’il n’est pas soutenu par M. X… que le docteur Y… ait manqué à son devoir d’information ni que M. X… n’ait pas compris la portée des informations complètes qui lui ont été données que ce soit avant pendant ou après l’intervention chirurgicale du 4 avril 2005 ; qu’il est établi que M. X… n’a donné aucune coordonnée de médecin traitant, ni lors de son admission à la clinique Bel Air ni lors de sa sortie contre avis médical ; qu’il ressort du dossier que M. X… a signé la veille de sa sortie l’attestation suivante : “Je soussigné Monsieur X… Alain, hospitalisé dans l’établissement, reconnaît avoir été informé que: * mon état de santé nécessite un maintien de mon séjour * mon état de santé nécessite des soins Mais décide, en toute connaissance de cause: * de vouloir interrompre mon séjour Fait à Bordeaux le 8 avril 2005 ” ; que lors de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, le Dr Y… après avoir tenté de convaincre M. X… de rester hospitalisé ou d’être transféré dans un autre établissement de soins, lui a remis directement tous les éléments médicaux relatifs à l’intervention chirurgicale et à ses suites c’est à dire les résultats d’analyse démontrant l’existence d’un état infectieux, dont l’origine n’était pas encore identifiée, se traduisant par une hypothermie persistante ; qu’il lui a remis également une ordonnance pour la poursuite du traitement antibiotique pendant 15 jours ; que le reproche fait par M. X… au Dr Y… d’une prescription d’antibiotique inadaptée à son état à partir du 4 avril 2005, la Neuroxine n’ayant pas effet curatif sur le streptocoque B est infondé car le germe dont il était infecté était en cours de recherche à l’époque et il lui a été administré une antibiothérapie probabiliste dans l’attente de l’identification du germe, laquelle n’a pas pu se faire en raison du refus et du départ du patient ; qu’il ne ressort pas des textes précités que le Dr Y… avait l’obligation de remettre une note à M. X… qui n’avait pas de médecin traitant ; qu’il s’ensuit qu’on ne peut donc pas faire grief au Dr Y… de n’avoir pas remis à M. X… au moment de sa sortie contre avis médical le 9 avril 2005, une lettre pour son médecin traitant, dès lors que le patient n’avait pas de médecin traitant à ce moment là ; que dès que le Dr Y… a été informé par son patient, lors de la communication téléphonique du 26 avril 2005 de l’aggravation de son état et que ce dernier lui a communiqué le nom du Dr Z…, le Dr Y… a adressé dès le lendemain, le 27 avril 2005, un courrier détaillé au Dr Z… sur l’intervention pratiquée le 4 avril 2005 et sur ses suites ; ¿ ; que dès lors, il n’est rapporté la preuve d’aucune faute commise par le docteur Y… dans le suivi post-opératoire de son patient compte tenu de la position affirmée de M. X… de ne pas poursuivre l’hospitalisation et son absence de contact avec un médecin traitant à l’époque de sa sortie contre avis médical, le Dr Y… a fait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer le suivi de M. X…, qui avait été informé de son état et des risques qu’il encourrait, information dont il était en mesure de comprendre la portée étant lui-même professionnel de la santé ; qu’il s’ensuit qu’à défaut de faute établie à son encontre, la responsabilité du Dr. Y… n’est pas engagée, qu’en conséquence aucune condamnation ne peut être mise à sa charge ;

ALORS, D’UNE PART, QUE M. X… faisait valoir à la page 7 de ses conclusions d’appel que le Dr. Y… avait commis une faute, relevée par l’expert à la page 23 du rapport d’expertise, en n’effectuant pas un nouveau contrôle bactériologique le 8 ou le 9 avril alors même que des indicateurs auraient dû l’y conduire en application des règles de l’art, à savoir une « très nette hyperleucocytose sanguine avec polynucléose » découverte le 7 avril et une « forte perturbation de la cytologie urinaire » le 8 avril ; qu’en omettant totalement de s’exprimer sur cette faute du praticien relevée par l’expert et invoquée par la victime, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le médecin doit tout mettre en oeuvre pour convaincre son patient d’accepter les soins indispensables, au besoin en faisant appel à un autre membre du corps médical ; qu’ainsi que l’expert l’a relevé (rapport d’expertise p. 24) et que la victime le faisait valoir (conclusions d’appel p.8 et 9), le fait de ne pas lui remettre un compte rendu ou une lettre de sortie, synthèse médicale permettant d’assurer son suivi et ainsi faciliter une indispensable prise en charge médicale à sa sortie de la clinique constitue une faute professionnelle, même en l’absence de médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article L.1111-4 du Code de la santé publique.

 


ECLI:FR:CCASS:2015:C100026

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 10 avril 2013

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Source : Legifrance

cœur

Amiante: délai de prescription du préjudice d’anxiété

Les victimes de l’amiante sollicitent leur indemnisation généralement plusieurs années après leur départ de l’entreprise.

Se pose alors la problématique de la prescription de leur action.

Dans cet arrêt portant sur la réparation du préjudice d’anxiété subi par des salariés exposés à l’amiante, la Cour de cassation est venue préciser ce délai.

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait rejeté les demandes des salariés au motif que “les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud’homale, resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates.

Dans son arrêt du 19 novembre 2014 la Chambre sociale a rappelé que “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer“.

Elle a ajouté que, les salariés n’ont eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété qu’à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit leur activité (en l’espèce une activité de réparation et de construction navale) sur la liste des bénéficiaires de l’ACAATA (Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante).

Dès lors, le délai de prescription quinquennal court au jour de l’arrêté ministériel, qui constitue le jour à compter duquel les salariés ont eu connaissance du risque pour leur santé que présentait leur activité professionnelle.

Cass. soc., 19 novembre 2014 -n° 13-19263

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° H 13-19.263 à T 13-29.273 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X… et dix autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat, sur des périodes allant de novembre 1965 à décembre 1978, par la société des Chantiers navals de La Ciotat (CNC) dont l’activité chantiers navals a été reprise le 3 novembre 1982 par la société les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (ci-après Normed), nouveau nom de la société de Participations et de constructions navales ( SPCN) dans le cadre d’une cession partielle d’actif, l’apport étant placé sous le régime juridique des scissions ; que la Normed a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989 ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l’activité de réparation et de construction navale de la Normed a été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) au profit des salariés concernés pour la période comprise entre 1946 et 1989 ; que les salariés ont saisi la juridiction prud’homale le 19 septembre 2011 d’une demande en réparation de leur préjudice d’anxiété et de bouleversement dans les conditions d’existence à l’encontre du liquidateur de la Normed et de l’AGS-CGEA ;

Lire la suite



Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d’apport, l’apport partiel d’actif emporte lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport ;

Attendu que pour déclarer les salariés irrecevables en leurs demandes, les arrêts retiennent qu’il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN, devenue la Normed a repris sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des seuls contrats de travail transférés dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail ; que les salariés ayant cessé leur activité antérieurement à 1982 n’ont jamais été salariés de la société Normed et que celle-ci n’a pas repris les obligations contractées par le précédent employeur dont les contrats de travail ne lui ont pas été transférés ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés du transfert légal des contrats de travail en cours, sans qu’il résulte de ses constatations que l’obligation était étrangère à la branche d’activité apportée ou expressément exclue par le traité d’apport, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l’article 26-II de cette même loi et l’article 2224 du code civil ;

Attendu que les arrêts retiennent qu’en admettant que la Normed soit tenue de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud’homale, resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;

Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que les salariés, bénéficiaires de l’ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit l’activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’ils rejettent l’exception d’incompétence, les arrêts rendus le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y… ès qualités de mandataire judiciaire de la société Normed, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJA, prise en la personne de Mme Y…, ès qualités, à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X… et les dix autres demandeurs aux pourvois n° H 13-19.263 à T 13-29.273

Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR déclaré irrecevables les demandes des salariés tendant à ce que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société LA NORMED des créances de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété et du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d’existence et à ce que les arrêts soient déclarés opposables à l’AGS-CGEA ;

AUX MOTIFS QUE il résulte de l’article 11 du traité d’apport partiel d’actif que la SPCN (devenue LA NORMED) avait repris, sans recours contre la société apporteuse, les obligations contractées par cette dernière pour les seuls contrats de travail transférés à la SPCN (devenue LA NORMED) dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail alors applicables ; que les certificats de travail produits aux débats démontrent que les contrats de travail avaient définitivement pris fin entre 1969 et 1978 ; que dans ces conditions, LA NORMED n’avait pas pu poursuivre le contrat de travail rompu antérieurement à la reprise par elle de l’activité de la société CNC ; que les demandes dirigées contre LA NORMED s’avèrent dès lors irrecevables, cette dernière n’ayant jamais été l’employeur de cette dernière ; qu’au demeurant, en admettant que LA NORMED serait tenue, même en l’absence de clause de garantie du passif, de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, il en résulterait, compte tenu, de la date de la rupture des contrats de travail et de celle de la saisine du conseil de prud’hommes, que les demandes dirigées contre LA NORMED resteraient néanmoins irrecevables par l’effet de la prescription, plus de trente ans s’étant écoulés entre ces deux dates ;

1/ ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d’apport, en cas d’apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions, la transmission universelle des biens, droits et obligations rattachés à la branche d’activité apporté s’opère de plein droit, quand bien même, par suite d’une erreur, d’un oubli ou de toute autre cause, le bien, droit ou obligation ne figurerait pas dans le traité d’apport ; qu’en refusant de considérer que les obligations nées des contrats de travail conclus avec la société CNC et rompus avant la date de l’apport d’actif avaient été transmises de plein droit à la société SPCN, la cour d’appel a violé l’article L. 236-3 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil ;

2/ ALORS QUE, à tout le moins, en retenant que l’article 11, alinéa 1er, du traité d’apport partiel d’actif avait limité la transmission à la société bénéficiaire des droits et obligations nés des contrats de travail en cours à la date de réalisation de l’apport, quand cette clause n’était que le rappel de l’article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail alors applicable et le principe de transmission universelle de l’actif et du passif se rattachant à la division navale apportée était stipulé à l’article 1er du paragraphe II, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis du traité d’apport partiel d’actif signé le 3 novembre 1982 ;

3/ ALORS QUE, enfin, que le délai de prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; qu’en retenant comme point de départ de ce délai la date de rupture du contrat de travail des salariés qui ne peut correspondre à la date à laquelle s’est réalisé le préjudice des salariés née d’une situation d’inquiétude permanente de développer une maladie liée à l’amiante, la cour d’appel a violé l’article 2262 du code civil.

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injection

Fin de vie et obligations légales du praticien : le Conseil d’Etat prend position

Le Président de la République Française a annoncé un débat imminent à l’Assemblée Nationale portant sur la révision de la loi Leonetti concernant la fin de vie des malades.

Deux parlementaires ont en effet formulé des propositions dont la mesure principale consiste en l’instauration d’un droit à une sédation profonde et continue.

Seraient concernés par cette sédation jusqu’à la mort, les malades qui en font la demande dès lors qu’ils sont incurables et conscients.

A cette sédation, serait associé l’arrêt des traitements maintenant en vie.

C’est dans ce contexte où les discussions parlementaires sur la fin de vie sont relancées qu’est intervenue une décision du Conseil d’Etat du 30 décembre 2014.

Un médecin d’Aquitaine a fait appel devant le conseil national de l’ordre des médecins suite à sa radiation du tableau de l’ordre des médecins par la chambre disciplinaire de première instance.

La chambre disciplinaire ayant rejeté l’appel formé, le médecin s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler la décision.

En l’espèce, il était reproché à ce praticien d’avoir délibérément provoqué la mort de plusieurs patients en leur ayant administré diverses substances à base de curare.

La haute juridiction a motivé sa décision en précisant que « si le législateur a, par ces dispositions, entendu que ne saurait être imputé à une faute du médecin le décès d’un patient survenu sous l’effet d’un traitement administré parce qu’il était le seul moyen de soulager ses souffrances, il n’a pas entendu autoriser un médecin à provoquer délibérément le décès d’un patient en fin de vie par l’administration d’une substance létale. »

La circonstance selon laquelle le médecin mis en cause avait agi dans le but de soulager la souffrance physique des patients, n’est pas, selon le Conseil d’Etat, de nature à enlever le caractère fautif aux actes commis.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle fermement les dispositions de l’article R.4127-38 du Code de la santé publique selon lequel « le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort » et rejette par conséquent le pourvoi du praticien.

Il est intéressant d’observer que dans le cadre de sa défense ce dernier a fait valoir que règles de droit interne ne suffisent pas à assurer le respect du principe de dignité humaine et du droit fondamental de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable.

De quoi alimenter le débat de cette rentrée 2015.

Marion HASSAIN

(Références arrêt: CE, 30 décembre 2014, n°381245)

Source : Conseil d’Etat

béquilles

Scolarisation des enfants handicapés

Dans un arrêt du 29 décembre 2014, Le Conseil d’Etat rappelle que le service public de l’Education garantit à tout enfant le droit à une éducation scolaire. Il incombe donc à l’Etat de prendre les mesures nécessaires lorsqu’il s’agit d’enfant handicapé.

La circonstance qu’aucune décision n’ait été prise par la commission des droits et de l’autonomie (MDPH) en raison d’un manque de place ne désengage pas l’Etat de sa responsabilité.
 

Conseil d’État

N° 371707   
ECLI:FR:CESJS:2014:371707.20141229
Inédit au recueil Lebon
4ème sous-section jugeant seule
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
M. Rémi Keller, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

lecture du lundi 29 décembre 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. E…A…demeurant … et Mme D…C…demeurant … ; M. A…et Mme C…demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12VE01049 du 14 mai 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles, à la demande du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, en premier lieu, a annulé le jugement n° 0813919 du 26 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. A…et Mme C…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur fils mineur, B…, condamné l’Etat à leur verser, d’une part, une somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du défaut de scolarisation de leur fils, d’autre part, une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé de ce fait à ce dernier, en second lieu, a rejeté la requête de M. A…et Mme C… ;

Lire la suite

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. A…et de Mme C…;

1. Considérant qu’en vertu des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l’éducation, le service public de l’éducation garantit le droit de tout enfant a une éducation scolaire ; qu’aux termes de l’article L. 112-1 du même code : ” Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. Dans le cadre de son projet personnalisé, si ses besoins nécessitent qu’il reçoive sa formation au sein de dispositifs adaptés, il peut être inscrit dans une autre école ou un autre établissement mentionné à l’article L. 351-1 par l’autorité administrative compétente, sur proposition de son établissement de référence et avec l’accord de ses parents ou de son représentant légal. (…) ” ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L. 351-1 et L. 351-2 du code de l’éducation, les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans l’un des établissements scolaires publics ou sous contrat, le cas échéant dans l’un des établissements spécialisés désigné par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; qu’aux termes des dispositions de l’article L. 146-9 du code de l’action sociales et des familles : ” Une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11.” ;

2. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions, d’une part, que, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu’il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que la carence de l’Etat est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés, celles-ci n’ayant pas un tel objet ; que la seule circonstance que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’a pas prononcé de décision d’orientation de l’enfant handicapé ne saurait décharger l’Etat de sa responsabilité, sans préjudice de la responsabilité d’autres organismes publics, dès lors que cette absence de décision résulte, non du manque de diligence des parents ou responsables légaux de l’enfant, mais de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ;

3. Considérant qu’il ressort du dossier soumis aux juge du fond que B…A…, né le 27 janvier 2000 et atteint d’un handicap mental, a été pris en charge au sein d’un jardin d’éveil puis, à raison de deux matinées par semaine, au sein d’une école maternelle communale, du mois de septembre 2005 à la rentrée scolaire de septembre 2007 ; que M. A…et MmeC…, ses parents, ont saisi la maison départementale des personnes handicapées du Val d’Oise afin d’obtenir une décision d’orientation de la commission des droits des personnes handicapées vers les établissements ou les services en mesure de l’accueillir, eu égard à ses besoins ; que, par courrier du 27 mars 2007, l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées du Val d’Oise a indiqué transmettre le dossier de B…A…à deux instituts médico-éducatifs du département ” pour étude et admission éventuelle ” ; que ces deux établissements ont informé M. A…et Mme C…que leur effectif était complet et qu’ils ne pouvaient scolariser leur enfant ; que, suite au refus de ces deux établissements, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ne s’est pas prononcée sur l’orientation de B…A…, qui n’a pas été scolarisé à la rentrée scolaire 2007 ;

4. Considérant que, dès lors, en jugeant que la seule circonstance que la commission n’avait pas prononcé de décision d’orientation suffisait à établir que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée du fait de l’absence de scolarisation de B…A…à compter du mois de mars 2007, alors que l’absence de décision de la commission résultait de l’insuffisance des structures d’accueil et non du manque de diligence de ses parents, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’analyser les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A…et Mme C…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 14 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A…et Mme C…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E…A…, à Mme D…C…et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.