Fonction publique et harcèlement moral : le Conseil d’Etat rejoint la Cour de cassation

Dans un arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat considère qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail peuvent être à l’origine d’une maladie psychique, même sans volonté de nuire à l’agent.

Dans le cas d’espèce un fonctionnaire avait demandé la reconnaissance de son syndrome dépressif en maladie professionnelle.

Sa dépression serait due au contexte professionnel  : plusieurs sanctions d’exclusion. La commission de réforme avait admis l’imputabilité en reconnaissant que la pathologie était essentiellement causée par le travail. Mais l’employeur (une communauté d’agglomération gérant un EPHAD) l’avait refusée. Le tribunal administratif avait annulé cette décision.

La Cour d’appel considérait quant à elle que la maladie ne pouvait être regardée comme exclusivement résultant de la sanction d’exclusions. La Cour avait retenu que l’agent se serait engagé de longue date dans un processus d’opposition systématique à son employeur, s’opposant à toute évolution du service. Il aurait ainsi rendu les conditions de travail dégradées. L’agent serait à l’origine de l’épuisement professionnel dont il souffrait. Il n’y avait pas de la part de l’employeur une volonté délibérée de porter atteinte à ses droits ou d’altérer sa santé.

Le Conseil d’Etat censure la décision d’appel qui juge que l’absence de volonté délibérée de l’employeur interdit de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie.

Pour la Haute Cour, il appartient “au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée“.

Cette solution était retenue depuis longtemps par la Cour de cassation (Cass, soc, 3 février 2010, 08-40144).

Seul le fait personnel de l’agent, complètement indépendant du travail, permet d’exclure l’imputabilité.

Conseil d’Etat, 13 mars 2019, requête n° 407795

 

Solidarités des pharmaciens d’officine devant les Sections d’Assurance Sociale ?

 

 

Le Conseil d’Etat précise les conditions de responsabilité solidaire devant la section des assurances sociales du Conseil régional de l’Ordre (SAS).

Un pharmacien, exerçant au sein d’une SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), se voit condamné par la section des assurances sociales (SAS) à une interdiction de servir des prestations à des assurés sociaux pendant 12 mois dont 3 avec sursis.

Pour la juridiction, il doit être regardé comme responsable des irrégularités constatées dans l’officine dès lors qu’il a la qualité de pharmacien associé.

Le Conseil d’Etat casse et rappelle que chaque pharmacien exerce personnellement sa profession.

S’il exerce au sein d’une SELARL, il doit répondre des irrégularités entachant l’activité de l’officine à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel de l’un des associés.

Pour le Conseil d’Etat, la juridiction a commis une erreur de droit. En effet elle n’a pas vérifié si les fautes reprochées  étaient exclusivement imputables à l’action personnelle d’un des associés.

CE, 28 mars 2019, requête n° 418350

 

La réparation par une juridiction administrative ne rend pas irrecevable une demande devant la CIVI en cas d’infraction

La Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait considéré  la saisine de la CIVI irrecevable après indemnisation par le tribunal administratif.

Des complications lors d’un accouchement avaient entraîné des lésions cérébrales à l’enfant. La responsabilité de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avait été retenue. Les parents et l’enfant ont été indemnisés après une procédure devant la juridiction administrative.

Les parents, agissant en leur nom et au nom de leur enfant, ont ensuite saisi la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions). Ils souhaitaient voir ordonner une expertise médicale et obtenir le versement de provisions.

La Cour d’appel déclara leur saisine irrecevable même si les faits présentaient bien le caractère matériel d’une infraction. En effet les juges considérèrent que la demande portait sur des préjudices déjà intégralement réparés par les juridictions administratives.

La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel au motif que la commission d’indemnisation des victimes d’infraction fixe “le montant d’indemnité en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie“.

Cour de cassation, Chambre civile 2, 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-13853

Les pertes de gains professionnels : distinctes de l’incidence professionnelle

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 mai 2019, rappelle que les pertes de gains professionnels peuvent constituer un préjudice distinct de l’incidence professionnelle.

Leurs indemnisations respectives peuvent donc se cumuler.

En l’espèce il s’agissait d’une personne victime d’un accident de la route alors qu’il conduisait une moto. Une transaction avait eu lieu quant à l’indemnisation de l’accident initial. La victime avait assigné l’assureur pour une aggravation de son préjudice.

La Cour d’appel d’Angers l’avait indemnisé de ses pertes de gains professionnels par la somme de 103 464 € et celle de 40 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

L”assureur, la GMF, contestait ainsi la décision : l’incidence professionnelle répare la dévalorisation sur le marché du travail, la pénibilité, le fait d’abandonner son emploi pour un autre. Ceci exclut le fait de ne pouvoir retravailler.

En indemnisant la perte de gains futurs et l’incidence professionnelle, la Cour d’appel indemnisait deux fois le même préjudice.

Pour la Cour de cassation, compte tenu des restrictions importantes subies par la victime, le retour à l’emploi était très aléatoire. Aussi, réparer la perte de gains futurs et la perte de chance d’une promotion professionnelle n’étaient pas incompatibles car indemnisant deux postes distincts de préjudice.

Cour de cassation, chambre civile 2, 22 mai 2019, pourvoi n° 18-17560

La preuve de la communication des délais de prescriptions des actions à l’assuré incombe à l’assureur

La Cour de cassation, dans une décision du 18 avril 2019, est venue rappeler les obligations incombant à l’assureur ainsi que les règles en matière de charge de la preuve.

L’article R. 112-1 du Code des assurances précise les mentions obligatoires devant figurer dans une police d’assurance. Dans cette liste se trouve notamment « (…) la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance. »

L’article L. 114-1 du Code des assurances indique qu’en principe « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. »

La Cour de cassation est venue rappeler qu’en vertu de l’article 1353 du Code civil, il incombe à l’assureur de prouver qu’il a effectivement communiqué ces informations à l’assuré.

Elle indique par ailleurs que si l’assureur n’arrive pas à rapporter une telle preuve, la sanction est l’inopposabilité des délais à l’assuré. Cela signifie que ce dernier pourra former une demande d’indemnisation même si le délai de deux ans est dépassé.

En l’espèce, la Cour d’appel avait considéré que les assurés étaient irrecevables, car prescrits, aux motifs qu’ils ne rapportaient pas la preuve que l’assurance ne leur avait pas communiqué les informations prévues à l’article R. 112-1 du Code des assurances. En effet, les assurés n’étaient plus en possession de la police d’assurance.

La Cour de cassation a cassé et annulé la décision d’appel en soulignant qu’il appartient à l’assureur de prouver avoir communiqué une police d’assurance conforme à l’assuré. La Cour d’appel avait donc inversé la charge de la preuve.

Civ. 2ème, 18 avril 2019, F-P+B+I, n° 18-13.938

Par Margaux BESSEAT, élève avocat 

Point information et échanges du 27 juin 2019 : l’infirmière face aux répétitions d’indu et autres procédures

Retour sur le point information et échanges du 27 juin 2019 sur l’infirmière face aux répétitions d’indu et autres procédures. Le powerpoint qui a servi de support est accessible en cliquant ci-dessous.

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L’annonce tardive du décès d’un patient à sa famille est un préjudice autonome

Dans une décision du 12 mars 2019, le Conseil d’Etat a consacré un préjudice moral autonome du préjudice d’affection, celui de l’annonce tardive du décès d’un patient à sa famille et du manque d’empathie de l’établissement hospitalier.

Le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’était pas nécessaire pour la famille d’établir l’existence d’un préjudice que ce retard leur aurait directement causé.

Selon la nomenclature Dintilhac le préjudice d’affection « vise à réparer le préjudice d’affection subi par certains proches de la victime, qu’il s’agisse de parents de la victime directe ou de personnes dépourvues de lien de parenté, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt. »

Il permet de réparer le préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de la victime ainsi que le préjudice moral qu’ils subissent à la suite du décès de la victime directe.

L’annonce tardive du décès est un préjudice moral distinct du préjudice d’affection et qui s’ajoute à ce dernier selon le Conseil d’Etat.

En l’espèce il s’agissait d’un homme dont le décès avait été constaté à 7h45 par le personnel d’un établissement hospitalier.

La famille n’a été informée de ce décès que l’après-midi lorsque le fils du défunt est venu rendre visite à son père. Il lui a été dans le même temps indiqué que le corps de son père avait déjà été transporté à la morgue.

CE 5e chambre, 12 mars 2019, n°417038

Par Margaux BESSEAT, élève avocat 

La prestation de compensation du handicap est-elle déductible des indemnités?

La Cour de cassation a dû se pencher à nouveau sur cette question dans un arrêt du 17 janvier 2019.

Est-il possible de déduire le montant d’une prestation de compensation (visant donc à compenser les besoins d’aide en tierce personne) , alors qu’elle n’a pas encore été versée ni même demandée par la victime, du montant de l’indemnisation due au titre de l’assistance de la tierce personne.

C’est ce que soutenait le Fonds de garantie devant la CIVI.

La Cour de cassation rappelle que la prestation de compensation du handicap n’a rien d’obligatoire et que la victime n’est pas tenue de la demander. D’autre part le Fonds a droit au remboursement des sommes versées si la victime obtient, après indemnisation, une prestation de ce type.

Par conséquent le Fonds n’est pas autorisé à demander la déduction pour le futur  d’une prestation qui n’est plus versée et dont il n’est pas rapportée qu’elle le sera.

Cass, 2ème chambre civile, 17 janvier 2019, pourvoi n° 17-24083

Source : légifrance

L’obligation d’information sur les risques de l’accouchement

La Cour de cassation est venue préciser l’étendue de l’obligation d’information du professionnel de santé relative aux risques de l’accouchement par voie basse. Sa décision a été rendue au visa de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique relatif au droit d’information des usagers du système de santé.

La première chambre civile considère que l’accouchement par voie basse est un événement naturel mais qu’il entre dans le champ d’application de l’article précité. Une information est notamment due lorsqu’il existe un risque connu en cas d’accouchement par cette voie du fait d’une pathologie ou d’antécédents médicaux.

Ainsi, si le professionnel de santé n’informe pas des risques de l’accouchement par voie basse et que le risque se réalise, le défaut d’information cause à celui auquel elle était due un préjudice moral autonome et distinct des atteintes corporelles subies.

En effet la Cour de cassation a mis en avant que « le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un accouchement par voie basse ou un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne ».

La Cour de cassation s’aligne ainsi sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait affirmé une telle solution le 27 juin 2016 (n° 386165, Centre hospitalier de Poitiers).

Civ. 1re, 23 janv. 2019, FS-P+B, n° 18-10.706

Par Margaux BESSEAT, élève avocat 

Point information et échanges du 7 mars 2019 : la responsabilité de l’infirmière

Retour sur le point information et échanges du 7 mars 2019 sur la responsabilité de l’infirmière. Le powerpoint qui a servi de support est accessible en cliquant ci-dessous.

La responsabilité de l’infirmier(e)