prélèvement

Où vont nos déchets humains?

Le magazine Causette (www.causette.fr) consacre dans son dernier numéro (n° 47, juillet-août 2014, article d’Héloïse Rambert) un papier très intéressant sur ce que deviennent nos déchets humains après une intervention chirurgicale.

En effet lors des 6,5 millions d’opérations qui sont pratiquées en France, il est généré près de 170 000 tonnes de déchets biologiques humains.

Ces déchets naissent des ablations d’organe, liposuccions, exérèse de tumeurs, IVG…

Une grande partie de ces déchets biologiques sont brûlés mais pas tous.  En effet une part est également utilisée pour la recherche ou les laboratoires privés.

Ainsi les unités de l’Inserm faisant de la recherche fondamentale sur les différents tissus utilisent ces éléments issus du corps humain conservés dans des biothèques.

Des laboratoires privés en bénéficient également. L’article cite ainsi le laboratoire Sterlab qui est spécialisé dans la reconstruction de tissus humain, vendus ensuite à des industries comme celle des cosmétiques afin de test de toxicité.

Sont également utilisées les cellules que les laboratoires privés multiplient ensuite à partir de la cellule souche et vont permettre de tester des molécules. Il existe donc un marché commercial de la cellule, marché aux bénéfices importants.

L’article nous interroge sur la conformité de ces pratiques avec le principe selon lequel les éléments produits du corps humains sont hors commerce

Ils ne peuvent donc a priori être ni vendus ni achetés.

Les lois bioéthiques protègent ces banques spéciales qui conservent les éléments issus du corps humains, les biothèques, mais en sera-t-il toujours ainsi ?

D’autre part, le patient est-il au courant et consentant quant au devenir et l’utilisation de ses déchets, parties de lui-même ?

Certes le patient signe un consentement mais le fait-il en toute connaissance de chose, c’est-à-dire en ayant une pleine idée de ce à quoi il a consenti ?

La médecine a longtemps considéré que le corps humain appartenait à la science.

Ce n’est plus le cas mais le consentement signé ne nous permet pas de savoir que nos déchets, produits de notre corps, vont prendre une valeur marchande et entrer sur un marché mondialisé.

Pour plus d’information se reporter à ce numéro 47 du magazine Causette

ordinateur

La Télémédecine

Un dispositif en pleine expérimentation

Suite à la codification par l’article L.6316-1 du Code de la santé publique (1) , issu de la loi Hôpital Santé Patients Territoire (HPST) du 21 juillet 2009, l’expérimentation de la télémédecine est enclenchée et suscite des interrogations.

La loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, prévoit en son article 36 que des « expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique, peuvent être menées à compter du 1er janvier 2014 pour une durée de quatre ans, dans des régions pilotes dont la liste est arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »

Selon le communiqué de presse du ministère de la santé du 26 mai 2014, neuf régions ont été sélectionnées pour expérimenter des tarifs préfigurateurs : l’Alsace, la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Centre, la Haute-Normandie, le Languedoc-Roussillon, la Martinique, les Pays-de-la-Loire et la Picardie.

Le ministère annonce que les premiers patients pris en charge par télémédecine le seront d’ici la fin de cette année.

On peut lire sur le site internet du ministère, un dossier complet sur la télémédecine, comprenant des guides et des brochures de présentation du dispositif, décrivant notamment les objectifs poursuivis.

Le mot d’ordre principal est la réduction des inégalités par un meilleur accès aux soins des patients, notamment en zones dites de « déserts médicaux ».

Ainsi, cinq actes principaux sont réalisables par la voie de la télémédecine : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la régulation médicale.

La télémédecine et le droit

D’un point de vue juridique, la télémédecine s’inscrit dans le droit commun des activités médicales, y compris pour les droits des patients.

Cette nouvelle pratique médicale nécessairement réalisée par la voie des nouvelles technologies pose des questions juridiques.

Le rapport de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) du 18 mai 2012 intitulé « Télémédecine et responsabilités juridiques engagées » tente de répondre à certaines de ces interrogations.

Obligation d’information (article L. 1111-2 du Code de la santé publique), tenue du dossier médical, consentement, secret professionnel sont autant d’obligations classiques du praticien quoi doivent se concilier avec la télémédecine.
A ces notions connues, s’ajoutent celles liées à l’utilisation des nouvelles technologies.

Le rapport rappelle, à juste titre, qu’au visa de l’article L.1142-1 du Code de la santé publique posant le principe de la responsabilité sans faute, la télémédecine utilisant du matériel assimilé à un dispositif médical, l’établissement est tenu à une obligation de sécurité de résultat pour l’utilisation de ce matériel.

Il pèse ainsi indirectement sur le médecin un devoir de compétence quant à l’utilisation de ces nouvelles technologies.

Si le rapport de la DGOS conclu sur un conseil pratique tenant à préconiser la rédaction d’un avenant au contrat d’assurance en responsabilité civile professionnelle, il n’en demeure pas moins que la position des juridictions qui pourront être amenées à trancher les difficultés d’ordre juridique sur la télémédecine est à ce jour inconnue.

Quant à l’Ordre National des Médecins, il a récemment publié sur son site internet la déclaration commune du Conseil Européen des Ordres des Médecins sur la télémédecine proposée par l’Ordre des médecins français (13 juin 2014).

On peut y lire notamment que « La pratique de la médecine à distance amplifie le degré de vigilance sur les contraintes de sécurité relatives à la confidentialité des données médicales, à la robustesse et à la fiabilité des organisations techniques utilisées. », que la formation des médecins aux technologies de l’information est vivement préconisée et qu’à l’échelle européenne, une coordination entre les Etats membres est attendue.

(1) “La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient.

Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients.

La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière sont fixées par décret, en tenant compte des déficiences de l’offre de soins dues à l’insularité et l’enclavement géographique.

intervention chirurgicale

LEAN MANAGEMENT A L’HOPITAL

Le Lean Management est un procédé né au Japon, chez Toyota plus précisément dans les années 90, avec à la base une réflexion  visant à créer plus de valeur ajoutée dans la production des produits par l’élimination du gaspillage.

Il s’agit de « dégraisser », d’enlever le surplus inutile, le temps perdu, d’où le terme de Lean Management, lean signifiant « dégraissé » en anglais.

La réflexion a ensuite été conceptualisée au sein du MIT, Massachussets Institute of Technology,  la célèbre université américaine.

La méthode implique que tous les employés participent à l’amélioration et que soit recherchée la production du produit la plus proche possible de ce qu’attend le client.

L’idée est de partir de la base à travers la consultation des salariés  pour parvenir, et ce de façon continue, à une recherche perpétuelle d’une meilleure qualité et d’une meilleure performance : gestes inutiles, mouvements trop longs, outils mal adaptés… doivent être diagnostiqués puis écartés.

Il s’agit d’obtenir des conditions de travail meilleures avec un client plus satisfait.

La méthode a séduit bien des entreprises qui l’appliquent à l’industrie depuis longtemps mais aussi aux banques ou aux assurances.

Elle tend à séduire également les centres hospitaliers et les établissements de soins dans leur ensemble.

Chercher les meilleures pratiques et les dupliquer en mettant le patient au centre du soin est l’objectif souhaité : il s’agit de quitter les « hautes sphères » pour étudier les pratiques réelles des soignants, les écouter, tester les innovations puis les étendre.

Le Lean Management présente a priori tous les atouts pour séduire les soignants comme les soignés, et donc in fine la collectivité dans son ensemble.

Spoiler

Faire en sorte que le chirurgien ne perde pas de temps inutile à chercher des lits de libres, qu’il se consacre exclusivement au travail opératoire en arrivant dans une salle où tout est prêt pour l’intervention à venir, des professionnels qui communiquent davantage entre eux, des patients qui ne perdent pas de temps dans les couloirs et repartent chez eux dès l’intervention ambulatoire finie sans attendre plusieurs heures au risque de devoir finalement passer une huit d’hospitalisation inutile, on ne peut nier que cela va dans le bon sens et s’inscrit dans un cercle vertueux de progrès.

Pour autant la méthode provoque des oppositions.

En effet, il lui est reproché, ou plus exactement il est reproché aux dirigeants qui souhaitent son application, de dévoyer la méthode en n’y voyant qu’un taylorisme amélioré, ayant pour seul but affiché le gain de productivité et en laissant de côté l’autre axe du Lean Management, à savoir le bien-être des salariés, voire pour les établissements de soins la satisfaction des patients.

Dans la mesure où la mise en œuvre du concept est concomitante avec les problèmes financiers des établissements de soins, les déficits, les restrictions budgétaires, les soucis de faire autant ou plus mais avec moins, on peut légitimement se poser des questions sur l’objectif vertueux affiché pour faire avaler la pilule « Lean Management » aux équipes de soins.

Quelles sont les principales critiques opposées au Lean Management par les salariés ?

Une division du travail plus importante qui dévalorise leur poste, une intensification des gestes qui génèrent des troubles musculo-squelettiques, une robotisation en éliminant les « temps perdus ».

Faire quelques pas de plus que nécessaire en traversant un couloir peut, au contraire d’une perte de temps, être un gain car il permet de se « dérouiller », de rencontrer quelques collègues et d’échanger avec eux et finalement d’ être mieux au travail et plus productif.

Cerise sur la gâteau pour certains : le Lean Management, par son aspect participatif, inclut le salarié dans une démarche qui le rend de fait acteur de son propre déclin.

« On ne soigne plus, on produit du soin, on industrialise le patient » disaient certains sur France Inter récemment (émission du 8 juin 2014 à écouter en podscast), « on ne fait pas du Lean pour améliorer les soins mais à cause du budget ».

Quand une prise de sang est minutée pour durer x minutes, que la toilette doit être exécutée en 7 mais que le patient se met à pleurer, l’infirmière doit-elle laisser tomber son patient qui ne rentre plus dans les cases du planning ?

Doit-on jeter le bébé avec l’eau du bain ?

En tant qu’usager nous avons tous été un jour témoin d’incohérences, de contradictions au sein de l’hôpital, avec le sentiment que le patient était la derrière roue du carrosse. Il ne faut pas négliger la résistance à tout changement de certains salariés ou la défense de son pré-carré par certains chefs de clinique surtout soucieux de défendre leur pouvoir avant leur service.

Mais dont-on oublier qu’un établissement de soins n’est pas une entreprise? 

La part d’aléa, qui peut être en général circonscrite dans l’industrie, ne peut l’être à l’hôpital.

Ne pas être obnubilé par la réduction des coûts semble être pour beaucoup d’avocats du Lean Management la meilleure façon de… réduire les coûts justement, en limitant les arrêts de travail et les maladies professionnelles.

Peut-être aussi en faisant du patient le cœur du système : pas sur le papier mais dans la réalité. Ne pas le faire sortir trop tôt après une intervention afin d’éviter de le faire revenir plus longtemps quelques jours après est aussi une façon de réduire les coûts.

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